InsécuritéPOLITIQUE

Chita Pale | Des bandits ont construit un four pour brûler les cadavres, selon Marie Rosy Auguste

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La responsable des programmes au Réseau national de défense des droits humains était de passage à Chita Pale, le 16 avril dernier. Extraits choisis de cette discussion

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« De manière générale, les conditions dans lesquelles nous vivons aujourd’hui en Haïti ont un gros poids psychologique. En réalité, le RNDDH n’est pas seul devant la scène. Les journalistes aussi sont devant la scène dans leur souci de trouver les informations et de les partager. Il est clair que ceux qui sont victimes de violence sont atteints psychologiquement, mais cela a aussi un impact considérable sur ceux qui regardent ce niveau de violence et comprennent qu’ils peuvent tous être touchés. Ce qui inquiète le plus, c’est de voir que l’État, qui aurait dû chercher la cause de cette violence afin de l’éradiquer, préfère s’attaquer à ceux qui dénoncent cette violence. »

« Beaucoup de gens ne comprennent pas le travail des organisations de Droits humains. On pense toujours qu’elles sont en face du gouvernement en place. Mais en réalité, ces organisations sont en face des gouvernements qui ne travaillent pas. Ce que les gens ne peuvent surtout pas comprendre c’est que la situation actuelle ne nous permet pas de trouver ne serait-ce qu’un minimum. Ce n’est pas notre faute s’il n’y a rien de bon. Les gens voient leur vie de façon personnelle. Ils ne comprennent pas qu’ils font partie d’une communauté, qu’aujourd’hui c’est le Bel-Air que le G9 vise, mais que demain sera le tour de n’importe qui. Et malheureusement c’est notre travail de dénoncer des faits qui sont contraires à la loi. »

« Une organisation comme le RNDDH qui fait du monitoring par exemple doit regarder ce que la loi demande de faire, ce que prescrit la déontologie policière et évaluer ce qu’il en est en réalité de façon à dénoncer les accrocs. La police ne peut pas planifier des dommages collatéraux en préparant une intervention, elle ne peut pas planifier des interventions indiscriminées dans le sens que, si dix personnes au sein d’une population représentent un problème, elles ne peuvent pas condamner toute la population. C’est ce qui a expliqué notre intervention au village de Dieu. »

« Il y a des droits fondamentaux qui sont inaliénables comme le droit à la vie et le droit à la santé. Il n’y a aucune situation exceptionnelle où des autorités peuvent décider sciemment de violer les droits de toute une communauté sous prétexte que des bandits séjournent dans la zone. Ils doivent faire en sorte que les services d’intelligence qui travaillent au sein des ministères trouvent les informations sur les bandits de façon qu’ils puissent les traquer. »

« Dans le cas du village de Dieu, c’est un ultimatum qui a été passé par le ministre de la Justice, pour demander à tous ceux qui ne s’identifient pas comme des bandits de quitter la zone dans un délai de 72 heures. Un ultimatum faussé depuis la base puisqu’un bandit aurait aussi pu laisser la zone. Ce sont des enfants, de jeunes filles qui ont laissé leur maison pour dormir sur des places publiques. On a dû intervenir et mettre un holà. Cela se serait sûrement aggravé. »

« Nous parlons de toutes les attaques et des massacres. Nous en comptons onze et Bel-Air est bien entendu le 11e. Pour nous, cela n’a qu’un seul objectif. C’est une affaire électoraliste. Et comme justement nous sommes en face de quartiers défavorisés qui sont fermes dans leurs positions, qui s’opposent à ce qui est en train de se passer, ils sont dans le collimateur de ceux qui dirigent. »

« Depuis juin 2020, le G9 en famille et alliés est créé et présenté au public. C’est une coalition de gangs armés qui a à sa tête Jimmy Cherizier. Quand Jimmy Cherizier attaque un quartier, cela veut dire automatiquement que c’est un quartier qui n’a pas la même vision politique que le G9. Les premières informations que nous avons sur les attaques perpétrées au Bel-Air donnent l’impression que c’est un affrontement entre deux quartiers. Mais nous savons la volonté du G9 de faire tomber le quartier de Bel-Air et cest ce qui explique les attaques de 2019 au Bel-Air. Rappelons aussi que le quartier général de la BOID se trouve au Bel-Air. Ces agents-là se comportent comme s’ils avaient reçu des ordres de non-intervention. Après tout, Bel-Air est tout près des autorités qui choisissent de ne pas intervenir. Il y a une partie des habitants qui ne s’entendent pas avec le G9 et donc le G9 a décidé de faire tomber le quartier de Bel-Air. »

