Les spécialistes ne recommandent pas l’utilisation du cache-nez comme moyen de protection si vous n’êtes pas malade. Le débat reste ouvert sur leur efficacité réelle
En cette journée de 24 mars, à la rue Monseigneur Guilloux, quelques motards arborent des masques de protection.
À défaut d’un véritable cache-nez, certains d’entre eux utilisent un mouchoir. D’autres préfèrent enrouler un maillot autour de leur cou au lieu d’être sans cet outil qui promet protection face à la propagation du Coronavirus.
L’utilisation du cache-nez n’est pourtant pas recommandée pour le grand public par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’institution internationale préconise son usage uniquement aux malades ou ceux qui toussent afin qu’ils ne répandent pas des gouttelettes autour d’eux. Les médecins qui rentrent en contact avec des gens à risque doivent aussi en porter.
De plus, la plupart des masques vendus dans les rues ne sont pas assez étanches pour stopper les virus comme le Covid-19.
Et même lorsqu’il s’agit des modèles appropriés, leur mauvaise utilisation, notamment une installation incorrecte, met à risque leur porteur. Médecins et organisations internationales continuent de mettre en avant le lavage des mains avec de l’eau et du savon et l’application stricte des règles d’hygiène élémentaires.
Efficacité des masques
Tous les masques n’ont pas les mêmes capacités à retenir les bactéries et microbes qui flottent dans l’air. « Dans le cas qui nous concerne, le masque chirurgical limite les dispersions de gouttelettes dans l’air pour les malades en cas de toux ou de sternutation », dit le médecin Jean Hugues Henrys.
En Haïti, le masque chirurgical est très commode surtout avec son apparence de papier repliant. Mais pour le personnel de la santé qui nécessite une protection beaucoup plus efficace, il est recommandé de porter les masques N95 ou FFP2, N98.
Avec le masque N95, précise le pharmacien Pierre-Hugues Saint-Jean, les gens ont cinq pour cent de risque de contracter la maladie lorsqu’ils sont exposés dans des milieux à forte charge microbienne. D’autres masques sont toutefois disponibles sur le marché, mais le pharmacien dit ignorer leur efficacité.
La saleté des masques
« Je préfère mon mouchoir qui est réutilisable après lavage que le cache-nez », confie Dieumaitre Saintigène, un motard près du stade Sylvio Cator. Il raconte avoir déjà utilisé deux masques qui sont aujourd’hui si sales qu’il ne peut guère les utiliser à nouveau.
Rien n’indique que les solutions alternatives comme le mouchoir de Saintigène offrent un niveau de protection adéquat. Parce qu’en vrai, les cache-nez constituent dans certaines situations un couteau à double tranchant. « Les masques peuvent aussi être source de contamination », dit le pharmacien Pierre-Hugues Saint-Jean.
Selon le pharmacien, il est important de savoir comment les utiliser et les éliminer correctement. Le cache-nez n’est efficace que s’il est associé à un lavage régulier des mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et du savon, dit Pierre-Hugues Saint-Jean.
Marie Maude est une dame d’une trentaine d’années qui habite à Carrefour Feuilles. Elle se sert d’un cache-nez depuis plusieurs jours maintenant. Alors qu’elle nous parle, Marie Maude utilise ses doigts pour enlever l’outil de protection de son nez en le déposant sous son menton. Ce geste est vivement déconseillé par des professionnels de la santé. « Les masques doivent être manœuvrés seulement à travers les lanières », recommande Pierre-Hugues Saint-Jean.
Un danger
« L’utilisation des masques pendant une journée entière si on n’est pas malade est donc inefficace », croit le spécialiste en épidémiologie, Jean Hugues Henrys.
Par ailleurs, Henrys craint que le masque ne produise pas chez la population un faux sentiment de sécurité qui peut engendrer la négligence des autres mesures essentielles comme l’hygiène des mains. Car, cet équipement médical peut être porteur de virus après leur manipulation par un individu.
« Ces gens s’exposent au quotidien avec le port des masques qu’ils manipulent inefficacement », regrette Jean Hugues Henrys ajoutant que la durée de vie d’un masque chirurgical est de quatre heures au maximum. Cet équipement doit être changé plusieurs fois par jour par quiconque désirant le porter.
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Du coup, quatre masques devraient donc être utilisés en moyenne par jour pour chaque personne, si l’on considère que les gens doivent les porter pendant une période de 12 heures. Pour une population de 12 millions d’habitants comme Haïti, on aurait besoin de plus de 40 millions de masques par jour !
Le pharmacien Pierre-Hugues Saint-Jean, également président de l’Association des pharmaciens haïtiens (APH), croit que les agences pharmaceutiques n’ont pas un million de masques en stock.
Les cache-nez n’étant pas réutilisables, il est recommandé de pratiquer les principes d’hygiènes de base, de distance sociale et de confinement pour être moins exposé à la propagation du virus.
Un débat actuel
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les personnes qui ne présentent pas les symptômes du Coronavirus ne devraient pas porter un masque. « Aucun élément n’indique que les masques protègent les personnes qui ne sont pas malades », lit-on dans un document de l’OMS.
Parallèlement, ce débat est encore actuel. Surtout avec de nouvelles études qui portent à croire que le virus peut traîner dans l’air pendant plusieurs heures. Le spécialiste en épidémiologie, Jean Hugues Henrys, estime que si tel est le cas, le port des masques serait le moyen de protection par excellence. Mais, il en ressort qu’il n’y aura jamais assez de masques pour la population et les prestataires de services de santé.
La ruée vers des équipements médicaux comme le masque dès le début de l’épidémie a d’ailleurs créé une rupture de stock dans certains pays.
Par ailleurs, le port des masques est une habitude instaurée dans les pays asiatiques bien avant la propagation du nouveau Coronavirus pour lutter contre la pollution de l’air.
Photo couverture: Jameson Francisque, un journaliste d’Ayibopost, arbore un masque N95. Crédit : Widlore Mérancourt
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