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Interview: Maarten Boute face aux accusations des clients de Digicel (Partie 1)

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Maarten Robert Boute est actuellement le président de Digicel Haïti. Il est venu en 2009 remplacer Ghada Gebara en 2009 en tant que PDG. Après avoir quitté le poste en 2012, il est redevenu PDG en 2014 pour, ensuite, être promu Président. Avec 20 ans d’expérience dans les télécommunications, Maarten Boute est en train de gérer un moment tendu pour la compagnie qui opère des changements internes et subit la grogne de nombreux consommateurs insatisfaits.

 

Lancé en Haïti en 2006, la Digicel a investi jusqu’à date un peu plus de 1.2 milliards de dollars. La compagnie compte aujourd’hui un millier d’employés en interne et plus de 120 000 personnes enregistrées comme marchands de Pap Padap dans les rues. Le groupe Digicel existe actuellement dans 33 pays. Digicel est également le premier contribuable fiscal en Haïti.

 

Ces derniers mois, l’entreprise subit une vague de critiques de la part de ses clients qui estiment qu’elle fournit un service de mauvaise qualité. Avec Ayibopost, Maarten Boute fait le tour de ce problème. Dans cette première partie de l’interview, le président de Digicel aborde l’exploitation de la technologie 4G LTE, le prix des minutes d’appel, la portabilité des numéros et la relation de la compagnie avec l’Etat.

 


 

Monsieur Boute, quels sont les avantages que l’Etat vous a accordés pour vous implanter en Haïti ?

Le code des investissements prévoit certains avantages fiscaux. Je n’ai pas en tête le nombre d’années exacte, mais à mon souvenir, c’était cinq ans d’exemption d’impôts sur le revenu. Cela équivaut presqu’à ce qu’on reçoit dans d’autres pays à travers la Caraïbe et dans le monde. Je pense que ça serait une bonne chose pour le Gouvernement de revoir ce qu’ils peuvent faire pour justement améliorer ces incitatifs, pour faire venir les investisseurs, parce que ce qu’on octroie, aujourd’hui, ne suffit pas forcément pour faire venir les investisseurs étrangers. Pour l’instant, il y a trois gros investisseurs étrangers qui sont là : le groupe Heineken qui est avec Brana, le groupe Rubis qui vient d’acheter Dinassa et puis le groupe Digicel. On peut compter là-dedans Comme Il Faut. En ce qui à trait à Natcom, je ne compte pas vraiment Viettel parce que c’est quelque part un Etat étranger, l’Etat du Vietnam qui investit avec l’Etat haïtien dans cette compagnie. Mais, ces trois investisseurs-là, souffrent fortement, si l’on compare  à ce qu’ils auraient eu comme avantage dans d’autres pays à travers la Caraïbe.

 

Qu’entendez-vous par améliorer les incitatifs ? N’y a-t-il pas assez de largesses dans le code des investissements ?

C’est une perception. Malgré ce code des investissements qui, soi-disant, était très large, je pense que dès la deuxième année ou même la première année d’opération de Digicel, on était déjà le plus grand contribuable. Donc, ça veut dire que malgré certains avantages qui sont donnés, il y en a d’autres qui sont assez onéreux. Je prends en exemple le taux d’imposition en Haïti sur les sociétés qui dépasse largement celui de tous les pays de la Caraïbe. On a plus de 30 à 33% de taux d’imposition sur les revenus simplement. On est obligé pour chacune de nos antennes d’avoir deux génératrices qui tournent. On est devenu une société de distribution de gazoline parce que nous n’avons pas accès à l’électricité. Dans d’autres pays, nous avons accès à des backbones de fibres optiques. Il y a des infrastructures qui sont posées avec la subvention de l’Etat pour supporter ce type d’infrastructure.

En Haïti, nous sommes obligés de construire l’entièreté de notre backbone national et international avec nos propres fonds. Donc, il faut toujours regarder l’ensemble des choses. Si on prend une chose de manière isolée, on peut croire effectivement « Ah ! On a donné tellement d’avantages à cette compagnie, elle en profite et une fois qu’ils sont épuisés, elle part. » C’est un peu ce qui se passe dans l’assemblage. Beaucoup de gens qui sont actifs dans l’assemblage aujourd’hui vont de franchise en franchise, de code des investissements en code des investissements, et finalement la contribution réelle dans les caisses de l’Etat est minime. Je ne dis pas que c’est un mauvais secteur parce qu’il y a une création d’emplois qui est importante. J’ai quelques réserves sur le salaire minimal, à mon avis qui est encore criminel, qu’il faudrait revoir. Mais, ça reste un secteur porteur. Mais, peut-être, on confond ce type de secteur-là, avec un secteur où il y a un investissement conséquent qui est fait- tel est le cas dans les Telecom- et, où il y a une contribution directe et immédiate vers l’Etat.

