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Hospitalisés, des survivants de la fusillade de Pont-Sondé témoignent

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L’attaque a déchiré la communauté de Pont-Sondé et soulevé des questions sur l’efficacité de la stratégie mise en place par le gouvernement et ses partenaires étrangers pour sécuriser le pays

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Sur le lit numéro deux de la salle d’orthopédie de l’Hôpital Saint-Nicolas de Saint-Marc (HSN), Rose-Bertha gémit de douleur.

La dame fait partie d’une vingtaine de survivants blessés par balles hospitalisés à l’HSN après une violente attaque du gang Gran Grif de Savien le 3 octobre à Pont-Sondé.

Rose-Bertha porte une attelle de fer au pied droit afin de stabiliser une fracture du tibia, causée par une balle lors de l’assaut.

Très tôt le matin de l’offensive, la commerçante raconte s’être abritée pour ensuite essayer de s’enfuir vers Saint-Marc, aux alentours de six heures du matin.

Mais les criminels l’ont attrapée en pleine rue.

« Deux bandits m’ont ordonné de m’arrêter avant de s’emparer de mon téléphone, déclare Rose-Bertha. Un instant plus tard, l’un d’entre eux m’a tiré une balle dans le pied droit. »

Pour l’heure, Rose-Bertha – résidente de Pont-Sondé depuis trois ans – a déjà subi une intervention chirurgicale au niveau du pied et continue de se soigner à l’HSN.

Deux bandits m’ont ordonné de m’arrêter avant de s’emparer de mon téléphone. Un instant plus tard, l’un d’entre eux m’a tiré une balle dans le pied droit.

Rose-Bertha

Un peu plus loin, dans le bloc opératoire, se trouve Sony Jeanty, un jeune homme de 21 ans, accompagné de sa mère.

Il souffre de blessures par balles à l’abdomen et aux fesses.

Les bandits du gang Gran Grif ont criblé Jeanty de balles alors qu’il cherchait désespérément sa mère au moment de l’assaut, selon cette dernière.

Durant la journée du 3 octobre, l’HSN de Saint-Marc a reçu 23 blessés et cinq décès, révèle à AyiboPost Frantz Alexis, directeur médical de l’hôpital.

La plupart des patients présentent des traumatismes crâniens et thoraciques. D’autres souffrent de fractures du tibia et du fémur.

« C’est une situation inattendue », relate-t-il à AyiboPost.

L’augmentation des fusillades dans les localités avoisinantes génère une importante affluence de blessés par balles cette année à l’HSN.

Entre janvier et septembre 2024, l’institution dit avoir reçu 100 victimes, dont 25 nécessitant des soins d’urgence.

Le blocage au niveau de Cabaret, Arcahaie, Montrouis entraîne un flux inhabituel de patients de ces communes vers l’hôpital de Saint-Nicolas.

L’hôpital atteindra une saturation de ses capacités en cas de catastrophes plus graves, prévient le docteur Alexis.

L’augmentation des fusillades dans les localités avoisinantes génère une importante affluence de blessés par balles cette année à l’HSN.

Lorsque les bandits se sont introduits dans sa maison à Pont-Sondé lors de l’attaque meurtrière, François raconte à AyiboPost s’être enfui à temps.

Son cousin n’a pas eu cette chance.

Habitant la même cour que François, ce dernier avait essayé de sortir de sa maison par un couloir à l’arrière : il s’est retrouvé face aux criminels qui ont tenté de l’emmener avec eux.

L’homme a refusé de suivre les bandits.

«Ils lui ont tiré une balle dans la tête puis mutilé son corps», relate François à AyiboPost, rapportant le récit de voisins témoins de l’exécution.

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L’attaque a déchiré la communauté de Pont-Sondé et soulevé des questions sur l’efficacité de la stratégie mise en place par le gouvernement et ses partenaires étrangers pour sécuriser le pays.

Selon le responsable d’une brigade d’autodéfense de la région, près de quatre groupes lourdement armés ont pénétré la zone avec l’aide de complices vers onze heures la veille.

Puis, ils ont amorcé les exécutions sommaires vers deux heures du matin environ, tout en incendiant des maisons.

