Le ministère de la Santé publique n’en dit rien, jusqu’à aujourd’hui
Dans un décret sorti le 21 mai dernier, l’administration en place ordonne l’enterrement immédiat des défunts atteints ou suspectés d’avoir atteint le coronavirus. Il est aussi interdit de pratiquer des soins de conservations sur le corps de ces cadavres.
Cependant, le Ministère de la Santé publique et de la population (MSPP) n’a encore rien communiqué aux entreprises funéraires sur comment procéder ou identifier les cadavres suspectés. Dans un contexte où la majeure partie des individus infectés du coronavirus ne sont pas testés, il n’est pas clair comment ces institutions vont identifier les défunts concernés.
« Officiellement, le MSPP n’a pas sorti de directives sur la gestion des cadavres », révèle le Dr Pierre Marie Cherenfant, directeur médical de l’Hôpital Universitaire de Mirebalais. Selon le professionnel, ces directives seraient en discussion entre la primature, le ministère de l’Intérieur et le MSPP. « Donc, on ne peut pas à s’ériger en donneur de leçons et prendre une attitude de connaisseur ou d’autorité en la matière parce qu’il y a trop de confusion au sommet de l’état. »
Le responsable de communication du MSPP, Samson Jean Louis, corrobore l’information concernant l’élaboration d’une marche à suivre, près de trois mois après l’annonce des premiers cas de coronavirus en Haïti. Ce document qui devait sortir en début semaine se trouve ralenti par des débats. « Les choses sont encore en suspens pour le moment », raconte le cadre du MSPP.
Entre-temps, 41 personnes sont officiellement mortes du coronavirus dans le pays. D’autres décès restent des cas suspects. Et parfois, la population manifeste contre leur mise en terre dans leur localité. C’est le cas d’une dame âgée de 69 ans, dont le cadavre a été trimbalé de Casse, Dérac et Fort-Liberté pour être finalement ramené à la Direction sanitaire du Nord-Est, le jeudi 9 avril 2020, sur fond de protestations des communautés.
Aucun cas
La violation des dispositions du décret sur le traitement des morts est punie de 3 000 gourdes, de cinq jours d’emprisonnement ou de quinze jours de travail d’intérêt général.
Les entreprises funéraires ou morgues privées comme Pax Villa, Morgue Saint Claire à Port-au-Prince, les Entreprises Funéraires Saint-Charles, à Carrefour, et Éric Jean Pierre morgue à Saint-Marc, déclarent toutes n’avoir jamais eu, pour le moment, affaire avec un cas de décès lié au Coronavirus. La loi haïtienne n’oblige pas les familles à spécifier si leurs proches sont morts du virus. De plus, comment le sauraient-ils si aucun test n’a été effectué ?
À l’Hôpital Universitaire de Mirebalais, le Dr Pierre Marie Cherenfant explique qu’ils utilisent dans le contexte actuel les procédures de mise en terre pour le Choléra. « Notre personnel porte les équipements de protection individuelle standard pour la gestion des cadavres (combinaisons, lunettes, gants, etc.). Nous remettons les cadavres dans un sac en plastique hermétiquement fermé avec interdiction d’ouvrir. Nous donnons un délai aux parents de 24 heures, à peu près, sinon nous faisons inhumer [le corps sans vie] par la mairie. »
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Les responsables de Pax Villa disent être en contact avec le MSPP s’il s’avérait qu’ils ont un cas de personne morte du virus chez eux. Les Entreprises funéraires Saint Charles pensent pouvoir faire face, si un cas se présentait. « Nous avons l’habitude d’envoyer des cadavres à l’étranger, déclare un des responsables. Nous porterons les équipements de protection nécessaire et injecterons du Formol dans les corps, parce que cela peut détruire le virus. »
Pour ce qui est de la morgue de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), le responsable de communication du MSPP fait savoir qu’il y a des décisions de manière globale qui sont en train d’être prises pour toute l’HUEH en ce qui a trait au Covid-19. Il n’a pas spécifié ni la nature ni la date de communication de ces décisions.