 

Pourtant Monsieur Boute, en 2012, Digicel générait plus d’un demi milliard de dollars de revenu, et sur les 31 pays où vous existiez à l’époque, Haïti était le pays le plus rentable !

Si l’on regarde de façon isolée le revenu de cette année-là par rapport à ce qu’on a contribué, je peux éventuellement vous l’accorder. Mais si on regarde la globalité de l’investissement qu’on a dû faire pour arriver là… Le groupe Digicel accuse aujourd’hui près de sept milliards de dollars de dettes. Les intérêts sur ces dettes nécessitent des remboursements d’environ 700 millions de dollars par an..

 

Le groupe Digicel accuse aujourd’hui près de sept milliards de dollars de dette.  Les intérêts sur ces dettes nécessitent des remboursements d’environ 700 millions de dollars par an.

 

On a fait des investissements qui étaient conséquents. On est dans un monde qui change de façon permanente. On est obligé d’investir dans les nouvelles technologies d’une façon permanente sinon les clients sont insatisfaits et on perd notre place dans le marché. Ce n’est pas un métier où l’on vient une fois investir et après c’est la poule aux œufs d’or. On est passé en 2012 d’un revenu d’environ 500 millions de dollars ici en Haïti, à actuellement, pour le secteur dans son entièreté à moins de 400 millions de dollars. Donc, le secteur est en décroissance de façon assez forte.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             
Et que représente la Digicel dans tout ça ?

On doit représenter 80% des revenus dans le secteur facilement.

 

Ça fait un temps que Digicel dit qu’elle possède la technologie 4G et Natcom dit qu’elle est venue avec la vraie 4G. Pourquoi cette guéguerre ? Avez-vous une licence pour exploiter la technologie 4GLTE en Haïti ?

Quand Digicel a annoncé le 4G en 2013, c’était quelque part un peu une approche commerciale et de marketing. Parce qu’il s’agissait du 3G HSDPA ou bien la HSDPA+ qui est quand même le 3.5G, techniquement, on avait le droit d’appeler le 3.5G le 4G. C’est une grande différence avec le 4GLTE, le vrai 4GLTE que nous avons comme la Natcom. Nous avons des équipements qui sont déjà là actuellement en Haïti pour les tester. La grande différence, c’est que le CONATEL [Conseil National des Télécommunications, Ndlr] nous a demandé de ne commercialiser ces services tant que n’avions pas de licence. Il a demandé ça à la Natcom et à la Digicel.

La Digicel a respecté presque religieusement les demandes de l’Etat. Nous avons fait un tout petit peu de publicité sur le 4GLTE en étant très clair qu’il allait arriver : « 4G LTE ap rive ». On n’est pas encore dans une commercialisation. Mais, nous avons en termes de réseau quasiment le même nombre d’antennes, peut-être un peu plus qui sont déjà en 4G LTE. Nous avons respecté la loi comme nous le faisons d’habitude, ici. Nous payons tous nos impôts, nous respectons la loi, nous essayons de respecter les us et coutumes du pays et j’ai l’impression que Natcom ne fait pas tout à fait la même chose. Eux, ils ont commencé à parler de ce 4G LTE, là où nous, on ne le fait pas.

C’est l’une des raisons pour laquelle on a eu un certain froid pendant un certain temps avec le Gouvernement. Parce qu’on se dit : « comment ça se fait que le meilleur élève de la classe qui essaie de se comporter comme un bon citoyen, qui coopère en tout cas au niveau des impôts, de la façon dont on fait les affaires avec la Fondation, de la façon dont on respecte les lois dans le pays et que d’autres comme Access Haïti ou Natcom se permettent de parler ouvertement de cette technologie là alors que nous on ne le fait pas encore ? »

Dès que nous aurons la licence, et maintenant je dois vous dire qu’on avance d’une façon assez rapide avec l’Etat, on va crier haut et fort que nous avons également le 4G LTE et que le nôtre est tout aussi performant et même plus performant que celui de nos concurrents.

 

Monsieur Boute lorsqu’un client de Digicel regarde ou entend une publicité où Digicel se vante d’avoir la technologie 4G LTE: est-ce que Digicel ment à ce client ?

