Il n’existe dans le pays aucune initiative en faveur de l’archivage systématique des films et des vidéos
Le cinéaste haïtien émérite, Celesti Corbanese, connu sous le nom d’Arnold Antonin, révèle à AyiboPost qu’il a perdu l’original de ses six premiers films. La plupart des rushes de ces contenus, conservés sur pellicule, sont acidifiés.
«Sur les 70 films environ que j’ai produits, il peut y avoir une dizaine qui sont conservés numériquement», révèle Arnold Antonin, expliquant que les autres films sont enregistrés sur des DVD et conservés dans des conditions risquées à son domicile.
Ce cas illustre un problème récurrent parmi les producteurs en Haïti. Il n’existe dans le pays aucune initiative en faveur de l’archivage systématique des films et des vidéos.
«Bon nombre de mes films ne sont pas accessibles et j’ai beaucoup de contenus stockés sur des supports tels que les cassettes et les disques durs», déclare la réalisatrice Rachèle Magloire, qui vient de sortir le documentaire «1964 : Simityè kamoken».
Ce cas illustre un problème récurrent parmi les producteurs en Haïti. Il n’existe dans le pays aucune initiative en faveur de l’archivage systématique des films et des vidéos.
Richard Senecal, cinéaste haïtien internationalement reconnu, craint devoir bientôt faire face aux mêmes problèmes.
De 1989 à 2010, il a archivé sa production sur des supports comme des cassettes et des DVD. «Le séisme a affecté les locaux où étaient entreposés ces matériels», confie Senecal.
Depuis le tremblement, ces objets se trouvent dans un dépôt au cœur d’une zone à haut risque de tomber sous le contrôle des gangs, «sans aucune mesure particulière de conservation comme le contrôle de la température ou de l’humidité».
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Fondé en 1944, le Centre d’Art dispose d’anciens contenus documentaires sur des cassettes et des disquettes qui remontent aux années 1960. Toutefois, ces archives de l’institution créée par des Haïtiens tels que Maurice Borno, Albert Mangonès et l’aquarelliste américain DeWitt Peters, ne sont plus accessibles du fait que le centre ne dispose pas d’appareils adéquats afin de récupérer ces contenus.
«Lorsqu’on perd les archives, il s’agit de la perte de nombreuses valeurs, et cela représente également une rupture dans la transmission de l’héritage culturel du pays», analyse Love Mary Coqmar, gestionnaire des ressources documentaires au Centre d’Art.
Ces archives de l’institution créée par des Haïtiens tels que Maurice Borno, Albert Mangonès et l’aquarelliste américain DeWitt Peters, ne sont plus accessibles du fait que le centre ne dispose pas d’appareils adéquats afin de récupérer ces contenus.
Ce problème s’accompagne de l’indisponibilité d’archives audiovisuelles pour la réalisation de reportages et de documentaires.
En raison de ce phénomème, Rachèle Magloire, en activité depuis 1994 au sein de la société Fanal Production, dit connaître d’énormes complications pour documenter les faits pour son dernier film, «1964, Simityè Kamoken».
«Je mène actuellement un travail sur la période 1946-1950, et il n’y a aucune mémoire», se plaint Magloire, qui est obligée de solliciter l’aide de certains particuliers ou de quitter le pays afin de trouver des archives.
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Dans un pays à forte tradition orale comme Haïti, les films et les enregistrements sonores constituent des moyens efficaces de préserver la culture, les coutumes et les modes de vie qui sont, entre autres, des aspects de l’identité culturelle.
L’État n’effectue pas ce travail. Arnold Antonin dit avoir formellement proposé la création d’une cinémathèque en 1987 au Ministère de la culture et de la communication alors qu’il était président de l’Association haïtienne des cinéastes. Cette proposition fut relancée en 2005, sans aucune suite de la part des autorités, selon Antonin.
À l’heure actuelle, les Archives Nationales d’Haïti demeurent la seule institution étatique chargée de la gestion des archives dans le pays. Cependant, en ce qui concerne la gestion des contenus multimédias, leur travail semble se limiter à la préservation des archives des médias d’État.
Dans un pays à forte tradition orale comme Haïti, les films et les enregistrements sonores constituent des moyens efficaces de préserver la culture, les coutumes et les modes de vie qui sont, entre autres, des aspects de l’identité culturelle.
Pour les médias commerciaux, Jean Wilfrid Bertrand, directeur général de l’ANH, affirme qu’il n’existe aucun protocole d’accord entre l’État et les Archives Nationales. Il convient de noter que l’ANH ne dispose pas de bâtiments appropriés pour la conservation des productions.
Ainsi, chaque producteur doit faire de son mieux pour conserver ses propres archives.
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Richard Senecal a commencé récemment à numériser une partie de ses archives. «C’est quelque chose que je pense faire quand je peux, comme je peux. Donc, ce n’est pas garanti», soutient Senecal.
Les archives que Rachèle Magloire produit depuis environ cinq ans sont stockées sur des disques durs, mais elle s’inquiète : «Je ne sais pas pour combien de temps ils existeront».
La société de production Muska Group, réalisatrice du film acclamé «Kafou», utilise près de trois disques de stockage dans des endroits différents pour conserver ses productions cinématographiques, révèle le cofondateur de l’entreprise, Gilbert Mirambeau.
© Couverture graphique de l’article : Riquemi Perez/AyiboPost
Visionnez notre émission spéciale Chita Pale réalisée en septembre 2023, avec l’invitée, la cinéaste Rachèle Magloire, pour discuter de la sortie récente de son documentaire «1964, Simityè Kamoken» :
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