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Démocratie et Parlement vus en Haïti et ailleurs

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Contrairement à ce que l’on pense, les spectacles hideux qu’ont l’habitude de donner quelques élus en assemblée ne sont pas typiques et récurrents qu’à Haïti. Les Parlements, à bien des niveaux, sont partout pareils. Des députés et des sénateurs se battent aussi en France, en Turquie, en Ukraine, en Afrique du Sud, et au Japon…  ils savent tous – sans distinction de race, de classe, de religion et de nationalité – hurler, siffler, délirer et passionner. Parce que là où se rencontrent des intérêts divergents; la bestialité et la bassesse, le sectarisme et le coup bas, l’impensable, pour simplifier, ne se trouve jamais trop loin. Que l’assassinat de Jules César lors d’une séance par des Sénateurs vienne en exemple. La subtilité que l’on voit grande n’est juste le fait que dans les autres pays, les débats se focalisent plutôt sur des sujets sérieux et que les médias, quand ceux-là dégénèrent, se réservent un peu dans la diffusion des images pouvant choquer. Le respect et la préservation du mythe du prestige et de l’honorabilité l’oblige. Donc, véhiculer une bonne image de sa nation exige cette forme de censure ou maquillage.

Les votes en Assemblée, quel qu’en soit le pays, quel qu’en soit le motif, sont toujours à la fois intéressés (dans le sens lucratif) et politiques (dans le sens de parti). Le film « Monsieur le Député » mettant en vedette Eddy Murphy illustre parfaitement cela. Les scandales de pots-de-vin par-ci par-là entachent assez souvent les régimes démocratiques.

Ce serait mal connaître la politique dans sa pratique et pénaliser exclusivement l’homme haïtien en déduisant avec hâte que le législatif dans d’autres démocraties représente strictement le peuple. Qui connait vraiment les intentions d’un candidat ? Il y en a certains qui luttent pour la gloire, d’autres par sensibilité pour les faibles; certains qui se battent pour s’enrichir, d’autres dans l’objectif de servir leur patrie. Le mal tout comme le bien peut porter quelqu’un à devenir candidat. Haïti n’a pas inventé le mot  « politicaillerie ». Avant de stigmatiser les parlementaires haïtiens pour leur mesquinerie et leur incapacité, qui d’ailleurs n’est pas une nouveauté, il importe d’élucider avec science la racine dudit problème. Déjà Demesvar Delorme avait compris cela en écrivant « Les Théoriciens au Pouvoir » en 1870 et « Réflexion Diverses sur Haïti » en 1873. Dans le premier ouvrage il a laissé comprendre, sous forme de causerie, que le pouvoir politique par propension peut être détourné vers le mal, et a plaidé pour que la gestion de la chose publique soit accordée à des citoyens éduqués, sages et valeureux; vertueux à en prendre en compte l’Esprit des Lois de Montesquieu. Quant au second il a raconté ses démêlés, ses déboires et ses mésaventures avec quelques politiciens haïtiens, pour la plupart des parlementaires parce qu’il supportait le président Salnave. En somme, il nous appris ceci : « Si, sur cette terre [Haïti], où la population n’est pas le vingtième de ce qu’elle peut être, la prospérité s’était répandue grâce au travail dans toutes les classes de la nation, le goût des jouissances honnêtement créées par l’activité et accrues de plus en plus par l’importance corrélative des arts de l’Europe, eût désintéressé de la politique la plupart de ceux qui s’en mêlent sans aucun titre, sans aucun mérite, dans l’unique idée d’en tirer profit. » Une hypothèse qui est valable pour tous les autres pays.

C’est évident que le parlement en Haïti est regorgé d’individus corrompus et faiblement préparés du point de vue académique. C’est une vérité aussi qu’à l’étranger cette situation existe. Alain Deneault au cours d’une entrevue accordé au magazine « Le Point » le 16 janvier 2016 eut à parler de médiocratie. Pourquoi les médiocres – dans le monde, particulièrement en France – ont pris le pouvoir se demandait-il ? Qu’ils sont en majorité dans les petits États et en minorités dans ceux qui sont puissants, cela ne pose aucune différence dans la mesure où ils possèdent tous une qualité qui font défaut à la plupart des hommes. Malgré leur faiblesse, ils savent oser. Ce côté les rend forts. Il leur permet d’imposer leur ignorance et leur volonté à la cité. Et pour retourner à Haïti, ne dit-on pas que chaque peuple a les dirigeants qu’il mérite. Comment comprendre que l’électorat dans ce pays soit résumé qu’à des lumpens dénommés militants et des groupements certaines fois dangereux appelés « bases » ? Le peuple dans sa majorité ne vote pas toujours et les gens honnêtes s’y impliquent peu dans la politique. Ainsi qui maîtrise les bases a plus de chance de remporter les urnes sur celui qui soit digne et qui fait preuve de rationalité dans ses discours. D’ailleurs les noms donnés à ces groupements en disent vraiment beaucoup: Baz Zo pa Kuit, Baz Fristré, Baz Van Vire, Baz Chanje’m Paj, Baz Grand Lion du Bel-Air, Baz van, Baz 5 segond, Baz Ze pa Poul, Baz Pa Ret Atè, Baz Debil, Baz Yon Grenn Bagay, Baz Pousyè Tè, etc. Eux aussi, d’une certaine manière, ne sont pas innocents dans ce qui ce passe au Parlement. Cependant, nul n’est autant responsable de la situation actuelle du pays  que ces éléments de l’intelligentsia qui trouvent des prétextes pour ne pas s’impliquer à fond dans les affaires de l’État.

Après tout, on ne peut s’attendre qu’à la pagaille venant des chèvres quand les espaces d’un jardin ne sont pas closes. Les représentations directes (Agora) numériquement sont devenues impossibles, et celles indirectes (Parlement) ont toujours posé problème dans les démocraties. Le pouvoir par le peuple et pour le peuple bien des fois est un leurre. Ce ne sont point les parlementaires, opportunistes et arrivistes, qu’il faudrait reprocher. Mais plutôt le système qui en tous lieux, surtout en Haïti est à réquisitionner; qui sans cesse par des balises, par des garde-fous doit être remodeler.

Ricardo Germain

Ricardo Germain, connu également sous le pseudonyme L’Homme A la Plume Rouge, est né un 4 décembre à Port-au-Prince et a effectué des études en Sciences Politiques et Relations Internationales. Après avoir travaillé sous contrat à terme à Anselme’s Acounting Services, au MTPTC, puis à Solutions S.A, il offre actuellement son service à une institution regalienne de l'Etat. Pour qui veut rentrer en contact avec lui, ces adresses sont donc disponibles: ge.ricardo@live.com / ge.ricardo3@gmail.com - ou sur Twitter au compte de @Ricardo_Germain.

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