Le maquillage est de plus en plus en vogue en Haïti. Les « Make up Artist (MUA) » se multiplient de jour en jour. Ils font des numéros télévisés et donnent des séminaires. Regard sur le métier de maquilleur en Haïti
Jeune professionnelle d’une trentaine d’années, Danielle Polydor ne se maquille pas souvent. Cependant, pour son mariage, elle a voulu faire retoucher son teint. « Ce jour-là, j’ai payé 40 dollars américains à une maquilleuse pour qu’elle embellisse mon visage. C’était en 2018 ».
Bien qu’elle ait été satisfaite, la jeune femme pense que les services de l’artiste ont coûté trop cher : « Juste un peu de poudre, du brillant à lèvres et d’autres petites choses encore. J’estime que c’est trop coûteux. Si je devais payer pour le cortège, il m’aurait fallu beaucoup plus d’argent. »
Ce prix, explique Polydor varie selon que le client accepte ou non que l’on affiche son visage sur les réseaux sociaux. « Si vous acceptez que l’on se serve de votre visage maquillé pour alimenter le compte du maquilleur, le coût du maquillage sera réduit. Dans le cas contraire, il n’y a pas de rabais », explique-t-elle.
Youdly Abilhomme — propriétaire de la compagnie Stainless Make up — avance que l’occasion détermine le prix du maquillage. « Le make up le moins coûteux dit-elle, est celui fait pour un homme au prix de 20 dollars américains. » S’il s’agit d’une simple fête ou d’une soirée, Stainless réclame 40 dollars américains. Alors que pour un mariage, il ne faut pas moins de 80 dollars US pour s’offrir les services de la compagnie.
Depuis trois ans, Youdly Abilhomme a ouvert une école de maquillage. La jeune femme de 28 ans avoue que c’est un honneur pour elle de former tous les jours de nouvelles têtes dans le maquillage.
Des maquilleurs animés par la passion
Le maquillage est moins un gagne-pain qu’une passion selon de jeunes maquilleurs interrogés pour cet article. Pour Taïna Comeau dit Coco MUA, une maquilleuse de 20 ans, le maquillage est : « un art grâce auquel l’on peut cacher les imperfections dans le corps de quelqu’un. »
Coco s’occupe des visages depuis 2016, avant même d’avoir bouclé ses études secondaires. Elle a commencé en septembre dernier des études en Administration financière. La jeune maquilleuse demande 30 dollars américains pour une touche de couleurs. « [Le métier] ne couvre pas toutes mes dépenses, mais il me permet d’avoir un peu d’argent », raconte-t-elle.
« Je suis la définition même du maquillage. Il m’aide à grandir et à évoluer dans tout ce que je fais » témoigne Francisco Bellevue, un maquilleur de 27 ans. Du moins qu’il se le rappelle, Francisco s’est lancé entre 2013-2014 dans le maquillage. « Grâce à un ami, un maquilleur, j’ai intégré le monde des couleurs. Il m’a appris des techniques et voilà. »
« Le maquillage ne me permet pas de répondre à toutes mes responsabilités. Je peux dire qu’il participe à 60 % dans ma vie économique », avance Francisco.
Francisco Bellevue refuse de se prononcer sur le prix de ses services. Toutefois, il dit : « J’achète des produits qui coûtent très cher, il m’est donc impossible de demander 20 ou 30 dollars américains pour une touche de maquillage. » Selon les maquilleurs, les prix sont fixés en dollars parce que le coût des produits est élevé.
« Le maquillage est pour moi une façon de m’exprimer. Il permet de dévoiler la face cachée de la beauté d’une personne », relate Addie Leno, elle-même âgée de 19 ans.
Addie Leno est une Haïtienne qui vit en République dominicaine. Ses clients sont principalement des Haïtiens. « Les Dominicains se maquillent beaucoup. Il y a dans presque tous les magasins des professionnels en maquillage », lance-t-elle.
Quand elle était enfant, la jeune maquilleuse prenait plaisir à regarder sa mère se servir des pinceaux. En grandissant, Addie Leno a pris le goût des couleurs. Il y a déjà un an depuis qu’elle ne fait que cela. « Au début, dit-elle, je faisais le maquillage pour le plaisir. Mais maintenant, je demande un peu d’argent. 10 dollars pour un maquillage simple. C’est de l’argent de poche. »
Attention aux cours de maquillage en ligne !
Michel Chataigne pratique et enseigne le métier de maquilleur depuis 35 ans. Il trouve positif que le maquillage soit aussi vulgarisé en Haïti. « Jusque vers les années 1970, on disait que les Haïtiens ne se maquillaient pas. Il y a eu des salons à Pétion Ville, mais c’était pour des étrangers vivant en Haïti. Ce n’est que vers les années 1980 qu’on a commencé à ouvrir des salons pour des Haïtiens en Haïti. Donc c’est très bien que l’on se maquille partout de nos jours », lance le docteur en cosmétologie.
Toutefois, il regrette que les jeunes maquilleurs aillent vers l’information et non vers la formation. « La majorité des jeunes se contentent de regarder des vidéos sur YouTube. Le hic c’est que ces mêmes personnes font des séminaires pour d’autres. Mais mon Dieu ! Comment peut-on apprendre aux gens si l’on n’est pas soi-même formé ? », se plaint Michel Chataigne.
Les cours sur YouTube ou sur les réseaux sociaux, selon le cosmétologue sont des formations continues. Autrement dit, ce sont des séminaires qui apprennent de nouveaux styles aux maquilleurs déjà qualifiés. « Ils ne sont pas destinés aux débutants qui doivent prendre au moins 13 mois pour connaître la littérature du métier de maquilleur », nous apprend Michel Chataigne. À l’école qu’il dirige, l’admission est refusée à tout candidat qui n’aurait pas obtenu au moins le certificat du Bac II.
Il continue en relatant que ces jours-ci, les gens font du maquillage à outrance. « Les gros sourcils ne vont pas avec tout le monde, affirme Michel Chataigne. C’est un style comme un autre qui va et qui revient. Avec moi, les élèves apprennent entre autres à connaître la structure du visage de la personne à maquiller pour savoir quel style adopter. Après la formation, ils vont passer un examen officiel soumis par le Ministère des Affaires sociales. Mais tout cela n’existera plus si l’on continue à cette dégénérescence du métier de maquilleur. »
Attention aux produits de beauté !
Même si le maquillage est en vogue, il faut faire attention à l’utilisation des produits selon Christelle Dossous, la propriétaire du salon Onaturell Haïti. Certains ingrédients utilisés pour fabriquer les produits de beauté peuvent être irritants pour certains types de peau. « Il faut aussi prendre en compte s’il s’agit d’une personne à terrain allergique. La personne qui fait le maquillage doit informer son client de la marque des produits qu’elle va utiliser », prévient Christelle.
En principe, ajoute Christelle Dossous, avant toute chose, le maquilleur devrait demander à son client quel est son type de peau. Si celui-ci n’est pas en mesure de répondre, le professionnel peut faire un test. « Le test se fait facilement. On peut essayer les produits sur le bras de la personne que l’on va maquiller pour voir comment il réagit », continue Christelle qui croit que les maquilleurs ne devraient pas négliger ces principes. Car, conclut-elle, il est inutile de se créer des problèmes pour se faire beau.
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