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Cité Soleil : Évacuation subite d’un des derniers hôpitaux du bidonville

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Médecins Sans Frontières constitue désormais la seule structure médicale capable de prendre en charge des patients dans la commune de Cité Soleil

Il était aux environs de neuf heures du matin, ce mercredi 15 novembre 2023, lorsque Kareen Ulysse, directrice exécutive du Centre hospitalier de Fontaine, reçoit une note vocale dans laquelle une employée de la garderie lui annonce, en larmes, que les infirmières du centre hospitalier situé à Cité soleil ont commencé à vider les lieux.

Une vue de l’entrée du Centre hospitalier de Fontaine, à Cité Soleil, le 23 janvier 2023. | Odelyn Joseph/Associated Press

Créé en 1991 par Jose Ulysse, père de Kareen, le Centre hospitalier de Fontaine s’est vu pris entre deux feux lors d’affrontements entre gangs armés rivaux ayant refait surface après la mort de Isca Andrice, chef de gang du quartier de Belekou, allié de G9.

Si aucune perte humaine n’est à déplorer au sein de l’institution, selon ses responsables, il s’agit de la première fois que le personnel de cet important Centre Hospitalier à Cité Soleil s’est retrouvé dans l’urgence de faire évacuer son personnel, rapporte son fondateur, Jose Ulysse.

«Un chef de gang nous a dit de faire évacuer l’hôpital dès mardi soir», relate à AyiboPost Kareen Ulysse. «Mais nous avons hésité vu que tout semblait calme», ajoute-t-elle.

Il s’agit de la première fois que le personnel de cet important Centre Hospitalier à Cité Soleil s’est retrouvé dans l’urgence de faire évacuer son personnel.

La situation s’avère critique à Cité Soleil, un bidonville d’environ 400 000 habitants. Depuis la reprise des affrontements, plus d’une cinquantaine de blessés ont été reçus par Médecins sans frontières (MSF), actuellement la seule structure médicale capable de prendre en charge des patients dans cette commune, selon un communiqué sorti par l’organisation ce 17 novembre 2023.

248 ménages constitués de plus de 1 000 personnes se sont enfuis, d’après une estimation de l’Organisation Internationale de la Migration (OIM).

Le matin du mercredi, vers neuf heures, la situation a subitement pris une tournure infernale dans la zone.

Par suite des tensions alimentées par les tirs nourris, les 183 personnes qui se trouvaient à l’hôpital Fontaine à ce moment-là ont dû s’enfuir aussi vite qu’ils le pouvaient.

«Seuls restaient les patients qui ne pouvaient pas se déplacer tout seuls, les bébés, et les femmes enceintes», explique Kareen Ulysse.

Pressée par l’urgence, l’administration de l’hôpital fait appel à la protection civile et la Police nationale d’Haïti (PNH).

Depuis la reprise des affrontements, plus d’une cinquantaine de blessés ont été reçus par Médecins sans frontières (MSF), actuellement la seule structure médicale capable de prendre en charge des patients dans cette commune.

Les deux institutions se sont présentées sur les lieux. Hero Rescue viendra aussi à la rescousse.

Grâce à un premier véhicule blindé de la Police, qui a dû essuyer des tirs, puis un deuxième venu en renfort, puis un troisième, les agents de l’unité départementale de maintien d’ordre (UDMO) ont pu faire évacuer un premier groupe de dix-huit enfants et deux nounous qui étaient restés coincés à l’hôpital.

Mais après que des infirmières ont insisté sur la nécessité de faire une autre vérification pour s’assurer que tout le monde a bien été évacué, les agents de la Police sont retournés à l’hôpital.

«Ils ont trouvé dix patients et quatre bébés en détresse respiratoire qui se trouvaient dans la néonatologie ainsi que cinq nouveau-nés», relate Kareen Ulysse.

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Depuis 32 ans, le Centre Hospitalier de Fontaine vient en aide aux habitants de Cité-Soleil, le plus peuplé des bidonvilles d’Haïti.

De 1991 à 2018, par manque de financements extérieurs, Jose Ulysse a dû faire fonctionner le Centre Hospitalier avec ses propres moyens. Un modèle qui n’a pas permis à l’hôpital de fonctionner de façon convenable et de répondre aux besoins de ses patients.

En 2018, un événement tragique va changer le cours de l’histoire du centre hospitalier : la mère de Jose Ulysse est morte. La quantité d’oxygène disponible était trop faible pour la sauver.

Après cet événement, la fille de Jose Ulysse, Kareen, laisse les États-Unis pour venir épauler son père et assurer la pérennité du Centre Hospitalier en Haïti.

Pour ce faire, elle fonde, en 2018, la Fondation du Centre Hospitalier de Fontaine (FCHF), dont la mission principale est d’améliorer la qualité des soins et promouvoir l’éducation pour les communautés haïtiennes à faible revenu, grâce à un solide réseau de partenaires comme l’Organisation mondiale de la santé et l’Unicef.

Depuis 32 ans, le Centre Hospitalier de Fontaine vient en aide aux habitants de la plus peuplée des bidonvilles d’Haïti, Cité-Soleil.

Depuis la mort du chef de gang du quartier de Belekou, Isca Andrice, survenue dans la nuit du 12 au 13 novembre 2023, dans des circonstances non élucidées, les gangs rivaux se livrent à des assauts sans merci à Cité Soleil.

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«Pour l’instant, nous ne savons pas dans quel état se retrouve le bâtiment de l’hôpital. Mais nous savons que le calme est revenu dans la zone», explique Jose Ulysse.

«Là, nous attendons que tout soit fini pour faire revenir notre personnel et recommencer à faire fonctionner l’hôpital», souhaite Jose Ulysse à AyiboPost.

Par Widlore Mérancourt et Wethzer Piercin

Cet article a été mis à jour 15.36 17.11.2023

Image de couverture : Évacuation d’un patient portant un masque à oxygène. | © freepik


Visionnez notre émission spéciale Chita Pale réalisée en octobre 2023, avec deux hauts cadres de MSF, sur leur combat au quotidien pou sauver des vies en Haiti dans un contexte d’insecurite périlleuse: 


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Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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