« Pour parler de massacre d’État, il y a deux analyses que nous pouvons faire. Lorsque nous sommes surs qu’il y a intervention des autorités de l’État, nous pouvons parler effectivement de massacre d’État. Mais de nos jours, nous sommes dans une autre dynamique. Par exemple, l’enquête que nous avons menée à la Saline, sur la nuit du 13 au 14 novembre, a révélé que les armes de la police, leur uniforme, leur matériel ont été utilisés au cours de l’attaque. Il nous a été facile de parler de massacre d’État par rapport à l’implication des autorités. Il y a aussi le mutisme des autorités vis-à-vis des autres massacres. Il est vrai que les informations que nous avons ne nous permettent pas de dire de façon évidente qu’il y ait eu des policiers à intervenir aux côtés de Jimmy Cherizier lors les dernières attaques perpétrées au Bel-Air, mais le mutisme des autorités, la non-intervention nous font croire que c’est un massacre d’État. »

« La RNDDH a rencontré des difficultés dans la recherche des informations sur l’évasion de la prison civile de Croix-des-Bouquets, d’où la sortie tardive du rapport. Aussi, les informations trouvées ont été si diverses qu’elles ont nécessité plus de temps de traitement. Le rapport montre déjà que la prison de la Croix-des-Bouquets fonctionnait très mal. Ensuite, les informations ont permis d’aboutir à la conclusion que cette évasion devait conduire à la libération d’Arnel Joseph. Il était donc important pour le RNDDH de comprendre pourquoi. Et essayer par la suite de retracer le déroulement des faits. »

« Le 25 février 2021 et les deux à trois jours qui ont suivi l’évasion de la Croix-des-Bouquets, 32 personnes sont mortes. 28 personnes sont mortes le même jour : 6 personnes à l’intérieur de la prison, le responsable est mort devant la porte de la prison, 21 détenus ont été traqués et exécutés sommairement dans les rues de la Croix-des-Bouquets par les agents des unités spécialisées de la police qui ont été appelées en renfort. Seulement quatre de ces personnes ont été enterrées. À nos jours, les 28 autres cadavres sont encore dans des morgues. Des informations précises n’ont pas été données sur les personnes décédées, les corps n’ont donc pas été réclamés. »

« Arnel Joseph a intégré la prison civile de Croix-des-Bouquets comme un chef de gang, y a été détenu et est sorti de prison en agissant comme tel. Sa détention a été très permissive. Il avait accès à un téléphone Android. Il pouvait faire des vidéos, communiquer avec l’extérieur, il recevait de très fortes sommes d’argent pendant qu’il était en prison. Il jouissait de traitements de faveur. Il a fait deux tentatives d’évasion. Après l’échec de la deuxième tentative, on lui a mis une entrave au pied et on l’a déplacé de sa cellule, mais il n’arrêtait pas de dire qu’il sortirait à tout prix. Il y avait depuis plusieurs mois des rumeurs circulant sur la planification du 25 février. L’administration pénitentiaire, la direction générale de la police, les agents de l’ordre de la prison tout comme les unités spécialisées qui interviennent en cas de mutinerie et accompagnent les détenus au tribunal étaient au courant. Aucune intervention n’a été faite pour renforcer la prison de manière à éviter cet incident. »

« Nous ne pouvons pas dire exactement qui était l’instigateur de l’évasion de la Croix-des-Bouquets, mais toutes les pistes aboutissent à la conclusion que l’opération était menée dans le but de libérer Arnel Joseph. La chronologie des faits, le déroulement des événements prouve que cela a été minutieusement planifié. Des détenus affirment avoir entendu Arnel Joseph intimer l’ordre de venir le chercher en début de journée. Les informations obtenues sur le terrain ne nous permettent pas de dire qui en est l’instigateur, mais une telle planification n’a pas pu se faire sans l’implication des responsables de la prison. »

