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La longue historique des déboires d’Arnel Belizaire avec la justice haïtienne

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L’ancien député Arnel Bélizaire charrie un casier judiciaire très lourd. Retour sur les différentes accusations portées contre lui, les arrestations et autres décisions de justice dont il a été l’objet

Après avoir semé la police à Saint Marc, l’ancien député Arnel Bélizaire est arrêté à Jacmel dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30 novembre 2019.  Il est appréhendé en compagnie de son frère Clermont Bélizaire et six autres personnes :  Jean Pierre Fleure, Pierre Killick Cémélus, Joanel Paul, Garry Phillemond, Mackenton Estoril et Roberson Harry Joanis.

Lors de cette arrestation, des armes de guerre ont été confisquées par la police  : trois fusils, cinq pistolets, trois grenades, un masque à gaz et douze chargeurs de pistolet. La police a aussi trouvé huit chargeurs de fusil, des munitions, de l’argent liquide et des équipements de communication.

Le prévenu est transféré à Port-au-Prince en hélicoptère le 30 novembre pour être auditionné 4 décembre à la Direction Centrale de La Police Judiciaire (DCPJ). Il est accusé de « complot contre la sûreté intérieure de l’État, de l’Ambassade américaine et de la Brasserie la Couronne » pour avoir proféré des menaces contre ces institutions.

Le complot contre la sûreté de l’Etat est un chef d’accusation rare en Haïti. Cette infraction est punie de dix ans d’emprisonnement au moins et de quinze ans au plus. Il s’agit d’un complot contre la vie ou contre la personne des membres du pouvoir Exécutif, notamment le chef de l’État. Il peut aussi désigner l’intention de détruire ou de changer le gouvernement ou toute incitation à s’armer contre l’autorité du chef de l’État.

En contravention depuis la fin des années 1990

La première arrestation connue d’Arnel Bélizaire remonte au 14 septembre 1995. Accusé d’escroquerie et usage de faux, le prévenu était incarcéré à Delmas. Quatre jours plus tard, soit le 18 septembre 1995, il signe une reconnaissance de dette qui permet sa libération. On ignore si l’ordonnance de clôture par rapport à ce dossier a été rendue.

Entre 1998 et 1999, Arnel Bélizaire a été déporté des États-Unis pour « voyage illégal ».

Arrêté, puis évadé de prison

Le 14 octobre 2004, Arnel Bélizaire est accusé de meurtre d’un citoyen haïtien. Il est arrêté par la police nationale et pour détention illégale d’armes de guerre. Ce dossier a été confié à Eddy Darang qui était alors juge d’instruction. Personne ne sait ce qui est advenu de cette affaire.

Le 19 février 2005, l’ancien député ainsi que 481 autres détenus se sont évadés de la prison civile de la capitale. Il s’est réfugié en République Dominicaine. Sans nier avoir quitté la prison lors de cette évasion, Arnel Bélizaire affirmait «cette arrestation était politique ». « J’avais déclaré publiquement avoir laissé la prison », avait-il déclaré.

Arrêté en République Dominicaine, transféré en Haïti, puis libéré 

Le 2 juillet 2005, il est arrêté en République Dominicaine en relation avec une affaire de vol de véhicule et de détention d’armes automatiques illégales. Les autorités dominicaines l’ont remis à la Direction centrale de la Police judiciaire (DCPJ), le 3 juillet 2005. C’était à la demande du gouvernement haïtien. Le lendemain, Arnel Bélizaire a été envoyé au pénitencier national.

C’était le juge instructeur Napela Saintil qui gérait ce dossier. Présenté par devant la juridiction de jugement onze (11) mois plus tard, soit le 23 juin 2006, il est jugé, condamné et libéré sous le bénéfice de la loi Lespinasse. Selon cette loi, le temps de la prison préventive sera déduite de la condamnation.

Un simple calcul démontre que Arnel Belizaire n’a pas purgé entièrement sa peine. À compter du 2 juillet, ses 18 mois de condamnation devraient s’achever le 2 janvier 2007, soit 549 jours, car, le mois de février 2006 comptait 28 jours. Pourtant, il a fait 356 jours, moins d’une année.

Élu député malgré un casier judiciaire chargé

Malgré son dossier criminel, Arnel Bélizaire s’est porté candidat aux élections de 2011 en Haïti. Et, il a été élu comme député de Delmas/Tabarre. Depuis sa rentrée en fonction, il n’avait pas cessé de critiquer ouvertement le président Michel Martelly.

Le 27 octobre 2011, Arnel Bélizaire est encore arrêté en descendant de l’avion à l’aéroport de Port-au-Prince. Il est accusé de s’être évadé de prison en 2005. C’était au moment où il rentrait d’une mission parlementaire tenue en France.

Il est conduit au pénitencier national dans l’après-midi. Il n’est pas mis en cellule, parce que l’administration de la prison estime que les motifs  sont insuffisants. Il  passe la nuit au greffe de la prison.

Moins de 24 heures après son arrestation, il est conduit par des agents de l’administration pénitentiaire au siège du Parlement. Cette affaire a fait un scandale pour son caractère illégal, arbitraire et inconstitutionnel. Le député a été arrêté sur la base d’un mandat d’arrêt qui ne prend pas en compte son immunité parlementaire.

Après sa libération, Arnel Bélizaire souligne que cette arrestation était politique. Selon lui, il a été blanchi par la justice. « Les documents sont là, disponibles au tribunal de Première instance de Port-au-Prince. »

Pourtant, le parquet de Port-au-Prince a établi une liste des évadés du pénitencier national, les 29 février 2004, 19 février 2005 et 12 janvier 2010. Le nom du député figure dans cette liste.

En conséquence, Félix Léger, le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince d’alors, a été renvoyé par le ministre de la Justice Josué Pierre-Louis. Ce dernier a dû aussi démissionner pour éviter un vote de censure du gouvernement au Sénat.

Plus tard, soit le 23 mars 2012, la Chambre des députés vote sans explications une résolution déclarant que l’affaire est classée pour passer à d’autres priorités.

Journaliste à Ayibopost. Je m'intéresse à la politique et à la culture.

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