Selon un haut cadre de la MMAS interviewé par AyiboPost, le changement prématuré de gouvernement, des défis logistiques ainsi que les relations tendues avec des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH), ralentissent l’atteinte des objectifs de la mission
La progression des gangs, malgré la présence de 400 policiers kényans en Haïti, soulève des questions sur l’efficacité de la force multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), débarquée dans le pays en juin.
Selon un haut cadre de la MMAS interviewé par AyiboPost, le changement prématuré de gouvernement, des défis logistiques ainsi que les relations tendues avec des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH), ralentissent l’atteinte des objectifs de la mission.
Le contexte, marqué par les conflits politiques entre les acteurs haïtiens, fragilise les opérations de la mission, selon la source. « La révocation de Garry Conille à la tête de la Primature retarde certaines démarches », confie-t-elle à AyiboPost.
Des réunions stratégiques ont régulièrement eu lieu entre l’ancien Premier ministre – également ministre de l’Intérieur -, le commandant de la MMAS, Godfrey Otunge, et le directeur général de la PNH, Normil Rameau.
« Nous nous voyons contraints de reprendre des discussions déjà engagées avec le gouvernement précédent, afin de les poursuivre avec cette nouvelle équipe », explique la source, indiquant que ces mésententes au plus haut niveau de l’État a des « impacts sur les délais de leurs opérations ».
Le changement prématuré de gouvernement, ainsi que les relations tendues avec des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH), ralentissent l’atteinte des objectifs de la mission,
-Selon un haut cadre de la MMAS interviewé par AyiboPost.
Seulement 300 Kényans sont déployés sur le terrain, révèle le haut cadre à AyiboPost.
« Ce petit nombre ne peut pas donner de grands résultats », poursuit la source, informant que les vingt militaires et quatre policiers jamaïcains ne sont pas déployés sur le terrain, mais travaillent plutôt dans des bureaux. Ils interviennent au niveau stratégique.
Les six officiers bahaméens, arrivés en Haïti le 18 octobre, sont déployés avec les garde-côtes à Port-au-Prince.
Face à la montée des tensions dans la capitale haïtienne, le ministre des Affaires étrangères des Bahamas, Fred Mitchell a déclaré la semaine dernière que les soldats ne se sentant pas en sécurité peuvent quitter Haïti sans approbation officielle.
Les gangs poursuivent leur campagne de destruction à Port-au-Prince et dans des villes en dehors de la capitale.
Plus de 700 000 personnes sont déplacées en Haïti. Plus de 1 740 autres ont été tuées ou blessées en Haïti entre juillet et septembre 2024, selon les Nations Unies.
Deux cartes partagées par la mission avec AyiboPost retracent les différentes opérations menées par la MMAS dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.
Pour le département de l’Ouest, une quinzaine de sites ont été identifiés, parmi lesquels Pétion-Ville, Delmas, Christ-Roi et Tabarre. Petite Rivière de l’Artibonite, l’Estère et Pont-Sondé sont mentionnés pour l’Artibonite.
AyiboPost n’a pas vérifié ces informations de manière indépendante.
Présente en Haïti depuis cinq mois, la MMAS doit travailler avec la Police nationale. Mais les relations avec cette dernière restent compliquées.
En septembre 2024, une enquête d’AyiboPost a révélé les tensions et la méfiance réciproque existant entre les policiers haïtiens et les agents kényans.
Des tensions qui subsistent encore entre les deux entités.
La source kényane indique que la MMAS s’abstient de partager ses informations stratégiques avec la Police nationale en raison de fuites profitant aux gangs armés. Elle accuse des policiers haïtiens de travailler pour les gangs.
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De plus, le manque de ponctualité des policiers haïtiens lors des opérations est critiqué par les agents kényans, selon la source.
« Dans certains cas, les agents de la MMAS sont contraints d’attendre jusqu’à quatre heures avant que leurs homologues haïtiens soient prêts à intervenir dans une opération », se plaint-elle à AyiboPost.
