Débordé par les appels, le MSPP compte bientôt installer des centres de dépistage locaux à certains endroits du pays
Jean Legrand constate un déluge de cas de fièvre et de toux à Lamentin 54 (Carrefour). Quand il a commencé à ressentir les mêmes symptômes en plus d’une grippe, des douleurs au niveau de sa poitrine et des maux de tête, le jeune journaliste a saisi son téléphone pour contacter le 2020 le 19 mai dernier.
« Si vous n’avez pas ces symptômes à la fois, à savoir : la fièvre, la toux, l’anosmie, l’agueusie et des difficultés respiratoires, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) ne s’intéressera pas à votre cas », se rappelle-t-il avoir entendu comme réponse. La personne à l’autre bout du combiné l’invite à reprendre contact, si jamais son cas s’aggravait.
Depuis le début des transmissions communautaires du Coronavirus, les centres d’appels du MSPP sont débordés par des citoyens qui disent ressentir les symptômes de la maladie. Une source au sein de la structure rapporte que l’institution n’a pas les capacités de se déplacer pour aller tester l’ensemble des cas suspects.
Cet état de fait suggère que les 1 174 infections et 33 décès officiels sont en dessous du nombre réel de gens touchés par la maladie. Selon un des membres de la cellule scientifique mise en place par le président Jovenel Moïse, il est « presque sûr qu’il y a déjà plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers de citoyens infectés au Covid-19 en Haïti. »
Pour l’épidémiologiste Jean Hugues Henrys « le système n’est pas en mesure de les confirmer parce que 80 à 85 % des gens infectés vont développer une forme bénigne de la maladie. »
Une grille pour déterminer les cas suspects
Les autorités sanitaires du pays décident qui elles vont tester ou pas, en fonction des symptômes ressentis.
Katilla Pierre qui travaille à la direction d’épidémiologie, des laboratoires et de la recherche (DELR) au niveau du MSPP confie l’existence d’une grille de symptômes élaborée pour identifier les malades nécessitant le test.
D’après le docteur Jean Hugues Henrys, il y a véritablement « un questionnaire qui est soumis à la personne au téléphone pour s’assurer qu’elle est un éventuel cas ». Cette grille tient compte « d’un ensemble d’éléments caractérisant un cas suspect », aux dires de Jean Hugues Henrys qui cite : la fièvre, la grippe et la fatigue. Ajouté à cela, l’anosmie (perte de l’odorat) et l’agueusie (perte du goût) qui sont deux signes « indiquant presque à 100 % la présence de la maladie ».
Lire aussi: Tout prekosyon ou dwe pran ak te amwaz
Michelson, confirme cette procédure. L’homme d’une trentaine d’années se battait depuis environ 15 jours contre une fièvre accompagnée d’une grippe, deux des symptômes liés au Covid-19. Après avoir contacté 2020 lundi dernier, on lui a communiqué une adresse où il peut se rendre pour se faire tester parce qu’il avait une toux et peinait à respirer lorsqu’il marche dans la rue.
Cette stratégie « sélective » du MSPP vise une gestion efficace et efficiente du coronavirus selon Jean Hugues Henrys qui rappelle qu’Haïti est un pays à ressources limitées. Le spécialiste explique que « la maladie évolue sans aucune complication dans 80 à 85 % des cas. 10 % des gens auront besoin de soins hospitaliers et seulement 5 % nécessiteront des soins critiques. »
D’autres alternatives
Jusqu’à aujourd’hui, le laboratoire national de santé publique utilise les tests PCR qui impliquent un prélèvement naso-pharyngé par écouvillonnage. Selon le docteur Jean Hugues Henrys, cette méthode se révèle être l’un des plus justes.
Cependant, vu l’augmentation des cas de contamination au Covid-19, le MSPP, étudie actuellement la possibilité d’étendre le test sur tout le territoire. Jean Hugues Henrys révèle que le « Genexpert », une technique utilisée dans une quarantaine de postes éparpillées sur le territoire et qui servait à diagnostiquer « la tuberculose résistante », sera mise à contribution.
Lire également: Le cauchemar des gens placés en quarantaine pour le Covid-19 en Haïti
Ces postes seront équipés et utilisés sous-peu pour le Covid-19. Selon Dr Henrys, cette stratégie permettra d’augmenter la quantité de tests réalisés à travers le pays.
Dans cet ordre d’idée, la source au sein du MSPP requérant l’anonymat confirme que le ministère travaille à mettre disponible bientôt des « centres de prélèvement et des sites de dépistage » afin de pouvoir faire face au nombre de cas qui ne cesse d’augmenter.
Samuel Celiné
Photo couverture: REUTERS/Jeanty Junior Augustin
Comments