« À la RNDDH, nous utilisons des méthodes vraiment archaïques pour récolter les informations. Pour nous décider à investiguer sur un dossier, il faut qu’il y ait des personnes qui portent plainte au niveau de la RNDDH ou alors qu’il y ait des dénonciations ou des témoignages faits à la radio. Par exemple, dans le cas du massacre perpétré à La Saline, le RNDDH allait être saisi du dossier en voyant sur les réseaux sociaux des images de personnes que mangeaient des porcs, des images de cadavres qui jalonnaient la rue. »

« En termes de méthodologie, nous allons sur les lieux, entrons en contact avec les victimes et nous essayons d’établir une liste. Ensuite nous essayons de trouver des informations auprès des victimes. Puis, nous faisons une approche auprès des autorités étatiques. Parfois, dans certaines zones, nous rencontrons les autorités religieuses (hougan, prêtre…) qui confirment ou infirment les informations que nous avons déjà reçues. Aussi, nous essayons d’entrer en contact avec ceux qui sont indexés par la population. Par exemple, dans le massacre de la Saline, les noms de deux policiers ont été cités : Jimmy Cherizier alias barbecue qui était encore policier et Grégory Antoine alias ti Greg. Nous leur avons demandé une rencontre. Jimmy Cherizier n’avait pas accepté, mais nous avons pu rencontrer Grégory Antoine. À un moment de la durée, nous avons inclus sa déclaration dans le rapport. »

« Le RNDDH ne veut pas remplacer la police. Nous donnerons toujours la voix aux victimes. Si nous ne le faisons pas, il n’est pas garanti que les autorités judiciaires mènent des enquêtes. Il faut que ce qui est arrivé soit écrit quelque part. On ne sait jamais, puisqu’on dit toujours que la défaite du droit est temporaire. Lorsqu’à un moment ou un autre le dossier doit paraître devant la justice, il y a un rapport qui peut être consulté. C’est un travail d’enquête sur le terrain : parler avec les victimes, recueillir les informations en évitant autant que possible les doublons. »

« Il est aussi important pour nous de faire comprendre à ceux que nous rencontrons qu’il n’est pas dans leur intérêt de mentir. Même si nos méthodes sont archaïques et que nous ne pouvons pas vérifier les faits, la direction centrale de la police, elle, a les moyens pour le faire. Toutefois, lorsque nous rencontrons environ 200 personnes qui nous rapportent les mêmes faits ; il paraît impossible que les déclarations aient été planifiées alors que nous les avons rencontrées en temps, lieu et circonstances différentes, les unes les autres. »

« Il y a des informations dont nous ne faisons pas état dans nos rapports. Nous ne rapportons pas les informations que nous ne sommes pas parvenus à confirmer. Mais croyez-moi, si la police judiciaire voulait utiliser les moyens qu’elle a à sa disposition pour mener des enquêtes, elle aurait pu confirmer beaucoup plus d’informations. La plupart des massacres sont perpétrés dans des zones contigües à des marchés. De nombreuses marchandes viennent de provinces avec leurs marchandises et restent au marché jusqu’à épuisement de stock. Lorsque ces gens-là sont victimes, le RNDDH ne peut pas les inclure dans son rapport pour manque d’information. Mais il n’en est pas moins qu’ils sont bel et bien victimes. »

« Les techniques utilisées par les gangs armés rendent beaucoup plus difficile de dire avec précision le nombre de morts. Ils tuent les gens et emportent les corps avec eux, ou les brûlent. Encore plus graves, ils stoppent les gens au moyen d’une balle et y mettent le feu ou encore les mutilent à coup de machette. Lors des derniers événements qui se sont produits au Bel-Air, on recèle des cas de personnes brûlées vives.  Ce sont des informations que nous aurons par la suite à confirmer ou infirmer. Mais nous avons appris aussi qu’il y a une zone où les bandits ont fabriqué un four où ils brûlent eux-mêmes les cadavres. »