Un policier de l’unité départementale de maintien d’ordre (UDMO) reconnaît ces retards, mais précise que parfois les policiers haïtiens doivent attendre l’autorisation du responsable de l’unité avant de s’engager aux côtés des Kényans.
le manque de ponctualité des policiers haïtiens lors des opérations est critiqué par les agents kényans,
-selon la source.
« C’est la procédure », précise le policier à AyiboPost. Selon ce dernier, il existe un manque de volonté du côté des autorités haïtiennes et kényanes pour améliorer les rapports entre les deux entités armées.
En octobre 2024, l’agent de l’UDMO a critiqué à AyiboPost la « passivité » des Kényans sur le terrain dans le quartier de Solino, une zone désormais sous le contrôle des gangs.
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Deux autres policiers haïtiens également affectés à ces opérations ont jugé « lâche » l’attitude des policiers kényans qui ont refusé de sortir de leurs blindés lors des opérations.
« Les Kényans ne nous apportent rien que nous n’avions pas déjà », a commenté un des policiers à AyiboPost.
Dans une interview exclusive accordée à AyiboPost le 22 octobre, Godfrey Otunge, commandant en chef de la mission, a évoqué certains de ses principaux « accomplissements » depuis son arrivée en Haïti en juin 2024.
Fred Mitchell a déclaré la semaine dernière que les soldats ne se sentant pas en sécurité peuvent quitter Haïti sans approbation officielle.
Il a notamment mentionné la réouverture de commerces à Port-au-Prince ainsi que le rétablissement de la circulation dans plusieurs quartiers de la capitale. Otunge a également souligné la reprise des vols à l’aéroport international Toussaint Louverture, interrompus à la suite des événements survenus en février et mars 2024.
Un policier haïtien présent sur le terrain aux côtés de la MMAS critique une attitude « propagandiste » des responsables kényans.
Dans une publication en juillet 2024 sur son compte X, la MMAS a revendiqué la reprise de l’Hôpital général. Trois policiers haïtiens ayant été déployés lors de ces opérations ont déclaré que les Kényans n’étaient pas présents à leurs côtés.
Les Kényans ne nous apportent rien que nous n’avions pas déjà, a commenté un des policiers à AyiboPost.
L’Hôpital de l’université d’État d’Haïti demeure fermé depuis février 2024.
Depuis une semaine, les activités commerciales sont paralysées dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince, suite à l’intensification des attaques armées.
L’aéroport international Toussaint Louverture est paralysé. Les autorités américaines ont interdit les vols en provenance des États-Unis vers Port-au-Prince après que trois avions ont été touchés par balles à proximité de l’aéroport.
Les gangs augmentent leur emprise. D’autres localités comme Arcahaie, Pont-Sondé et Cabaret ont été attaquées par la coalition de gangs dénommée « Viv Ansanm » ces derniers mois.
De nouvelles vagues de violences ont été enregistrées dans la capitale ce 19 novembre.
Des bandits armés ont tenté d’attaquer Pétion-Ville tôt dans la matinée avant d’être stoppés par les forces de l’ordre et des membres de la population.
Une trentaine de personnes au moins sont tuées, selon un bilan de la police.
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Face aux critiques et aux accusations de manque de résultats formulées à l’encontre de la MMAS, Godfrey Otunge a déclaré à AyiboPost en octobre qu’il « comprend » la frustration de la population haïtienne envers son équipe.
Il rappelle toutefois que la Mission des Nations unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) avait eu treize années pour intervenir en Haïti, alors que la MMAS, pour sa part, n’est présente dans le pays que depuis quatre mois.
Les responsables kényans disent attendre l’arrivée de nouveaux équipements et de nouvelles troupes à la fin du mois de novembre.
« C’est tout ce qu’il nous faut pour l’instant », conclut la source kényane rencontrée par AyiboPost.
Par Wethzer Piercin
Image de couverture | Des policiers kenyans.
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