Non. Nous avons actuellement 123 antennes 4G LTE qui existent dans le pays. Nous n’avons pas le droit de le commercialiser et nous ne faisons pas de publicité au sujet du 4G LTE à la radio. La seule compagnie à date qui le fait, c’est nos amis en Bleu. Nous avons fait quelques publicités dans les magasins dans lesquelles, on dit que le 4G LTE va arriver. Parce que nous avons respecté les consignes qui nous ont été données par le CONATEL. Nous sommes une compagnie multinationale, nous travaillons dans 33 pays. Ce n’est pas parce que dans certains pays les lois sont faibles ou l’implémentation des lois est faible, que nous n’allon pas les respecter. Nous avons actuellement déjà 123 antennes 4G LTE qui existent dans le pays. Nous n’avons pas le droit de le commercialiser

 

Nous avons actuellement 123 antennes 4G LTE qui existent dans le pays. Nous n’avons pas le droit de le commercialiser et nous ne faisons pas de publicité au niveau du 4G LTE à la radio.

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                               
Le député Gary Bodeau a déclaré que la Chambre des Députés a reçu plus de trois mille plaintes d’utilisateurs de téléphonie qui dénoncent la mauvaise qualité du service.

Nous avons écrit à l’honorable Bodeau pour lui demander une copie de ces plaintes. Nous travaillons étroitement avec des organisation de protection de consommateurs telle que l’organisation SALCONH et nous répondons toujours religieusement aux différentes questions qui sont posées par ces organisations de protection des consommateurs. Nous n’avons reçu aucune plainte venant de la Chambre des Députés. Je serais très intéressé de voir la teneur de ces trois milles plaintes que monsieur Bodeau mentionne, afin que nous puissions répondre de façon très formelle et très transparente pour voir de quoi exactement il parle. J’ai l’impression qu’effectivement, il y a certains soucis sur le marché. Il y a un problème technologique qui est au niveau de la qualité du service. La raison, c’ est que ça fait deux ans et demi que nous essayons d’obtenir une licence auprès de l’Etat haïtien. Je dois vous dire que nous voulons payer un prix qui est raisonnable et internationalement accepté. Nous sommes une multinationale, nous sommes assujettis à des lois internationales. Nous ne voulons pas entrer dans des magouillages, des marronnages, dans toutes sortes de choses qui se font en Haïti parce que nous ne pouvons pas nous le permettre.

Moi je suis citoyen haïtien, j’ai un passeport belge, mais je suis également résident américain. Je n’ai pas envie d’arriver aux Etats-Unis un jour et qu’on m’arrête pour corruption. Je suis très très conscient de ça. Très différemment de certains qui opèrent dans ce pays. Donc, nous n’avons pas vu ces plaintes venant de la Chambre des Députés. J’encourage l’honorable Bodeau à les partager avec nous afin que nous puissons répondre d’une façon transparente au peuple haïtien, de leur montrer  ce que nous sommes réellement et de leur démontrer qu’il n’y a pas de vols de minutes. Il y a des problèmes de clarté, il y a des problèmes de simplicité de nos offres.

 

Le député Bodeau a dit « Le dossier de télécommunication est extrêmement politique en Haïti ». Pourquoi est-il devenu un sujet sensible dès qu’il s’agit d’adresser les problèmes des compagnies de télécommunication ?

Je ne sais pas quels sont les jeux politiques que font les politiciens actuellement. Je ne me sens pas concerné. Je me sens concerné dans le sens que je trouve que c’est important que nous changions certaines choses.

 

Monsieur Boute, quel est le prix d’une minute pour un appel actuellement ?

Ca varie énormément. Ca dépend d’où vous êtes et de l’heure. Et c’est ça aussi qui rend les choses complexes. Nous avons par exemple un produit qui s’appelle « Zone Digi ». C’est un produit technique qui va regarder sur une antenne particulière, si la capacité de cette antenne est très ouverte, dans ce cas, il y a beaucoup de places dessus, nous allons donner jusqu’à 90% de remise sur l’appel. Si vous êtes dans une zone où, à un moment de la journée, il y a beaucoup de charge sur l’antenne, ce système va automatiquement s’ajuster pour donner moins de remise. Donc, pour moi ça varie entre zéro (0)- parce qu’il y a beaucoup d’appels Digicel et Digicel qui sont gratuits- jusqu’à 4.70 gourdes, 5 gourdes, peut-être même 5.50 gourdes dans le pire des cas, par minute pour un appel. C’est l’une des choses que nous allons changer dans les prochaines semaines et mois. Nous allons de plus en plus vers des offres idéalement illimitées. Même si vous achetez un plan de neuf (9) gourdes par exemple, nous allons  essayer d’insérer un aspect illimité dans ce plan, pendant l’heure que vous allez avoir des appels illimités. Nous voulons être clair et transparents, nous avons bien compris que nous avons failli à ce niveau-là et nous sommes en  train de changer pour devenir beaucoup plus transparent et beaucoup plus clair.