Le lendemain, des corps sans vie pouvaient être observés dans des allées et des champs à proximité.

Ils ont amorcé les exécutions sommaires vers deux heures du matin environ, tout en incendiant des maisons.

Les habitants ont dû rapidement enterrer certains cadavres qui commençaient déjà à entrer en décomposition.

«On ne peut indiquer avec exactitude le nombre de victimes, vu qu’aucun juge de paix ne voulait se rendre sur le terrain après l’attaque», précise à AyiboPost Venson François, commissaire du gouvernement de la juridiction de Saint-Marc.

De l’avis des groupements de la zone, les décomptes dépassent déjà 120 morts, poursuit le commissaire François, disant craindre que ces chiffres n’atteignent 200 victimes.

Jusqu’à aujourd’hui, les gens continuent de découvrir des cadavres à l’intérieur des maisons.

Ces attaques risquent de se poursuivre.

Le gang Gran Grif cherche à s’étendre à Pont-Sondé, une localité de la section communale Bocozelle, pour contrôler l’accès à la ville de Saint-Marc.

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Ils ont également installé un poste de péage à Carrefour-Paye afin d’extorquer les véhicules qui s’aventurent par la Route Nationale Numéro Un.

Mais une brigade de vigilance de la zone s’oppose à ce plan.

Ce qui aurait engendré des menaces du gang à l’endroit des habitants de Pont-Sondé, avant l’attaque du 3 octobre.

Malgré les menaces, aucune disposition n’a été prise pour renforcer les dispositifs de sécurité, selon des autorités locales.

«À la veille de l’attaque, j’étais à la direction générale de la police afin d’exposer la situation sécuritaire de la zone, mais il n’y a pas eu de suivi», révèle le responsable Venson François.

Après l’attaque, des membres de la population de Pont-Sondé se sont réfugiés sur la place publique Philippe Guerrier, au centre-ville de Saint-Marc, ainsi qu’au Lycée National Antoinette Dessalines, au Lycée du Bicentenaire et au Lycée Sténio Vincent.

Au début, «les personnes déplacées étaient environ 6 000. Actuellement, il peut y en avoir 4 000, car beaucoup sont rentrés chez eux», informe Walter Montas, vice-délégué de Saint-Marc.

À la veille de l’attaque, j’étais à la direction générale de la police afin d’exposer la situation sécuritaire de la zone, mais il n’y a pas eu de suivi.

Venson François

Pour l’instant, les centres manquent de médicaments, de matériel de couchage, de produits sanitaires, etc.

C’est le cas du camp d’hébergement du Lycée National Antoinette Dessalines, qui abrite plus de 700 personnes.

«La quantité de personnes dépasse la capacité d’accueil de l’espace, et les gens dorment coincés», précise à AyiboPost un responsable du camp.

L’espace manque d’éclairage, et les kits sanitaires et de nourriture demeurent insuffisants également.

Au lendemain de l’incident, plusieurs policiers du corps spécialisé de la police nationale d’Haïti (PNH) et de la mission multinationale dirigée par le Kenya se sont rendus sur les lieux.

Mais il n’y a toujours aucune intervention dans les foyers des gangs, selon des témoins.

Ce qui indique «qu’il n’y avait aucun plan, et ceci jusqu’à maintenant», s’exaspère Venson François.

Si un calme relatif semble revenir dans la zone, les menaces perdurent et les citoyens se terrent dans la peur.

Petite-Rivière, située à 33 minutes de Pont-Sondé, se retrouve sous le contrôle total des membres du gang de Savien. Les bandits y intensifient les actes de pillage des magasins, d’extorsion au marché public et s’emparent du bétail des éleveurs locaux.

«Les gens qui restent dans la commune sont aux abois et ne peuvent pas vaquer à leurs occupations», dénonce à AyiboPost le maire par intérim, Dort Lereste.

Par Jérôme Wendy Norestyl

Image de couverture :  Des membres du personnel médical de MSF mobilisés pour stabiliser un patient victime d’une attaque au couteau. | © Nicolas Guyonnet/MSF

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Journaliste-rédacteur à AyiboPost, Jérôme Wendy Norestyl fait des études en linguistique. Il est fasciné par l’univers multimédia, la photographie et le journalisme.

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