Un représentant de Hyde Park des États-Unis mentionne la fabrication, dit-il, sans autorisation de cette marque de corn flakes en Haïti. L’affaire se trouve au cœur d’une bataille judiciaire
Hyde Park demeure probablement la marque de corn flakes la plus populaire d’Haïti.
Mais certains consommateurs signalent un changement de goût. « Il était mieux avant, on l’a refait », écrit un utilisateur nommé “BiBiepriv” sur TikTok en décembre dernier.
Dans des supermarchés haïtiens, le produit continue d’arborer le drapeau américain et conserve une apparence proche de celle retrouvée dans les Walmart ou sur Amazon aux États-Unis — à au moins un détail près : la boîte vendue en Haïti mentionne Port-au-Prince comme lieu de production, sans indiquer le nom de l’usine.

Photo des deux boîtes de Corn Flakes Hyde Park.
Dans des correspondances échangées avec AyiboPost, un représentant de Hyde Park aux États-Unis évoque une « fausse production » de la marque en Haïti.
Les responsables de la production locale contestent cette version des faits.
L’entreprise Caribbean Food Manufacturing (CFM), dirigée par l’entrepreneur John Batroni, fabrique Hyde Park dans le pays « depuis plus d’une décennie sans aucune opposition », selon les déclarations de son représentant légal, l’avocat Yvan Richard Maurasse.
L’avocat n’a pas répondu à une question sur l’existence d’un accord entre la marque américaine Hyde Park et CFM. « S’ils avaient enregistré la marque, ils doivent soumettre l’enregistrement », a poursuivi maître Maurasse.
L’affaire est en attente de jugement, mais le représentant de Hyde Park aux États-Unis affirme qu’aucun droit de production ni de distribution n’a été accordé à Caribbean Food Manufacturing. Si cette entreprise produit les céréales, cela serait « illégal », poursuit-il, évoquant d’éventuelles « actions légales » hors des médias, sans fournir plus de détails.
Dans des correspondances échangées avec AyiboPost, un représentant de Hyde Park aux États-Unis évoque une « fausse production » de la marque en Haïti.
Le conflit prend naissance dans une funéraille.
Jerry Martino, l’homme d’affaires qui avait initialement enregistré Hyde Park au moins depuis 2004 en Haïti, est décédé en 2020.
Avant son décès, il aurait cédé la marque de corn flakes à un dénommé Gamal Mildor, qui l’a ensuite transférée à l’entrepreneur Guy-Michel Clérié de l’entreprise Safi Trading S.A.
Dans un courriel transmis à AyiboPost, le représentant de Hyde Park aux États-Unis affirme avoir donné à Martino le droit d’enregistrer la marque. Avant sa mort, Martino avait — selon Hyde Park — cessé d’acheter le produit en raison de la hausse des prix. Le représentant présente Guy-Michel Clérié comme le distributeur exclusif de Hyde Park en Haïti. Ce dernier, dit-il, a repris la marque à la mort de Martino, donc « tout est en ordre ».
La direction des affaires juridiques du ministère du Commerce et de l’Industrie déclare reconnaître les droits de Safi Trading S.A. sur la marque Hyde Park jusqu’en 2034, selon son département juridique et des documents obtenus par AyiboPost.
« L’enregistrement de la marque Hyde Park est inscrit dans les registres du commerce au nom de Safi Trading », en fonction des demandes de cession successives, précise Me. Danovald Charles, directeur des affaires juridiques, évoquant le fait que ces actes ont été passés devant notaire.
Caribbean Food Manufacturing proteste.
Dans une citation au correctionnel pour diffamation transmise à Clérié et obtenue par AyiboPost, l’entreprise dénonce une « tentative maladroite » de l’homme d’affaires pour « se faire passer pour propriétaire de la marque » Hyde Park. La citation mentionne également une décision de la direction des affaires juridiques du ministère du Commerce et de l’industrie sur ce dossier.
AyiboPost a transféré à Me. Danovald Charles une partie de la citation au correctionnel mentionnant ladite décision. « J’ai vu ce document comme tout le monde et je me réserve le droit de ne pas faire de commentaire », a-t-il déclaré en reaction.
