Kettly Mars signe L’Ange du patriarche à La Pléiade Pétionville, ce 17 mars à partir de 10 h a.m. Elle sera aussi en signature à La Pléiade Bois Patate, le 24 mars à la même heure. Avec 800 gourdes en poche, tout lecteur pourra retirer un exemplaire du roman dans lequel on ne s’en sort qu’après avoir rabattu la quatrième de couverture.
Un grand-père avide de pouvoir et de richesse fait un pacte avec le diable. En échange, le sang doit couler. Celui de son petit-fils. Mais le grand-père fait marche arrière au moment fatidique, et se croit suffisamment malin pour tromper la vigilance du premier des trompeurs sans qu’il ne s’en rende compte. Mais le diable n’est pas dupe. Ainsi commence la malédiction de toute une famille. Un tourbillon dans lequel Emmanuela, l’héroïne devra s’en sortir coûte que coûte, s’en perdre la tête.
Présentée ainsi, L’Ange du patriarche ressemblent à toutes ces histoires fantastiques mille fois lues. Si bien que n’importe quel lecteur pourrait prétendre en connaitre la fin avant même d’avoir lu une seule ligne. Sauf que cette histoire-là est écrite par Kettly Mars, une auteure avec laquelle la surprise attend à chaque tournant.
D’abord les thèmes et l’intrigue
La romancière, une fois de plus, aborde des thèmes chers à son cœur. La bisexualité de ces personnages (déjà évoqué dans L’heure hybride) ; les clivages des pseudos classes sociales haïtiennes ; les préjugés religieux (notamment sur le vodou) ou encore la prostitution, qu’elle se fasse sur les trottoirs ou derrière les portes des maisons de luxe de Pétionville. Cette fois, par contre, Kettly est revenue au fantastique (déjà abordé dans Kasalé) en tirant un peu plus sur la corde de la malédiction générationnelle. pour une histoire à mi-chemin entre un Stephen King et un Gary Victor.
Fidèle à elle-même, Kettly a encore joué avec nos nerfs comme elle a joué avec l’intrigue. Elle n’a lâché aucune miette avant le dénouement final. Chaque chapitre vit de son propre souffle, à quelques exceptions près. Le tout avec maestria. Même s’il faut certaines fois faire plus d’effort pour se rappeler d’un personnage quand il n’est pas Emmanuela, Alain ou Couz, les personnages centraux du récit. Une histoire vivante, aux résonances à la fois sourdes et claires comme seule l’auteure de Je suis vivant sait les produire.
Les clins d’œil
De tous les titres de Mars, L’Ange du patriarche est sans doute celui qui vend le plus Haïti. Pas parce que ce n’était pas le cas dans ses autres titres, mais bien parce que le détail qui fait le quotidien haïtien, chaque fois évoqué, est ciselé. Que le lecteur se trouve à Tombouctou et tombe sur L’Ange du patriarche, impossible pour lui de ne pas voir la guerre froide que se livrent chauffeurs de tap-tap et de taxis moto à la rue Oswald Durand. Il ne peut manquer non plus les cyclopes bipèdes et ailés du peintre haïtien Paskö ni résister à l’envie de fredonner Lakou Trankil de Bélo, tout à fait à sa place dans cette intrigue.
…et puis les découvertes
L’Ange du patriarche est probablement loin de détrôner L’heure hybride ou Saisons Sauvages sur la liste des grands titres de Kettly. Mais le livre vaut carrément le détour. Pour les petites perles d’humour, le détail descriptif qui donne l’impression de suffoquer, d’avoir peur ou de déglutir avec le personnage. Ou tout simplement pour la lucidité avec laquelle l’auteur nous lâche nos quatre vérités sur notre appréhension de la mort, de la vie, des rapports homme-femme et même à soi.
L’Ange du patriarche, Mercure de France, 304 pages, 800 gourdes (en signature ; 1000 gourdes en librairie.)
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