 

Prélevez-vous le prix de la minute vraiment quand le client atteint les 60 secondes ou à partir de quelques secondes ?

Il y a des offres sur lequelles la facturation est à la seconde près. Donc, si vous consommez trente-trois (33) secondes, donc, on va vous donner trente-trois soixantième (33/60), plus ou moins la moitié d’une minute qui va être facturée. Il y a d’autres plans où l’on va dire que vous êtes facturé à la minute. Mais les plans qui sont facturés à la minute, très souvent, on est dans une logique où les prix sont moins chers. Les plans à la seconde, je dois dire que c’est 5.50 gourdes et les offres qui sont facturées à la minute, on va dire que c’est quatre (4) gourdes la minute. Mais on le dit clairement aussi, c’est facturé à la minute. Donc, si vous faites un appel de soixante-deux (62) secondes, vous allez être facturé deux minutes dans un plan qui est facturé à la minute. Si vous faites un appel de soixante-deux (62) secondes dans un plan à la seconde, vous allez être facturé exactement, soixante-deux (62) secondes.

 

Qui fixe le prix de la minute d’appel ?

C’est fixé commercialement par les entreprises. Il n’ y a pas une loi [qui permet] au CONATEL de fixer ou de ne pas fixer. Je pense qu’il y a quelques textes vagues dans la loi qui éventuellement leur permet d’agir sur des prix. On est dans une situation- surtout quand je regarde les prix data- où on est largement moins cher que le reste de la Caraïbe et le reste du monde. Ça ne paraît pas comme ça, mais en réalité quand on regarde le coût d’un mégabyte, c’est trente (30%) à quarante (40%) pour cent moins cher que ce qui se pratique ailleurs. Je dois dire qu’on doit mieux communiquer sur la complexité des Smartphones, sur la complexité d’utilisation de nos offres et on doit les simplifier et nous occuper à faire ça. Mais pour le reste, je me sens tout à fait à l’aise de dire qu’on est largement moins cher.

 

Avez-vous un problème avec la portabilité des numéros ?

Nous n’avons pas de problème particulier. On a certains pays dans lesquels cette portabilité est active. La seule chose que nous avions exprimé comme souci et comme contrainte au CONATEL, c’est le coût d’investissement nécessaire pour le retour attendu. Dans les pays comme le Panama, le Salvador, la Nouvelle-Guinée dans lesquels nous avons la portabilité, nous avons vu que les deux operateurs ont dû investir plusieurs millions de dollars dans ce système. L’Etat également a dû investir quelques millions de dollars pour le faire, et finalement quand on regarde le nombre de requêtes de portages qui existent réellement, il n’y a jamais eu de retour d’investissement dans aucun des cas.

C’est un processus qui demande l’identification des abonnés, ce que nous n’avons pas en Haïti. Qui va dire que le numéro que tu présentes est vraiment ton numéro ? Il faut qu’on implémente comme premier pas, l’identification obligatoire des numéros de téléphone en Haïti. C’est important pour la criminalité. C’est important pour votre propre sécurité, mais aussi, c’est important pour démontrer que vous êtes réellement le propriétaire de ce numéro et que vous avez le droit de l’amener à d’autres operateurs. Il faut régler la question de la dette. Il y a des clients post-payés qui ont des dettes à la Digicel ou à Natcom, qui veulent changer d’opérateur. Dans les pays étrangers, c’est illégal de porter tant que vous avez une dette envers un opérateur. Il ne faut pas oublier « Mon Cash » qui ne peut pas être porté sur un autre opérateur. Ce n’est pas un service bancaire qui peut-être vendu à la Natcom ou à travers un autre opérateur qui pourrait rentrer. Donc, il y a toute une série de choses qui doivent être réglées. Le coût de l’investissement par rapport au retour attendu doit être analysé. Nous avons proposé plusieurs types de solutions au CONATEL. Nous ne sommes pas contre, mais nous sommes contre une implémentation qui n’est pas réfléchie et nous voulons une implémentation qui est bien considérée pour le bien du secteur et du consommateur.

 

En ce qui concerne l’identification des utilisateurs, l’Etat a pourtant exigé aux compagnies de les enregistrer.

