« Endémique », voilà l’adjectif collé au choléra en Haïti depuis maintenant quelques années. Le peuple devra s’y habituer car la maladie ne partira pas. Nos politiques sanitaires portés par l’Etat et ses partenaires (ONGs) sont montées autour de la certitude que la maladie est ici en permanence.
Le plan national d’élimination du choléra (PNEC) décrit clairement l’objectif des acteurs, notamment le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), d’éliminer le choléra avant 2022. Dans l’élaboration du plan à moyen terme, il est spécifié que « l’objectif spécifique dans cette phase est donc d’atteindre moins de 0,1% d’incidence sur le territoire national d’ici fin 2018. » Mais il se trouve que, pour atteindre cet objectif, le MSPP a budgété cette phase à 178,220,115 USD. Somme qui, jusqu’à présent, ne peut être décaissée.
Lors de l’Assemblée Générale des Nations-Unis en décembre dernier, le secrétaire général d’alors, Ban Ki Moon, a reconnu la « Responsabilité morale des Nations Unies » dans l’introduction du choléra. Selon l’ONU, le coût de la première phase de la lutte contre le choléra, dont l’objectif est de réduire l’incidence, serait d’environ 400,000,000 USD. Une partie insignifiante des 178 millions prévu par le MSPP a été levée et ces dons sont encore plus dérisoires lorsqu’on considère le chiffre de 400 millions avancé par Ban Ki-Moon en novembre 2016.
Notez que les Nations Unies ne débourseront rien pour une situation qu’ils ont pourtant créée. Néanmoins, ils encouragent les pays donateurs à considérer Haïti dans leurs actes de bienfaisance. Depuis ce prétendu appel au don, pas plus de 2% des 400 millions proposés par l’ONU ont été déboursés, ce qui représente un peu plus de 4% du budget du MSPP pour l’exercice fiscal 2017 -2018 qui lui est chiffré à 178 millions.
Jusqu’à présent, seuls la Corée du Sud, la France, le Liechtenstein, l’Inde, et le Chili ont contribué ensemble autour de 2 millions de dollars au fonds de l’ONU. Le Japon tout seul, a remis une enveloppe de 2.6 millions à l’Unicef pour la lutte contre le choléra. Il y a également le Canada qui a promis en janvier 2017 une aide de 6,000,000 USD qui sera déboursée sur deux ans.
A ce rythme, Haïti ne recevra pas la somme promise par l’ONU et ne devrait pas compter là-dessus. Il est donc impératif que le Ministère et ses partenaires révisent à la baisse leur budget et redéfinissent un plan d’action adéquat à leur réelle capacité financière.
Paradoxalement, depuis 2016, il y a une grande réduction des cas de choléra sur le terrain. Nous sommes passés par moments à des pics allant jusqu’à 4,000 cas suspects de choléra par jour à une faible moyenne de 50 cas suspects par jour. Le Dr Jean Hughes Henrys du Collectif Santé Haïti explique que cette chute drastique est due aux interventions promptes de la réponse sanitaire dans les foyers actifs, mais aussi par une conscientisation des populations des zones rouges qui ont fini par adopter de bonnes habitudes sanitaires. Le Dr Henrys est aussi conscient que la sécheresse des années 2015 et 2016 a contribué à cette diminution. Il insiste toutefois sur le fait que cette baisse a été surtout le produit de l’effort des équipes de lutte contre l’épidémie sur le terrain.
Cette énorme réduction des cas de choléra à travers le pays offre une opportunité extraordinaire de finir une fois pour toutes avec le choléra dans cette première partie de l’année 2017. Pour ce faire, il faudra agir vite, avant la saison de pluie en mi-mai, qui probablement propagera encore une fois la maladie.
Paradoxalement, la situation telle qu’elle se dessine sur le territoire national, laisse une fenêtre nt actifs : Hinche, Mirebalais, Gonaïves, Saint-Marc, Cap-Haïtien, Cabaret, Croix-des-Bouquets et Carrefour. Le professeur Renaud Piarroux qui avait mené l’enquête confirmant la culpabilité des Nations Unies dans l’introduction du choléra en Haïti, est convaincu de la possibilité de l’élimination de la maladie dans les mois qui suivent.
Les organisations actives sur le terrain sont confrontées à des déficits en matériel de temps à autre. Cependant le grand défi reste la disponibilité de l’information. En d’autre termes, l’alerte qu’une zone est touchée par le choléra doit être rapide pour une réponse efficace.
Au-delà des nombreux défis du terrain, une chose reste sûre, l’élimination du choléra en 2017 est à la portée d’Haïti. Selon les chiffres avancés par l’ONU, il a causé 10,000 décès, mais certaines estimations de professionnels en santé publique vont au-delà de 50,000 morts. Le capital humain qu’on a perdu et qu’on continuera à perdre si le choléra perdure en Haïti valent le cout d’essayer. Il est important qu’Haïti se débarrasse de cette épidémie pour se pencher pleinement sur la refondation de son système de santé presque inexistant.
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