« Il y a beaucoup de cruauté dans les actes des bandits. Beaucoup de gens laissent croire qu’il y a une explication mystique à faire disparaître les cadavres. Mais il faut aussi considérer qu’en Haïti, la procédure pour déclarer une disparition est une procédure très longue. Dans une telle situation d’impunité, il est préférable pour le bandit que la personne soit portée disparue puisqu’il n’y aura jamais de preuve d’assassinat. »

« Les autorités de ce pays banalisent la vie des gens. Il n’a jamais été compris que les policiers assassinés servaient la population, qu’ils avaient droit à une sépulture, qu’ils devaient partir avec dignité. Récupérer le blindé était leur seul intérêt. L’opération a été très mal planifiée. Ils étaient prévenus du guet-apens et ceux qui dirigeaient l’opération ont voulu poursuivre malgré tout. Cela veut tout simplement dire que ces six policiers ont été envoyés à la boucherie. »

« D’un certain point de vue, l’opération au village de Dieu a été menée en parallèle pour faire diversion à un autre événement qui allait faire un tollé médiatique où des organisations de droits humains allaient partager des informations avec le Congrès américain dans une audience publique. Il y a eu d’autres audiences, elles n’ont pas été publiques et médiatisées. Autre chose qui pourrait donner une explication à la réalisation de l’opération est que le Village de Dieu est considéré comme une zone logeant des bandits qui sont contre le pouvoir. Donc, tout comme le haut quartier de Bel-Air, le village de Dieu doit tomber et c’est le G9 en famille et alliés qui s’attaque à eux. On remarque d’ailleurs qu’il y a une fixation qui est faite sur le Village de Dieu et aussi les 400 Mawozo. »

« Ce n’est pas la première fois que la police intervient au village de Dieu. L’armée remobilisée sous le régime PHTK est intervenue au village aussi. Il n’y a jamais rien eu en termes de bilan. Ce sont tout simplement des opérations menées les unes après les autres. Cependant, les informations que nous avons pu avoir par suite de cette dernière opération montrent qu’à chaque fois qu’il va y avoir une opération, les bandits en sont informés. Si bien que les informations sur cette dernière opération ont été tellement précises qu’ils ont décidé de mettre un guet-apens. »

« Les bandits déclarent qu’ils ont leur propre service d’intelligence. C’est un jeu malsain qui se joue. Des policiers informent les bandits de ce qui se passe à la PNH. Nous pensons que ces informations viennent du haut état-major de la police, pour des informations d’une telle précision. De plus, il y a des missions où c’est pratiquement à la dernière minute que les agents sont au courant de leur participation. Il est vrai que Carl Henry Boucher a été indexé lors de cette opération, mais nous pensons au niveau de la RNDDH que la responsabilité de ce qui s’est passé va plus loin. Tous ceux qui étaient impliqués dans la planification d’un tel fiasco doivent répondre de cet acte. »

« Le RNDDH a confirmé l’information selon laquelle la police a récupéré le blindé pour une somme de 400 000 gourdes versée aux bandits. La police est une institution qui ne marche plus depuis quelque temps déjà. La situation a tendance à s’aggraver. Nous avons vu émerger la SPNH, le Fantom 509, la SPNH-17. En réalité le problème du traitement des agents, comparé au traitement des hauts gradés de la police, ajouté à la façon dont le dossier de la SPNH-17 allait être traité a pu nous faire comprendre que l’institution policière ne fonctionnait pas. À côté de tout ça, nous avons des autorités qui préfèrent renforcer les bandits en munitions, au détriment de la police. La destruction de l’institution policière n’est pas spontanée. Cela a pris entre dix à quinze ans au moins. De même que remettre la police sur pied ne se fera pas du jour au lendemain, il faudra une politique en matière de sécurité publique.»

«Certains policiers en fonction subissent non seulement des menaces, mais sont obligés de se mettre à couvert. Jimmy Cherizier alias Barbecue est très puissant. Il a une façon de contrôler les unités spécialisées de la police. Il a aussi la capacité d’attaquer des policiers qui ne partagent pas la même ligne que lui.»

