La pandémie du Covid-19 a bouleversé l’ordre des choses, a bousculé planning, projets et plus encore
Quand le gouvernement haïtien a décrété la fin de l’état d’urgence au mois de juillet, les initiateurs/trices de festivals sceptiques hésitaient par rapport aux conditions sanitaires pas claires. Fallait-il croire l’Etat qui dit que tout va mieux alors que c’est encore la « panique-covid » dans d’autres pays ? Fallait-il reprogrammer, à partir de ce moment-là, ces activités qui auraient dû déjà avoir lieu ? Comment faire sans l’argent des bailleurs (les ambassades et autres organismes étrangers et locaux) qui priorisent des projets qui concernent le Covid-19 ? Où jouer quand les espaces qui reçoivent les spectacles restent encore fermés ?
Il est donc indiqué d’envisager des performances préenregistrées pour diffuser en live sur internet, comme c’est l’alternative depuis le début de cette pandémie. Ce choix implique plus de budgets, une nouvelle logistique avec autant de contraintes que de possibilités. Il occasionne une réduction considérable des activités prévues, et par ricochet une diminution du nombre d’artistes et techniciens que ces festivals embauchent ordinairement. En dépit de tout cela, le rendez-vous des festivals de théâtre est maintenu. En présentiel pour quelques activités ou en live, « Quatre chemins », « Kont anba tonèl », « Quinzaine Handicap et culture » et « En lisant » n’ont pas lâché l’affaire.
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Outre la nécessité de créer un rendez-vous, qui à la fois permet aux comedien.es (et les métiers connexes) d’avoir un revenu et fidéliser les friands de spectacles, ces festivals révèlent des talents et confirment le besoin urgent d’espace pour les rencontres et représentations. La petite terrasse de l’institut français en Haïti ne peut pas tenir tout.e.s les « Tizè » de théâtre dont le nombre accroît chaque année. La salle de 120 places de la Fokal est souvent dépassée par les évènements !
Il faut inévitablement construire, réaménager, exiger à l’État d’investir dans des espaces adéquats aux métiers des arts vivants. Sinon, nous allons encore longtemps assister au triste spectacle d’un bal interrompu parce l’espace craque sous le poids d’un public avide de loisir, comme c’était le cas à Esquina latina ce samedi 26 septembre, une soirée impossible !
Après dix ans, on se demande où est passé l’argent puisé du fonds Petrocaribe destiné à la reconstruction du Rex théâtre ? Construit dans les années 1930, ce site abritant tant de souvenirs s’effondre un après-midi de janvier 2010 lors d’un séisme meurtrier. Le projet de reconstruction nous a fait rêver les yeux ouverts. Mais c’était bien compter mal calculer. Sur 5 091139,91 dollars US alloués aux travaux, 214 200 sont décaissés selon le rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif. Une firme dominicaine l’empoche, puis rien. Sinon qu’une couche de peinture sur la façade de ce qui reste du théâtre qui a vu jouer « Pèlen tèt » de Francketienne, pour cacher ce gros péché qu’est le détournement de fonds public.
Les festivals et leur particularité
Si l’on compte le festival « féministe » Nègès Mawon qui milite à travers l’art et qui fait jouer aussi des comedien.nes (en septembre). « Krik krak », festival de conte et de jeu traditionnels qui a lieu dans la ville des Cayes au mois de juin et qui fait venir des artistes de Port-au-Prince dont des comedien.n.es., « Destination Aquin » qui offre aux Aquinois quelques pièces de théâtre (en avril), de mars à décembre les rendez-vous théâtre ne manquent pas.
Guy Regis Junior a depuis 2014 pris la direction artistique de « Quatre chemins ». Ce festival permet la rencontre des générations, des artistes d’ici et d’ailleurs, le croisement de différentes formes théâtrales et de disciplines. Ses activités sont programmées vers la deuxième semaine du mois de novembre pour finir début décembre, mais en amont, il y a des ateliers et des spectacles en off.
« Kont anba tonèl », que propose Foudizè théâtre, veut pérenniser la tradition du conte, expression artistique et orale spécifique à certaines cultures africaines et caraïbéennes. Ça se passe toujours fin mars et coïncide exprès avec la journée internationale de théâtre, le 27 mars.
Lecture de poème écrit en braille en passant par des ateliers de théâtre ou de peinture avec des sourds-muets, la « Quinzaine handicap et culture » produit par Théâtre Toupatou, combat la stigmatisation en offrant un espace d’expressions aux artistes à mobilité réduite.
Puis juillet, l’on a « En Lisant » avec La Brigade d’intervention Théâtrale d’Haïti qui explore à fond des œuvres d’auteur.e.s de théâtre ou des genres théâtraux.
La pandémie du Covid-19 a bouleversé l’ordre des choses, a bousculé planning, projets et plus encore. Tous ces festivals se succèderont donc entre octobre et décembre 2020. Soit la « Quinzaine internationale de Handicap et culture » du 1er au 15 octobre. « Kont anba tonèl » du 20 au 25 octobre. « En Lisant » du 12 au 18 novembre et « Quatre chemins » du 23 novembre au 5 décembre.
Bonne saison !
Gaëlle Bien-Aimé
Cet article a été mis à jour avec la nouvelle date de programmation de En Lisant. 30.09.2020 8.00
L’auteure de ce texte collabore avec Nègès Mawon.
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