Sur trois ans, il rafle trois prix littéraires en milieu francophone alors qu’il n’a pas encore reçu ses lettres de noblesse en Haïti. Sans tambour ni trompette, Young Phew Laroc se positionne petit à petit comme une étoile montante de la littérature haïtienne.
En 2015, il a remporté le premier prix ex æquo du concours « Croquons la francophonie », organisé par l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (France). En 2017, il a reçu le prix spécial du concours littéraire « Stéphane Hessel de la jeune écriture francophone ». Au début de cette année 2018, il est désigné parmi les douze lauréats du concours international récompensant le « Jeune écrivain de langue française ».
Oser ! Tel est le crédo de Young Phew Laroc. C’est l’état d’esprit d’un jeune écrivain qui veut à tout prix réussir dans un milieu où l’on ne fait pas de cadeau. Sa participation à ces concours en dit long sur sa motivation. Et jusqu’ici, il arrive à transformer tout ce qu’il entreprend en quelque chose de spécial. Sans parrain, mais avec pour mentors tous les écrivains qu’il a lus, Young veut se tailler une place dans cet univers, où déjà il nourrit l’ambition de marquer sa génération à travers ses œuvres. Il sait que le chemin est encore long. C’est pourquoi il veut prendre tout son temps.
Né en 1991 à Port-au-Prince, Young Phew Laroc est l’aîné d’une famille de deux enfants. Il est vrai que son père a eu un autre garçon conçu lors d’une précédente union, mais Young en sait peu sur ce dernier qui avoisine la trentaine aujourd’hui. Avec sa mère, son père et son petit frère, ils forment une famille « ordinaire ».
Ordinaire dans le mode de vie, mais pas tant que cela quand les fils doivent répondre à l’appel. Monsieur Laroc, grand amant de la langue de Shakespeare, a décidé d’appeler son fils ”Young” Phew en hommage à sa mère dont le nom de jeune fille est Jeune. L’autre fils, le dernier de la fratrie, s’appelle Nephew. « Nous ne sommes d’aucune descendance étrangère. J’ai hérité de ce nom simplement parce que mon père a voulu rendre hommage à ma grand-mère », précise Young qui préfère utiliser son deuxième prénom pour s’identifier sur les réseaux sociaux. Il espère ainsi échapper à toutes éventuelles interrogations concernant ses origines ou le choix de ses prénoms.
Une carrière prometteuse
Young a découvert sa passion pour l’écriture dès l’âge de seize ans. Il était en classe de seconde quand il a participé à un atelier littéraire à l’Institut français. C’est là qu’il a fait la rencontre de celui qui va devenir un de ses modèles : Marvin Victor. Deux fois lauréats du prix du jeune écrivain, ce dernier va encore l’émerveiller à la parution de son premier et seul roman (jusqu’à maintenant) chez Gallimard, l’une des plus prestigieuses maisons d’édition en France. Des débuts rêvés par tout jeune écrivain, y compris Young Phew, qui commençait à travailler d’arrache-pied depuis lors afin de connaître un pareil itinéraire.
Thaï, comme on l’appelait dans sa tendre enfance, a toujours gardé dans un coin de sa tête son envie de remporter le prix du jeune écrivain. Mais c’est la récompense qu’il a obtenue en 2015, dans le cadre de la quinzaine de la francophonie pour son texte ”Lettre à mon voisin du lointain”, qui lui a ouvert les portes du succès. Dans ce texte, il célèbre l’interculturalité francophone en écrivant à un correspondant étranger avec qui il ne partage que la langue française.
Deux ans plus tard, il récidive avec le ”prix spécial Stéphane Hessel” de RFI et de l’Alliance française, où le thème principal était l’espoir. S’inspirant de la situation dans les camps des sinistrés après le séisme du 12 janvier 2010, son texte met en scène des rescapés qui, malgré la promiscuité, voient une possibilité de cohabitation et une opportunité de s’offrir une vie meilleure.
Et cette année, c’est le fameux ”prix du jeune écrivain de langue française”, remporté grâce à sa nouvelle titrée ”Ce que nous avons fait l’automne dernier”, qui confirme une fois de plus son talent d’écrivain. L’essentiel de l’histoire est puisé dans une vidéo qu’il a reçue à travers un groupe whatsapp, où une jeune écolière se faisait filmer dans une situation délicate. Sans porter de jugement, il se lance dans une série d’hypothèses pour comprendre comment cette écolière et ses camarades ont pu en arriver là.
La sociologie comme socle littéraire
Young est détenteur d’un certificat d’études en sociologie à la faculté des Sciences Humaines (FASCH). Il reconnait que sa formation académique influence ses écrits littéraires. C’est ainsi qu’il utilise la sociologie pour comprendre le réel et la littérature pour le décrire. Amoureux des nouvelles comme genre littéraire, il caresse aussi le projet d’écrire son premier roman. Il en a toujours rêvé. Lire et écrire sont sa plus grande passion. « Ce sont des choses qui sollicitent mon imagination », dit-il. L’écriture lui permet de se connecter avec les gens, de les influencer, d’attirer leur attention sur des thématiques bien précises.
Sa plus grande force ? C’est sa sensibilité. « Cela me permet d’entrer dans la peau d’une personne que je ne suis pas, affirme Young. En même temps c’est ma plus grande faiblesse, car elle me rend vulnérable auprès des gens qui n’auraient pas que de bonnes intentions à mon égard. »
Quand il ne lit pas ou n’écrit pas, Young regarde des films ou des séries télévisées. Le cinéma aussi est une activité qui occupe son temps libre. Timide selon ses proches, réservé d’après lui, Young Phew Laroc est un de ces jeunes qui n’attendent pas pour briller et qui osent. Probablement la prochaine valeur sûre de la littérature haïtienne.
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