Le 22 décembre dernier, Jean-Michel Basquiat, « l’enfant radieux», aurait eu 55 ans. Une belle occasion de revisiter sa vie et son oeuvre.
1. La rue
Jean-Michel, que beaucoup de ses amis et proches appelait simplement Jean, voit le jour le 22 décembre 1960, à midi, à Brooklyn, d’une mère, Matilde, d’origine portoricaine et d’un père, Gérard, d’origine haïtienne. La famille s’agrandit avec l’arrivée de Lisiane en 1964 et Jeanine en 1967.
Jean-Michel résume l’ambiance familiale durant son enfance par ces mots: «Mon père est un businessman…ma mère est devenue folle en raison de son mauvais mariage…avec mon père ». La réalité est, toutefois, beaucoup moins « noire ».
Apprenant à lire et à écrire dès l’âge de 4 ans, Jean-Michel est un des ces enfants précoces. Sa mère l’emmène, de temps à autre, découvrir des expositions. A six ans, il a déjà sa carte d’adhérent au Brooklyn Museum et visite, par ailleurs, fréquemment le Metropolitan Museum of Art (MET) et le très connu Museum of Modern Art (MoMA).
En 1968, alors âgé de 7 ans, Jean-Michel est victime d’un accident de voiture, alors qu’il joue dans la rue. Pendant son hospitalisation, sa mère lui offre un manuel d’anatomie, qui aura par la suite une influence majeure sur son travail.
Le reste de son enfance est marqué par une forte instabilité avec la séparation de ses parents, les troubles psychiatriques de sa mère, de nombreux déménagements et la « sévérité » de son père qui n’hésitait pas à le « battre ».
Ainsi, il connait, très vite, une addiction à la drogue et fait ses premières fugues et ses expériences avec la rue…
2. L’héroïsme
En 1976, l’année de sa seconde fugue (la première, un an plus tôt, n’avait durée que quelques heures), Jean-Michel, se lie d’amitié avec Shannon Dawson et Al Diaz. En compagnie de ce dernier, il commence à bomber des graffitis sur les murs du centre de Manhattan en compagnie , sous le pseudonyme de « SAMO© », (SAMe Old shit », c’est-à-dire la « même vieille merde »). Il faut dire que pendant ces années, le « graffiti », envahit tout New York. Avec d’autres, comme Keith Harring, il commence à se faire connaitre et à faire parler de lui.
Un peu plus tard, Jean-Michel entreprend de vendre des collages sous forme de cartes postales photocopiées ainsi que des dessins et des T-shirts qu’il peint lui-même. Un soir, il repère Henry Geldzaher, célèbre critique d’art, qui dîne avec Andy Warhol, dans un restaurant sur Prince Street, il l’aborde pour lui montrer et ses travaux et répond à sa question de savoir quel est son propos : «La Royauté, l’Héroïsme et les Rues. ».
Durant ces années, 1978-1979, Jean-Michel aka SAMO, voyait le graffiti plus comme une écriture poétique, une forme d’art conceptuel qui annonçait son passage imminent à la peinture. Faute d’argent, il ne pouvait pas s’acheter des toiles et de la peinture pour peindre. Mais ce n’était plus pour longtemps…
En 1981, Jean Michel tague: « SAMO is dead» comme un signe révélateur de la naissance de sa carrière. Long live Basquait, disons-nous !
3. La royauté
Cette même année de 1981, il est invité à participer à une grande manifestation d’avant-garde : New York / New Wave. Ce fut sa première « vraie » exposition car un an plus tôt, dans le Times Square Show, qui n’a duré qu’un jour, il disposa d’un mur dans l’escalier entre le troisième et le quatrième étage pour s’exprimer…
Après New York / New Wave, tout s’accélère dans la vie de Jean-Michel. Il fit, à la suite, sa première exposition personnelle et devint rapidement l’un des peintres les plus recherchés de New York. En quelques mois, ses toiles atteignirent des prix incroyables et chacune de ses expositions était un véritable événement. Les collectionneurs s’arrachaient ses tableaux et dans le milieu de l’art on ne parlait plus que du jeune prodige haïtien. Ce jeune noir dont on arrivait difficilement à prononcer le nom !
A partir de 1983, les expositions s’enchaînent et la folle course vers la gloire commence pour Jean-Michel. Son succès l’emmène partout: à Los Angeles, à Zurich en Allemagne, à la Ikeda Gallery de Tokyo, au Centre Culturel français d’Abidjan, en Côte d’Ivoire…
Dans le contenu de ses œuvres, se distinguent des aspects agressifs. Des mots apparaissent dans ses toiles, leur écriture est violente ; même les couleurs, pour une grande partie chaudes, traduisent cette violence. Il flirte avec la provocation sans jamais l’approcher de trop près. Le corps est aussi pour lui une obsession. Sans doute le fruit inconscient (ou pas) de son accident et du recueil d’anatomie, offert par sa mère. Mais surtout, La Mort n’est jamais très loin, elle plane, dans ses œuvres, comme une épée de Damoclès.
Jean-Michel mène une vie de château, il dort dans les palaces, fréquente des lieux branchés et sort avec les plus jolies filles. Il eut même une aventure avec la jeune chanteuse Madonna.
L’argent ne manque pas. La drogue non plus.
Le 22 février 1987, son ami et collaborateur, Andy Warhol, meurt. Devasté par cette disparition, Basquiat, qui s’est toujours senti seul et incompris, sombre encore plus dans la drogue et mène une vie recluse.
Il achète un billet pour se rendre à nouveau en Côte d’Ivoire, le 18 août 1988, afin, dit-on, « de se débarrasser définitivement de son addiction à la drogue grâce au vaudou ». Malheureusement, il meurt d’une overdose, 6 jours plus tôt, soit le 12 août 1988. On trouva sur lui, les billets d’avion pour la Côte d’Ivoire.
Il laissa, derrière lui, une œuvre de plus de 800 tableaux et 1 500 dessins. Un Basquiat s’estime aujourd’hui à plusieurs dizaines de millions de dollars américain.
Un roi ne meurt jamais.
Max Jean-Louis
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