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La crise économique aux États-Unis occasionne des révocations en Haïti

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Environ 20 000 emplois sont estimés à risque dans le pays

Le climat sécuritaire en Haïti couplé au contexte économique difficile aux États-Unis risque d’engendrer la fermeture de plusieurs « factories », poussant au chômage des milliers d’ouvriers.

Au niveau de la Société nationale des parcs industriels (SONAPI), près de 15 000 ouvriers peuvent être renvoyés dans les jours à venir, fait savoir Dominique St Eloi, président de la Coordination nationale des ouvriers haïtiens (CNOHA). 

Selon la CNOHA, 15 des 32 entreprises de la SONAPI s’apprêtent à mettre les clés sous les portes.

D’ici la fin de cette année 2022, la société S&H Global S.A du Parc industriel de Caracol prévoit de fermer trois de ses usines. La décision vient avec le licenciement de 4 000 employés.

S&H Global S.A avait fait l’annonce le 4 juillet dernier dans un document portant la signature de son président, Zadok Min.

Selon les explications fournies par Min, 45 % des commandes des clients aux États-Unis passées à l’entreprise ont été annulées en raison du récent déclin économique du marché américain. Le pays fait face à l’inflation la plus élevée observée depuis des décennies, des prix de l’essence presque record et des factures importantes pour les achats les plus ordinaires.

Lire aussi : Des ouvriers manifestants révoqués

D’autres entreprises du secteur de la sous-traitance en Haïti se trouvent confrontées aux mêmes problèmes. Horizon, une société dominicaine de pantalons à la SONAPI, Valdor Apparel et WILL Best Haitian S.A, un magasin de production de vêtements, sont au bord de la fermeture.

Une entreprise comme Go-Haïti a déjà licencié plus de 800 travailleurs et fermé définitivement ses portes, selon le président de la CNOHA. Ayibopost a vainement essayé de rentrer en contact avec Mackendy ALEXIS, directeur de Go Haïti.

La situation suscite désarroi et incompréhension de la part des ouvriers.

Aminthe Aimable travaille pour Go Haïti depuis tantôt trois ans. La dame de 33 ans revenait à peine d’un congé maladie en juillet dernier lorsqu’elle reçoit la nouvelle : l’entreprise arrête ses opérations en Haïti.

Mère de deux enfants, Aimable ne peut expliquer pourquoi l’entreprise a cessé de fonctionner. Elle ne sait pas non plus comment elle va prendre soin de ses enfants, sans emploi.

La situation est similaire pour Watson Blanchard. Le désormais ancien ouvrier de Go Haïti n’a pas d’autres activités. Et il ne peut demander du travail auprès des « autres factories puisqu’elles confrontent pratiquement les mêmes situations ».

Selon Dominique St Eloi, certaines de ces usines refusent de payer à des centaines d’ouvriers leurs prestations légales, comme le veut la loi.

Lire enfin : « L’industrie textile n’existe pas en Haïti », selon Georges Sassine

Le salaire minimum dans le secteur du textile a été ajusté à 685 gourdes en février 2022. Ce montant, bien que loin des 1000 gourdes réclamées, permet à près de 60 000 ouvriers de 41 factories de survivre, en marge d’une inflation galopante et d’une accélération de l’insécurité sous l’administration du Premier ministre, Ariel Henry.

 Selon l’économiste Etzer Emile, cette vague de révocation représente un mauvais signal pour des investisseurs et constitue un manque à gagner pour l’État en termes de recettes fiscales sur la masse salariale.

Cette situation, poursuit-il, devrait faire basculer davantage plus d’Haïtiens dans l’extrême pauvreté et augmenter, du coup, leur vulnérabilité.

« En général, ces emplois ne permettent pas aux ouvriers de faire face à leurs obligations. Mais toute perte d’emploi doit être considérée comme une mauvaise nouvelle pour l’économie », analyse Etzer Émile.

La situation sécuritaire dans le pays inquiète les investisseurs. D’après Georges Sassine, membre du conseil de l’Association des industries d’Haïti (ADIH), des entreprises du secteur textile sont incapables d’exporter leurs articles à l’étranger en raison de la violence des gangs.

Des factories sont aussi incapables de recevoir les matières premières venant de l’étranger. « Si rien n’est fait, toutes les entreprises et les usines du secteur de la sous-traitance fermeront définitivement leurs portes », prédit Georges Sassine.

Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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