Je devrais pourtant avoir cet empressement qui caractérise le dégoût longtemps refoulé. Cet intense désir d’appuyer sur le bouton qui permet de basculer l’oppresseur et de le placer sur le siège de l’accusé, le siège de l’oppressé potentiel. Ç’aurait été très à propos ! Ce bulletin de vote qu’il m’est permis d’utiliser ce dimanche 25 octobre, me confère le pouvoir d’ébranler l’assurance des pilleurs de la Nation. De leur rappeler qu’entre voler le trésor public et jouir de ses bienfaits, il y a la nécessité du consentement populaire. Quand le peuple n’est pas complice, les briseurs de rêves ne sauraient dormir en paix, les corrompus ne sauraient ne pas s’inquiéter à l’approche de la fin du cycle, à l’approche du retour de bâton. Mais en même temps que la fin de ces tyrans, je voudrais voir la fin des votes « contre », la fin des votes pour l’Homme Providentiel, la fin des votes basés sur des promesses chimériques et surtout la fin des votes achetés.
Je me sens coupable de ne pas être en mesure d’exercer, avec le cœur léger, ce devoir citoyen que j’ai longtemps promu et que je ne cesserai de promouvoir. Je me sens coupable de ne pas pouvoir endosser un candidat et essayer d’influencer les intentions de vote en sa faveur. Je me sens coupable de placer les partants et les arrivants dans le même panier. Ce n’est point parce que mon jugement soit empreint de préjugés négatifs et de défaitisme. Mais à chaque fois que je réclame une idéologie, on me présente un slogan. Quand je fais appel à un programme, on me demande de le trouver dans le parcours ou le discours d’un homme providentiel qui me ressemblerait ! Qu’il soit dit en passant, je ne ressemble à personne ! Cette histoire qui consiste à jouer sur l’émotivité en se basant sur la classe moyenne, la peau foncée et l’origine paysanne ne marche pas et ne marchera pas avec moi. Comme je serais bête de troquer le partage des valeurs et de la vision contre la ressemblance physique ! Parenthèse fermée.
Je voudrais voter pour un candidat ayant l’attitude d’un chef d’Etat. Un candidat capable de prendre de la hauteur et de se placer au-dessus des intérêts individuels et particuliers. Un candidat capable d’abnégation. Un candidat capable d’indiquer, en toute transparence, les sources de financement de sa campagne. Un candidat issu d’un vrai parti politique, ayant mené une campagne moderne et centrée sur un programme rationnel. Un candidat ayant réussi sa vie de famille. Un candidat actif et engagé en dehors des périodes électorales. Un candidat qui ne serait pas un néophyte et qui aurait déjà acquis ses dents de sagesse en politique. Fort malheureusement, il me faudrait fondre, dans un creuset hautement patriotique, les 54 candidats en lice et n’en sortir que 2 avant d’avoir ce candidat idéal.
Au risque de me répéter, je rappelle que la démocratie est un régime exigeant. L’exercice régulier du droit de vote le renforce mais ne le résume pas. D’ailleurs comment voter si on n’est pas libre ? Comment puisse-t-on être libre et avoir ses élections financées (et donc commandées) par l’Internationale ? Qu’y-a-t-il de commun entre l’ignorance et l’affranchissement ? Comment garantir la jouissance du droit politique sans le respect des droits économiques et sociaux ?
Toutes ces interrogations auxquelles je n’ai pas encore de réponses constituent un voile qui m’enveloppe et me rend imperméable aux discours-constats, aux discours-accusations et aux discours-promesses. Demain, nous allons encore tâtonner dans l’obscurité de la démocratie à l’haïtienne. Cette démocratie qu’on refuse de remettre en question et pour laquelle on ne pense à aucune adaptation. Demain, si les circonstances le permettent, on va choisir le prochain personnage à diaboliser et à chasser lors des prochaines élections. Demain sera choisi le dieu qu’on enverra en enfer 5 ans plus tard. J’ai dit 5 ans plus tard parce qu’il me semble qu’on commence à respecter les mandats.
Oui, j’entends vos accusations et je les respecte. Vous me voyez défaitiste ! Vous m’enlevez déjà le droit de me plaindre quand ça n’ira pas. Vous avez raison. On n’a pas les mêmes habilités. On ne parvient pas tous à faire l’Autruche. Cette masse douloureuse, limitative et enflammée pour laquelle vous prenez des analgésiques, je l’appelle un abcès. Il faut le crever !
Dr Valéry MOISE, lyvera7@yahoo.fr
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