Je peux vous dire que nous sommes assez loin, à ce niveau-là. Je vous encourage à interroger mes amis bleus qui vendent des cartes comme si ce sont des petits pains ou des surettes dans la rue. Encore une fois, pourquoi la loi vaut toujours pour un en Haïti ? Pourquoi aussi toutes ces attaques, tous ces reproches sont faits à la Digicel qui se comporte comme bon élève ? Je pense que tout le monde doit avouer que nous sommes un bon « corporate citizen ». Nous nous faisons attaquer pour ça, parfois, c’est frustrant.

Dans l’identification des numéros, nous avons respecté à la lettre ce qui nous a été demandé. Nous avions une équipe de soixante personnes qui ont encodé chaque demande. Nous avions des petits formulaires pour chaque demande. Après trois, quatre mois, quand nous avons  vu que personne d’autre ne le faisait, nous avons écrit au CONATEL pour dire tant que ce n’est pas une loi qui est appliquée à tous- ce n’était même pas une loi, c’était une directive !- tant que cette directive n’est pas respectée par tous, malheureusement, pour des raisons commerciales, nous ne pouvons pas le faire non plus.

Si tu viens dans une boutique Digicel et tu dois remplir un document d’identité qui est très compliqué pour être identifié et à côté, on te donne une carte bleue du concurrent sans rien faire, les gens vont acheter cette carte-là.

Quels sont vos rapports avec le Conseil National des Télécommunications ?

Le CONATEL, je pense qu’il a de bonnes intentions avec des gens très compétents qui y travaillent, mais j’ai l’impression qu’il n’a pas toujours le poids politique ou le poids légal pour faire respecter ses décisions et la loi qui règne dans le pays. Parfois, on se trouve dans une situation où on veut respecter certaines directives, je vous ai donné quelques exemples. Mais quand les autres ne le font pas… Ce serait très intéressant pour vous de vous interroger sur les impôts payés par Natcom à l’Etat haïtien. Sur les dividendes touchés par l’Etat de Natcom. Comment ça se fait qu’une compagnie comme ça, qui est là depuis sept ans, à ma connaissance- et je ne suis pas allé dans leurs livres- à date, il n’y ait pas un dollar qui ait été versé à l’Etat haïtien? Pourtant, Digicel, l’année dernière, a versé 97 millions de dollars américains à l’Etat haïtien, entre la TCA, les impôts sur le revenu, les contributions de PSUGO, les frais de licence et autres, des redevances différentes que nous payons. Nous avons versé tout ça. L’Etat n’est pas actionnaire dans la Digicel.

 

Lorsqu’on a une compagnie financièrement lourde comme Digicel qui vient en Haïti, est ce que les faiblesses de l’Etat ne lui profitent pas ?

Le fait d’être une compagnie étrangère et d’être assujettie à des lois internationales au niveau de la corruption, nous protège de façon assez importante. On n’est pas obligé de rentrer- et je n’accuse personne- dans ce type de situation. On a aussi le fait qu’on est audité par des sociétés internationales d’audit qui vont vérifier que nous payons tous les impôts, que nous respectons les lois en vigueur dans le pays, (même si l’Etat dans lequel on opère serait faible) – et ce n’est pas toujours le cas en Haïti. Il y a des faiblesses, mais il y a des gens forts qui sont là-dedans, donc, nous avons d’autres garde-fous qui font que nous devons respecter ces lois et que parfois, nous respectons plus que ce que la loi, les us et coutumes nous imposent. Je peux comprendre en étant un citoyen haïtien, en voyant comment d’autres personnes du secteur privé se comportent, que ce serait étonnant que la Digicel ne le fasse pas. C’est peut être parce que justement, on est un bon élève qu’on nous respecte aussi. C’est parce qu’on paye tous ces impôts que l’Etat ne nous pose pas de problèmes. Parce qu’il se rend compte qu’on est un contribuable sérieux et que c’est grâce à ces contribuables sérieux qu’on peut faire avancer le pays.

Il y a des gens qui me disent dans le secteur privé, je ne paie pas tous mes impôts parce qu’ils vont quand même le jeter. Ce n’est pas à nous comme entreprise de décider de ne pas payer. Personnellement, je paie mes impôts en Haïti. Même si je ne suis pas milliardaire, je paie beaucoup d’impôts et je suis fier de les payer. Et je ne vais jamais dire que c’est parce que, eux, ils ne font pas leur travail que je ne vais pas payer. Je vais payer, et après j’ai le droit de dire « j’ai payé, j’aimerais bien que vous changiez ». Je vais voter pour un autre magistrat, pour un autre député, pour un autre président qui va porter mon argent que j’ai contribué d’une façon responsable. Mais je n’ai aucun droit de ne pas respecter la loi.

 

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Interview de Ralph Thomassaint Joseph

Directeur de la Publication à AyiboPost, passionné de documentaire.

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