« Je reste convaincu qu’Haïti a énormément de choses à apprendre au reste du monde, comme son histoire, et cette humanité qui m’a accueilli lorsque je suis arrivé ici », affirme à AyiboPost le professionnel de la presse basé dans le pays depuis des décennies
Depuis qu’il a pris l’habitude de venir en Haïti au début des années 2000, Étienne Côté-Paluck rêvait d’une chose : s’acheter un terrain et se faire construire une petite maison au bord de la mer.
Le journaliste canadien réalise ce rêve à Jacmel en 2012.
Cet objectif atteint, Côté-Paluck entreprend de formaliser son attachement à Haïti.
Il entame en 2020 des démarches pour obtenir la nationalité haïtienne.
L’assassinat du président de la République, Jovenel Moïse, un an après met un frein à son élan, mais Côté-Paluck veut aller jusqu’au bout.
« Je reste convaincu qu’Haïti a énormément de choses à apprendre au reste du monde, comme son histoire, et cette humanité qui m’a accueilli lorsque je suis arrivé ici », explique à AyiboPost le professionnel de la presse basé dans le pays depuis des décennies.
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Côté-Paluck raconte son expérience d’Haïti à la presse internationale depuis l’intérieur. Ses reportages décrivent le quotidien du pays, avec ses malheurs et ses richesses.
Son histoire avec Haïti remonte à la chute de la dictature des Duvalier, en 1986.
À cette époque, des Haïtiens, exilés depuis des années au Canada à cause de la dictature, décident de retourner dans leur pays natal.
On comptait plus de 48 000 Haïtiens immigrés dans le pays nord-américain en 1986.
« Je suis venu avec mes parents, qui ont accompagné leurs amis haïtiens en Haïti », raconte le natif de Montréal.
À huit ans, Côté-Paluck fréquente le Champs-de-Mars, assiste aux débats politiques et aux défilés de carnaval national.
Ce premier contact avec le pays est déterminant.
Car, au début des années 2000, celui qui a étudié le cinéma et la communication multiplie les voyages entre Montréal et Port-au-Prince.
« Je me sentais de plus en plus attaché à la musique, à la gastronomie et encore plus aux gens », relate l’homme qui travaille à cette époque comme critique musical à Radio-Canada.
Progressivement, Côté-Paluck se crée une place.
Il offre ses services à l’organisation du festival de cinéma de Jacmel, une décision qui solidifie son amour pour le Sud-Est.
Entre 2004 et 2007, le festival avait annuellement mis à l’honneur la production cinématographique du pays.
En 2008, le professionnel décide d’apprendre le créole haïtien pour pouvoir mieux communiquer avec ses nouveaux amis haïtiens.
Poussés par une vive curiosité de découvrir le carnaval haïtien, un groupe d’amis canadiens exprime le désir de l’accompagner en Haïti lors de son voyage prévu pour le début de l’année 2010.
Tout était fin prêt quand survient le tremblement de terre du 12 janvier 2010 ayant causé la mort de plus de 300 000 personnes et des dégâts matériels considérables.
Deux amies proches de Côté-Paluck en Haïti, les militantes féministes, Magalie Marcelin et Myriam Merlet, sont mortes dans le cataclysme.
« J’ai reçu un gros choc », explique-t-il à AyiboPost, avec une note d’émotion dans la voix.
Dans la foulée du séisme, il reçoit un appel de Radio-Canada lui proposant d’accompagner ses équipes sur le terrain en Haïti.
Côté-Paluck entre dans le pays dans un tout autre contexte que ce qu’il avait imaginé des mois avant.
En lieu et place d’une foule en liesse au passage des chars musicaux au Champs-de-Mars, il se confronte à la vision dévastatrice des blocs de béton gris, des décombres et des foules désespérées, en manque de tout, à la recherche de leurs proches disparus.
Après le tremblement de terre, Côté-Paluck décide de s’installer en Haïti.
« Pour avoir connu les hauts et les bas de ce pays, je me suis donné pour mission de raconter son quotidien sous toutes ses facettes », confie-t-il à AyiboPost.
Il fonde en 2020, avec d’autres journalistes haïtiens, le collectif « Dèyè mòn Enfo » et Haïti Magazine trois années plus tard.
L’objectif est, dit-il, « de mettre en avant une facette valorisante du pays à chaque nouveau numéro ».
Les publications de ces deux plateformes mettent en avant la dignité des Haïtiens en dépit des défis, les mouvements de résistance populaire contre l’insécurité, les initiatives de développement au sein des communautés. Ce qui contraste avec les narratifs sombres produits tant de l’intérieur que de l’extérieur sur le pays, depuis des années, selon Côté-Paluck.
D’ailleurs, le journaliste se réjouit de l’accueil et du respect reçus, en dépit de son statut d’étranger dans le pays.
« Parfois je me sens privilégié, d’autres fois non. Mais, je n’ai pas à me plaindre sur ce point », confie-t-il à AyiboPost.
L’insécurité qui règne sur la route de Martissant menant dans le Sud du pays le contraint à réduire ses allers-retours entre Port-au-Prince et Jacmel.
Depuis au moins trois ans, les bandits installent des postes de péage sur la Route nationale numéro 2.
Lui et certains des membres de son équipe sont obligés de rester à Port-au-Prince, une ville qu’il dit regretter ne plus être la même qu’il y a dix ans.
Selon les Nations-Unies, près de 80 % de la capitale haïtienne est contrôlée par les gangs armés.
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Les cas de kidnapping et les dérapages sanglants y sont réguliers.
Plus de 95 000 personnes ont fui la violence à Port-au-Prince entre mars et avril 2024, selon l’OIM.
« Tout a basculé si vite », soupire Côté-Paluck, reconnaissant que son pays, le Canada, mais aussi la France et les États-Unis ont leur part de responsabilité dans ce qui se passe en Haïti depuis des années.
Mais l’homme de 45 ans garde son optimisme.
« Je ne compte pas partir d’ici, dit-il. À moins qu’un jour tout s’effondre au point que je ne puisse plus y travailler. Mais j’ose espérer que tout ira mieux un jour », conclut Étienne Côté-Paluck à AyiboPost.
Cet article a été mis à jour pour clarifier les démarches entreprises pour la naturalisation. 9.50 8.7.2024
Par Wethzer Piercin
Image de couverture : Le journaliste Étienne Côté-Paluck prend un selfie avec ses collègues à Déyè Mòn Enfo lors d’un reportage en 2023.
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