AYIBOFANMCULTUREEN UNESOCIÉTÉ

Je veux divorcer, mais je n’ose te le demander…

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Je dépose ma bouteille de Bordeaux vide sur la table en cèdre de notre immense salle à manger, mon verre en main, je déambule dans la pièce comme une Marilyn Monroe sortie tout droit du grand écran: robe de chambre en soie blanche, cheveux légèrement défaits, cigarette entre l’index et le majeur de ma main droite tandis que son double exécute des demis- cercles avec élégance.

Je tire une bouffée de mon Marlboro tout en me dirigeant vers notre salle de séjour. Nos photos de famille y brillent de mille feux dans leurs encadrements argentés. J’y vois de façon chronologique ces 25 dernières années: nos fiançailles, notre somptueux mariage, la naissance de notre aîné puis celle de notre cadette, notre tournée à Disney land pour leur 7 et 5 ans, nos vacances dans le sud du pays à Jacmel, les photos de leurs graduations et, finalement celles des fiançailles de notre cadette … Tous ces moments heureux semblent à présent me rirent au nez. Je vois dans cette chronologie parfaite un leurre, un conte de fée qui n’a jamais existé .

Je bois d’un trait le contenu de mon verre de vin tout en serrant les yeux pour empêcher en vain aux larmes de couler.
Personne ne sera témoin de cet instant de faiblesse où je laisse de coté ce masque de femme comblée que je porte depuis tant d’années. La bonne a son jour de congé, le gardien de sécurité monte la garde devant notre superbe propriété juchée dans les hauteurs de Port-au– Prince que nous avons construit ensemble avec amour, nos enfants sont à des kilomètres de nous aux États Unis construisant à présent leur vie et toi… Toi, tu te trouves à te prélasser dans les bras d’une autre!

Tu as été au début très discret, ne loupant aucun moment familial, te montrant le plus attentionné des maris et père de famille. Toi avec ton éternelle bonne humeur et ton sourire charmeur. Notre couple a toujours été le modèle idéal pour nos amis qui n’ont fait que passer de divorces en divorces et notre foyer un lieu de sérénité pour nos enfants et leurs amis en quête de repères et de stabilité. Oui, je me suis toujours comportée comme la femme la plus heureuse au monde, je fais des envieuses dans mon entourage. Mais pourtant, si seulement ils savaient! Le jour même du voyage de notre fils ainé pour l’université tu as passé la nuit ailleurs. Une première en 18 ans de mariage !

Le vide qu’a laissé l’absence de nos enfants n’a fait que s’agrandir; cette maison jadis pleine de vie s’est petit à petit transformée en un cimetière tandis que mon cœur s’émiettait de plus en plus …

 Je suis à présent fatiguée de faire semblant, mon cœur réclame haut et fort ce que je n’ose te demander de vive voix: je veux divorcer. Je ne veux plus continuer à passer mes soirées avec pour seule compagnie ma bouteille de Bordeaux et ma pochette de cigarettes. Je ne veux plus continuer à t’accompagner dans ces réceptions affichant un sourire forcé tout en sachant que tu rejoindras une autre  tard dans la nuit…

 Je sais aujourd’hui que tu as une famille en parallèle ; tu as sans doute pour te sentir plus jeune recommencer ailleurs  avec  une amante à peine plus âgée que notre cadette et un enfant en bas âge. Ou peut-être ton cœur a été fatigué de m’aimer et a préféré en aimer une autre? À cette unique pensée mon âme s’étiole de plus en plus, je monte dans notre chambre et je me recroqueville dans notre lit où l’on n’a plus fait l’amour depuis une éternité.L’histoire de notre vie commune se déroule de plus belle dans mes pensées, nous avons connu de si beaux moments ensemble … Comment pourrais-je te détester? Je ne veux point devenir comme l’une de mes amies à faire des messes basses sur son époux infidèle ni essayer de te rendre la pareille en me cherchant un jeune amant fringant. Je veux retrouver mon sourire d’antan, je veux tout simplement arrêter de jouer un rôle qui ne me convient plus .

 Oui, je veux divorcer !

J’entends le bruit du moteur de ta voiture. Quelques minutes plus tard tu montes dans les escaliers comme notre aîné fautif le faisait par le passé après une nuit trop arrosée. Finalement je perçois ton souffle dans notre chambre à coucher. Je n’ose bouger de mon coté de peur que tu remarques mes larmes sur mon oreiller … Tu te déchausses, ton poids fait grincer notre matelas et tu me touches délicatement l’épaule comme pour te repentir de ton infidélité. Je sens tes lèvres sur mon front et j’entends ton lourd soupir. Je sais qu’à la minute où tu as remis les pieds dans notre domicile tu as à nouveau ressenti le poids de toutes ces années de vie commune…

Ton portable vibre sur notre table de nuit, tu te lèves vivement du lit pour prendre l’appel; je t’entends chuchoter dans l’obscurité tous ces mots d’amour que tu ne m’adresses plus depuis des années … Mon cœur se serre et crie à nouveau haut et fort mon besoin de divorcer, cependant mes larmes coulant de plus belle témoignent tout simplement de ma résignation …

 Je sais que je n’aurai jamais le courage de tirer un trait sur tous les souvenirs que nous avons en commun. Je sais que demain je serai au téléphone à prodiguer des conseils  pour un mariage heureux à notre cadette si désireuse d’avoir un foyer comme le notre. Et je sais que j’afficherai un sourire éblouissant lors de la réception qu’organiseront nos enfants pour nos 25 ans de mariage, tandis que mon cœur continuera de dire en silence:  » je veux divorcer, mais je n’ose te le demander « 

Milady Auguste

Étudiante en médecine, patriote , passionnée d'art , d'histoire et de littérature , j'ai une personnalité très polyvalente qui se manifeste à travers mes écrits . Grande observatrice j'utilise ma plume et les mots pour peindre tout ce qui m'entoure. Si vous croisez un jour une jeune femme qui vous observe avec de grands yeux ayant à portée de main son IPad ou son portable et qui affiche un sourire énigmatique ou malicieux , vous saurez que c'est moi ! ;)

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