Dangerosité des cadavres
« À ce jour, il n’existe aucune preuve que des cadavres transmettent la maladie aux vivants », a déclaré William Adu-Krow, porte-parole de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS/OMS), lors d’une conférence de presse au début du mois d’avril, relate BBC.
Selon les recommandations provisoires de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiées le 26 mars 2020, « sauf dans les cas de fièvres hémorragiques (comme Ebola, Marburg) et de choléra, les cadavres ne sont généralement pas infectieux ». Les autopsies sont donc autorisées. « Seuls les poumons des patients atteints lors d’une pandémie de grippe, s’ils sont mal manipulés lors d’une autopsie, peuvent être infectieux ».
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Cependant, la sécurité et le bien-être de ceux qui manipulent les corps devraient être une priorité absolue, soutient l’OMS. Avant de s’occuper d’un cadavre, il convient de s’assurer que les fournitures nécessaires pour l’hygiène des mains ainsi que des équipements de protection individuelle (ÉPI) sont disponibles, exhorte l’institution. Il faut aussi obstruer tous les orifices, pour s’assurer qu’aucun liquide biologique possiblement contaminé ne s’échappe alors qu’on réduit simultanément le plus que possible les déplacements du cadavre d’un lieu à un autre.
Enterrement des morts
L’OMS demande le respect et la protection de la dignité des défunts, leurs traditions culturelles et religieuses, et leurs familles tout au long du processus de la prise en charge. Pour cela, une élimination hâtive du corps d’une personne morte du Covid-19, comme le suggère l’administration en place, est à éviter.
L’OMS indique que les enterrements et les crémations sont tous deux acceptables. « C’est un mythe courant que les personnes mortes d’une maladie contagieuse devraient être incinérées, mais ce n’est pas vrai. L’incinération est une question de choix culturel et de ressources disponibles », ajoute l’organisation.
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Les parents ou amis d’une victime du Covid-19 doivent s’assurer que le corps est préparé pour l’enterrement ou l’incinération par des professionnels adéquatement formés. Ils peuvent venir le voir après. Quand ces professionnels ne sont pas disponibles, l’OMS ne voit pas de problèmes si un membre de la famille ou un responsable religieux prépare le corps du défunt, moyennant le respect de certains principes.
En revanche, les parents « ne doivent pas toucher ou embrasser le corps ; des mesures de distanciation physique doivent être strictement appliquées (au moins un mètre entre les personnes) ». Les personnes présentant des symptômes respiratoires ne sont pas recommandées à prendre part à la cérémonie. Et les parents, « doivent se laver soigneusement les mains à l’eau et au savon après avoir vu le corps », selon les directives de l’OMS.
Brûler les effets personnels et les vêtements des victimes ?
Les personnes chargées de manipuler le corps — par exemple, pour le laver, le mettre en terre — doivent porter des gants et se laver soigneusement les mains avant et après, en se débarrassant des gants. Il n’est pas nécessaire d’incinérer les effets personnels des morts. Cependant, ils doivent être manipulés avec des gants soigneusement désinfectés avec un détergent, une solution d’éthanol à 70 % ou de l’eau de javel 0,1 % (1000 ppm), informe l’OMS.
Les vêtements peuvent être soit lavés à la machine avec du détergent à haute température (60-90 °C) (140-194 °F), soit trempés dans de l’eau chaude et du savon dans une grande bassine, en utilisant un bâton pour remuer et en évitant les éclaboussures, indique OMS. Le récipient devra ensuite être vidé, et les draps mis à tremper dans une solution chlorée diluée à 0,05 % pendant environ 30 minutes. Enfin, le linge sera rincé à l’eau propre, et les draps laissés sécher complètement au soleil.
Également, il est impératif de nettoyer l’espace et les matériels utilisés pour entreposer, laver ou exposer le cadavre. Les morgues ou les entreprises funéraires doivent être éclairées et ventilées, recommande l’organisation.
Hervia Dorsinville
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