L’hôpital Bernard Mevs a été créé en 1994. Son personnel médical est composé de médecins et d’infirmières issus des universités en Haïti, en République Dominicaine, à Cuba et aux États-Unis. Bernard Mevs est l’exemple qui montre que même un hôpital de référence doit relever beaucoup de défis pour continuer d’exister en Haïti
Il est environ midi. L’équipe d’Ayibopost se trouve au Village de Solidarité à la Cité militaire pour une visite à l’hôpital Bernard Mevs, l’un des hôpitaux de référence dans le pays. À l’entrée de l’institution, il y a beaucoup de mouvements, des marchands qui vendent de tout aux camions de la Mairie de Delmas qui ramassent des ordures.
Cet hôpital en construction fait face à beaucoup de difficultés.
Pressés pour aller prendre part à une réunion avec les leaders du village, les docteurs Bitar, co-directeurs de l’établissement, avec leur blouse et leurs bonnets, ont dû nous laisser avec le Docteur Cléonas Junior Destiné pour une visite guidée. Dr Destiné est responsable du service des maladies infectieuses à Bernard Mevs.
En 2019, l’administration de l’hôpital a annoncé que l’institution allait fermer ses portes à cause des crises financières sévères qu’elle a connu durant la période « Peyi lock ».
Selon les docteurs Bitar, beaucoup des personnes blessées lors des manifestations qui ont été hospitalisées à Bernard Mevs n’ont pas payé pour les soins dont ils ont bénéficié. « À l’annonce de la fermeture de l’institution, ces gens se sont précipités pour payer. Nous avons pu recommencer », avance l’un des co-directeurs.
L’hôpital Bernard Mevs n’est pas le seul centre hospitalier qui a été mis à genoux durant le « Peyi lock ». Le Dr Franck Généus, président de l’Association des hôpitaux privés d’Haïti a appelé à l’aide durant la période pour essayer de trouver une sortie de crise pour les hôpitaux privés. Car selon lui, en temps de crise, quand les hôpitaux publics sont dysfonctionnels ce sont les initiatives privées qui prennent le relais.
En effet, les hôpitaux publics fonctionnent dans des conditions précaires. Quand ce n’est pas le personnel soignant qui se soulève, c’est le personnel de soutien. Quelques jours avant l’annonce du Covid-19 en Haïti, l’hôpital Universitaire de La Paix a été en grève.
Le 19 mars 2020, le gouvernement haïtien a déclaré l’état d’urgence sanitaire en raison de de la confirmation du nouveau Coronavirus dans le pays. Quelques jours après cette annonce, les médecins résidents de la maternité Isaïe Jeanty (Chancerelles) spécialisée en des soins obstétricaux-gynécologiques, ont sonné l’alarme pour dénoncer les conditions exécrables dans lesquelles ils travaillent.
En plus, le budget du Ministère de la Santé publique et de la population ne fait que régresser à chaque nouvel exercice fiscal.
Bernard Mevs n’est pas assez équipé
Après le « Peyi lock », Bernard Mevs continue de fonctionner, mais avec beaucoup de défis à relever. « Notre plus grande difficulté est le fait que beaucoup de nos patients n’ont pas assez de moyens pour payer les soins qu’ils reçoivent », se plaint Carla Puzo, l’assistante administrative de l’établissement.
Pour sa part, le Dr Inelson Saintil, responsable du service de triage à Bernard Mevs, relate qu’il n’y a pas assez d’espace pour recevoir tous les patients qui frappent aux portes de l’Hôpital. « Quand nous n’avons pas assez de places, nous demandons aux patients de se rendre à un autre hôpital. Ce n’est pas toujours une décision facile pour nous parce que nous savons que les gens nous font confiance, évidemment ils se mettent toujours en colère quand nous leur disons d’aller ailleurs », regrette le médecin Saintil qui a étudié à Cuba.
L’infirmière Michelle Barjon Simon responsable du bloc opératoire de l’hôpital abonde dans le même sens. « Nous n’avons pas assez d’espace pour recevoir nos patients, dit-elle. Heureusement nous avons entrepris des travaux pour renforcer les capacités de l’hôpital. »
L’institution Bernard Mevs dispose de seulement 57 lits. Moins de lits que la maternité Isaïe Jeanty (Chancerelles) qui possède 93.
Et le coronavirus ?
La pandémie mondiale du Covid-19 frappe de plein fouet les systèmes de santé du monde. En Haïti, les hôpitaux n’ont pas été assez équipés pour faire face aux crises sociopolitiques du « peyi lock », ils ne le sont pas non plus pour le nouveau coronavirus.
Après avoir reçu un don d’environ 153 000 dollars américains d’artistes et de promoteurs haïtiens, l’hôpital Bernard Mevs est en train d’augmenter sa capacité en soins intensifs.
Cependant, les codirecteurs de l’hôpital soulignent que Bernard Mevs continue de recevoir des patients présentant des pathologies autres que le Covid-19. « Si un malade vient en détresse respiratoire, disent les docteurs Bitar, il sera pris en charge, car sa vie est en danger. Nous sommes fermes là-dessus. »
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L’hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) fait aussi face à de grandes difficultés pendant la période. « [L’HUEH] est depuis le tremblement de terre un hôpital de transition. Nous avons seulement 400 lits et nous n’avons pas assez d’espace parce que nous sommes en construction », a déclaré à Ayibopost Dr Jessie Colimon Fethière, la directrice de l’hôpital.
Toutefois, Fethière a ajouté que bien avant le Coronavirus, l’HUEH disposait d’une équipe d’officiers de surveillance épidémiologique qui contrôle les cas critiques. En ce sens au cas où il y aurait un patient présentant une infection respiratoire aigüe comme le Covid-19, cette équipe pourrait s’occuper de lui avant de le confier aux institutions mises en place par le Ministère de la Santé pour la prise en charge des cas graves.
Dans une entrevue accordée au journal Le Nouvelliste, le coprésident de la commission multisectorielle de gestion du Coronavirus, l’épidémiologiste Jean William Pape, reconnaît que le système sanitaire haïtien est faible. Il ajoute qu’il faudrait 9 000 lits supplémentaires pour les patients qui tomberont malades du Covid-19.
De ce fait, personne ne sait à quoi s’attendre. Même pas les professionnels de Bernard Mevs.
Laura Louis
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