Le chèque cadeau d’un sénateur pour la fête de Pâques est devenu viral dès que l’information a atterri sur les réseaux sociaux. Les internautes n’ont pas caché leur mécontentement face à cette gabegie du trésor public.
Il n’est une surprise pour personne que siéger au parlement aujourd’hui est un poste très convoité. Être sénateur ou député en Haïti est une carrière lucrative. Nombreux sont les jeunes et moins jeunes qui ne rêvent que de figurer dans cette séquence de télé-réalité où ils pourront atteindre une réussite professionnelle tout en acquérant une facilité financière. Pour ces raisons, nos politiciens et pseudo-politiciens sont prêts à tout pour s’installer au Bicentenaire. Et pour ce faire, des millions sont dépensés lors des élections. D’où ces élections où seuls les gros baraqués gagnent. Ceux qui ont plus d’argent et donc plus de munitions se sont accaparés du pouvoir politique. Être élu n’est plus une simple une fonction politique et publique mais plutôt un pont vers une nouvelle fortune ou le renforcement d’une fortune déjà établie.
La fonction d’un parlementaire
Quel est le rôle du parlementaire haïtien ? A part la parade, à laquelle nous avons droit tous les jours, voiture teintée et blindée qui ne s’arrête pas au feu de la circulation, les diners sans fin, les retraites (ou plutôt vacances dorées) dans les meilleurs hôtels au bord de la mer, les longues séances qui n’amusent plus personne, les interventions dans la presse qui donnent mal au ventre. Que fait le parlementaire haïtien ?
Notre recherche nous a amené sur le site de l’institution http://www.leparlementhaitien.info où il est stipulé : ‘’ Le Parlement est formé de membres, Députés et Sénateurs, qui ont été élus pour remplir une fonction spécifique. Leur mission en tant que Parlementaires n’est pas de gouverner, mais de contrôler le travail de l’Exécutif à qui ce rôle incombe. L’institution qu’ils forment doit veiller à ce que ce travail soit fait dans les normes, correctement, efficacement et de manière transparente.
Le Parlementaire, élu du peuple, est un représentant de la Nation. Le Corps auquel il appartient (le Parlement) lui assigne, en plus du contrôle de l’Exécutif, le rôle fondamental de : Faire des lois, de les voter, de veiller à leur promulgation et à leur publication.
Voter le budget de la République soumis par l’Exécutif. Contrôler de “manière continue et efficace” la gestion du pouvoir politique. En plus de voter des lois, ce rôle lui permet de prévenir toutes dérives absolutistes, c’est-à- dire tout penchant au pouvoir dictatorial et sans partage. Elle lui permet aussi de mesurer l’action du gouvernement, les dépenses des Ministères, de vérifier si les promesses contenues dans Le Discours de Déclaration de Politique Générale du Premier ministre ont été tenues par lui et les membres de son gouvernement.
Représenter dignement à travers ses membres les populations des départements et des circonscriptions électorales, soit en élaborant et en votant des lois dans le sens de leurs intérêts, soit en intervenant chaque fois que ceux-ci sont menacés. Veiller aussi à être leur messager, leur porte-parole. ‘’
Ainsi est décrit le rôle du parlementaire haïtien. Est-ce qu’actuellement les actions du parlement reflètent cet objectif ? Le parlement doit-il être une entorse à la bonne marche du pays ou doit-il jouer le rôle d’une institution qui est au service de la République ?
Coût d’un parlementaire
Outre son salaire mensuel, un parlementaire bénéficie de nombreuses subventions à longueur d’année, ce qui fait une coquette somme. D’après un article du journaliste Robenson Geffrard paru dans les colonnes du Nouvelliste le 12 mars 2015, voilà le coût d’un député :
Salaire brut mensuel : 97 2oo Gdes
Membre d’aucun commission : 29 000 Gdes
Membre d’une commission : 34 000 Gdes
Cartes Téléphones : 10 000 Gdes
Carburant : 25 000 Gdes
Subvention pour achat de Véhicules : 20 000 US
Frais de résidence : 400 000 à 500 000 Gdes
Bureau du député : 10 000 à 40 000 Gdes
Consultant : 50 000 à 60 000 Gdes
Fête champêtre dans la circonscription : 70 000 Gdes
Per diem pour voyage à l’étranger : 600 $ US
Le parlement haïtien compte actuellement 116 députés et 28 sénateurs. On vous laisse imaginer le poids financier qu’il représente pour le trésor public. N’aurait-il pas été plus positif que ces sommes faramineuses soient plutôt allouées à l’éducation, à la santé, au sport, à la culture, à l’agriculture, etc., qu’à des parlementaires qui ne font que jouer pour eux-mêmes ?
Et si être parlementaire était élevé au rang de service rendu à la société ?
Au lieu d’investir dans des élections législatives qui, dans tous les cas, seraient entachées de fraude et de doute, où d’illustres inconnus au parcours suspect feraient leur entrée sur la scène politique, si le parlement devenait une fonction honorifique pour service rendu à la communauté ? Un honneur qui serait réservé à des citoyens honnêtes et engagés qui auraient servi la collectivité d’une manière ou d’une autre pendant leur carrière, un titre honorifique et non un poste payant, la fonction aurait moins l’attrait qu’elle a aujourd’hui et attirerait moins d’individus loufoques et incompétents.
On deviendrait sénateur et député par nomination et non par élection. Un collège composé d’hommes et de femmes qui seraient choisis sur la base de leur parcours, de leur engagement et de leurs réalisations. Une nomination qui se ferait sur des faits concrets, des témoignages louables de l’environnement du nommé, de l’implication de sa famille dans la société, de sa citoyenneté et de sa nationalité. Du coup, on éviterait la présence de ces globe-trotteurs aux doubles nationalités, pris entre deux voyages, qui envahissent les élections pendant que leurs familles se la coulent douce ailleurs et qui n’ont absolument aucun intérêt pour la stabilité et la transformation du territoire. Ce procédé, utopique à première vue, on l’avoue, encouragerait un débat juste et non partisan. Il promouvrait la parité du genre au parlement et nous éviterait de passer par une campagne réalisée sur la base de fausses promesses, de dons de sacs de riz et de violences en tout genre. On éviterait les élections douteuses et des résultats hypothéqués où la population ne sort plus voter car habitée par l’impression que son vote ne pèse plus dans la balance.
Il faudrait redéfinir ce qu’est l’engagement citoyen du parlementaire. La voie qu’il est sensé suivre, les luttes qu’il doit livrer, les valeurs qu’il doit défendre. Suffirait-il d’être célèbre, de parler plus fort que les autres, d’avoir plus d’audace que les autres, d’être plus pourri que les autres ? Serait-ce pensable de hisser n’importe qui au passé et aux actions douteux à ce niveau de l’État ?
Le parlementaire haïtien nage dans un brouillard épais et nécessite un petit rappel à l’ordre. Mais et si être parlementaire était un titre honorifique ? Utopiste ? peut-être ! Rêveur ? Toujours ! Car quand la réalité déborde du cadre du concevable, il nous faut une dose de rêve et d’utopie pour continuer à supporter le quotidien.
Soucaneau Gabriel
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