«Nous avons la certitude que des gens font rentrer des armes de manière illégale sur le territoire. Ce que nous regardons de préférence c’est le comportement des autorités sur la question. Lorsque ces armes arrivent dans le pays, ce sont par les frontières et les ports qu’elles arrivent et sous les yeux des autorités. C’est donc avec leur complicité aussi. C’est pour nous l’un des grands facteurs de l’insécurité en Haïti. Ce qui nous porte à la conclusion que c’est une insécurité d’État.»

«De manière générale, lorsque nous sommes en présence de situations catastrophiques, les femmes sont victimes de violences basées sur le sexe. Il y a aujourd’hui effectivement beaucoup de cas de viols, de viols collectifs que les femmes subissent. Lorsqu’il y a des attaques qui se font dans les quartiers défavorisés, nous rencontrons souvent des femmes, des mineures aussi, qui subissent des viols collectifs. »

«À côté du banditisme qui règne en maître dans les quartiers défavorisés, les bandits décident du comportement à avoir avec les femmes. Par exemple, à Cité-Soleil, dans le fief de Gabriel Jean Pierre alias ti Gabriel que la population appelle aussi Gabo, toutes les jeunes filles qui n’ont pas encore été dépucelées, c’est à Gabriel de le faire. Personne d’autre ne peut oser le faire si Ti-Gabriel n’est pas d’accord. »

« Dans un quartier défavorisé comme La Saline, lors des événements du 13 au 14 novembre, au moins onze jeunes filles ont subi des viols collectifs. Ceci sans parler des situations où des mères sont violées devant leurs enfants en bas âge. Nous avons remarqué que ces femmes étaient bien imbues de la prophylaxie antirétrovirale et de la pilule du lendemain, mais avaient les mêmes comportements : elles laissaient passer un peu de temps puis faisaient un test de grossesse et un dépistage VIH. Lorsque nous leur avons demandé pourquoi elles n’ont pas fait la prophylaxie antirétrovirale si elles en connaissaient l’existence, elles nous ont répondu que le viol collectif était leur quotidien. »

« De 2002 à nos jours, la situation des droits humains s’est aggravée. Le pire, c’est ce contexte de banalisation de la vie. En 2002, nous vivions dans une société qui s’offusquait de la mort de quelqu’un, qui était indignée devant un assassinat, où les gens utilisaient leurs plus beaux draps blancs pour recouvrir un cadavre. Les villes de province étaient considérées comme une oasis de paix et on pouvait y aller en toute quiétude. Aujourd’hui, dans beaucoup d’endroits, nous traversons les cadavres de sang-froid. L’insécurité a empiré, le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire a empiré, nous allons de massacre en massacre sans même l’ombre d’une parodie de justice. »

« La parade utilisée par le gouvernement en place pour se laver les mains dans le massacre de la Saline est trop simpliste. Les personnes indexées circulent librement et continuent à graviter autour de ce gouvernement qui dit les avoir limogés. C’est la définition la plus simple de violation de droits humains : une personne qui pose un acte en sachant qu’il ne sera pas traduite devant les autorités judiciaires, qui, elles, ne montrent pas leur intention de faire aboutir le dossier. Elles sont de toute façon, à la merci du gouvernement. »

« Nous sommes allés témoigner par-devant le Congrès américain, comme nous l’avons fait devant d’autres Parlements comme le Parlement européen sur la situation générale des droits humains en Haïti, car, lorsque l’on est en train de faire un plaidoyer, il nous faut toucher soit celui que nous considérons comme un élément du problème que nous voulons résoudre, soit celui qui peut apporter un élément de réponse. Le Core Group a toujours apporté au gouvernement en place un appui inconditionnel, or, les États-Unis font partie du Core Group et il nous faut préciser que ce n’est pas seulement le Core Group vu que nous avons le même comportement avec L’OEA. Ces gens-là qui font partie de ces instances, ont besoin d’entendre et à plusieurs reprises, une autre voix.»

«Nous restons convaincus que nous avons pour devoir de partager avec eux notre lecture de la situation. Mais aussi leur faire comprendre que nous sommes contre leur façon d’aborder la crise. Aujourd’hui nous avons la communauté internationale qui se dit en faveur des élections. À côté, nous avons un président de facto qui avait à la faveur d’un arrêté créé un conseil électoral qu’il dote de deux missions: organiser un référendum, puis organiser des élections ce qui sous-entend qu’il subordonne la tenue des élections à l’organisation du référendum. Donc, si la communauté internationale appuie les élections, elle appuie par la même occasion le référendum qui est interdit noir sur blanc par la Constitution. Aller devant ces instances est une façon pour nous de leur dire que la crise dans laquelle nous sommes ne peut pas être analysée avec hypocrisie ni avec des non-dits, mais aussi de leur dire que leur position doit respecter les Haïtiens comme peuple, et comme peuple souverain.»

«Nous sommes sur le bon chemin pour sortir de la crise. Les bonnes questions sont en train d’être posées par beaucoup de jeunes, beaucoup de gens qui font partie de la société. Nous parlons de corruption, de bonne gouvernance. Des gens sont en train de réfléchir à l’État qu’ils veulent. Une bonne partie de la population comprend que ce que nous vivons n’est pas normal. Par exemple, les massacres perpétrés dans les quartiers défavorisés permettent de poser le problème du logement décent en Haïti.»

«Le pouvoir en place ne peut assurer sa mission, il nous faut nous en séparer puis comme un peuple souverain, il nous faut venir avec des propositions de solutions et prendre le temps qu’il faut pour sortir de cette crise sans que ces solutions nous soient dictées par l’international. La transition ne doit pas être seulement une transition électorale. Le peuple doit se sentir prêt. Nous devons faire confiance à l’ONI à nouveau, la sécurité doit revenir et les campagnes électorales doivent pouvoir être menées à la Saline comme à Grand-Ravine ou à Carrefour-Feuilles.»

Sur l’interdiction de porter des tresses et des collants à une faculté de l’Université d’État d’Haïti

«Nous reproduisons toujours les mêmes erreurs. Malheureusement, nous avons à la tête de nos institutions de très mauvais apprenants. Aujourd’hui, on parle des droits de l’homme, de tolérance, d’inclusion, de respect, de dignité, et des gens pensent qu’ils peuvent dicter ma façon de me voir, ma façon d’être, ma façon de me sentir à l’aise. C’est d’autant plus dommage que cela se passe dans un espace universitaire où la communauté aurait dû être plus diversifiée que possible alors qu’ils veulent mettre tout le monde dans un même carcan. C’est dommage que cela se passe dans une faculté de Droit où est dispensé un cours de droits humains. Tout ça pour dire que nous avons tendance à préférer les futilités à ce qui est essentiel. Nous préférons regarder l’apparence de l’étudiant au lieu de voir le côté éthique de l’avocat ou de l’économiste qu’il aura à devenir.»

«La note de la Faculté de droit et des sciences économiques sur le code vestimentaire doit nous indigner, car nous avons des jeunes en construction, qui viennent dans un espace pour écouter. Ils doivent pouvoir écouter toutes les paroles et remettre en question les bases de la société. Il n’y a pas de vérité absolue. Et c’est ce travail que l’université devrait faire. Il est futile de s’attarder sur l’aspect physique alors que la société demande d’aller en profondeur sur des problèmes beaucoup plus importants telle que l’éthique par exemple.»

«On dit toujours que toute liberté a une limite. En réalité, la première limite d’une liberté, c’est le début de la liberté d’autrui. Sanctionner quelqu’un pour sa façon de s’habiller, ce n’est pas une question de liberté, c’est de l’intolérance. Lorsqu’on parle de construire une société, il y a des choses plus importantes à aborder. Par exemple, dans une faculté, nous devrions voir l’accessibilité de la faculté pour les personnes à mobilité réduite. Est-ce qu’un jeune sur une chaise roulante a accès à la Faculté ? Est-ce que les muets, qui utilisent le langage des signes ont leur place au sein de la faculté ? Voilà les questions qu’il faut poser, parce que nous parlons de construire une société basée sur le droit. Sur cette question vestimentaire, la faculté aurait pu nous éviter cette note qui circule sur les réseaux sociaux.”

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La rédaction de Ayibopost

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