AyiboPost n’a pas pu authentifier l’existence de cette décision avant publication. Clérié déclare ne pas en avoir été signifié. Il affirme avoir sollicité le document à plusieurs reprises auprès du ministère, sans succès.
Il n’est pas clair s’il s’agit de la décision de décembre 2024 évoquée par maître Maurasse “liant toutes les parties” et qui aurait renvoyé le dossier devant le tribunal commercial, selon ses dires. L’avocat affirme ne pas être autorisé à rendre publiques les pièces du dossier. Cet article sera mis à jour s’il change d’avis.
CFM demeure une importante entreprise haïtienne comptant 70 employés locaux, selon son site officiel. Deuxième firme productrice de céréales pour le petit-déjeuner dans la Caraïbe d’après le portail web, elle se spécialise depuis plus de dix ans dans la fabrication à Croix-des-Bouquets de produits distribués en Haïti et dans près d’une dizaine de pays.
CFM produit déjà des corn flakes de la marque Bongu, appartenant au groupe Deka. Un rapport des Nations Unies de 2023 soutient avoir des preuves de l’implication de Reynold Deeb, présenté comme un directeur de cette entreprise, dans le financement de membres de gangs. Cet homme d’affaires politiquement connecté faisait déjà l’objet de sanctions canadiennes.
À ce jour, aucune juridiction haïtienne n’a condamné Deeb pour ces allégations.
Afin de clore le différend, CFM s’en remet à la justice.
Mais pour Guy-Michel Clérié l’affaire va au-delà d’une question financière.
« Je défends un principe, car demain cela peut arriver à n’importe qui, ils peuvent abuser de n’importe qui », déclare Clérié à AyiboPost. « C’est ce genre de pratique qui nous a menés à cette situation dans le pays », poursuit l’entrepreneur, affirmant qu’il existe « des groupes mafieux et des gangs dans le secteur privé ».
Les marques sont protégées localement pour garantir aux entreprises l’usage exclusif de leur nom ou de leur logo, prévenir la contrefaçon et défendre leur réputation en justice.
CFM produit déjà des corn flakes de la marque Bongu, appartenant au groupe Deka. Un rapport des Nations Unies de 2023 soutient avoir des preuves de l’implication de Reynold Deeb, présenté comme un directeur de cette entreprise, dans le financement de membres de gangs.
Aux États-Unis, HYDE PARK est enregistrée pour la production de corn flakes par Grace C LLC : d’abord dans l’État de la Floride, puis au niveau fédéral, ce qui étend la protection à l’ensemble du territoire américain.
AyiboPost a vérifié indépendamment l’identité du responsable de Grace C LLC par téléphone ainsi que par un courriel officiel.
Le dossier Hyde Park attend une résolution définitive devant les tribunaux d’Haïti. Il soulève des questions juridiques sur les marques, mais aussi sur la défense des droits des consommateurs dans le pays.
Les boîtes de corn flakes Hyde Park vendues dans plusieurs supermarchés de Port-au-Prince ne mentionnent aucune usine de production — une apparente violation d’un décret de 2020 sur l’étiquetage des produits alimentaires, qui exige l’inscription de cette information, constate AyiboPost. Selon ce décret, les informations doivent également figurer dans l’une des deux langues nationales.
L’année dernière, le ministère du Commerce avait menacé de retirer du marché les produits ne respectant pas les exigences d’étiquetage.
Interrogé sur l’absence d’informations concernant l’origine de la majorité des corn flakes Hyde Park en circulation, l’actuel ministre du Commerce, James Monazard, déclare avoir été informé de ces faits par AyiboPost.
Les boîtes de corn flakes Hyde Park vendues dans plusieurs supermarchés de Port-au-Prince ne mentionnent aucune usine de production — une apparente violation d’un décret de 2020 sur l’étiquetage des produits alimentaires, qui exige l’inscription de cette information, constate AyiboPost.
« Le consommateur a droit à des informations, notamment sur l’origine du produit », affirme le ministre. « Ce que je peux faire, poursuit-il, c’est envoyer des inspecteurs procéder à des saisies, afin que les personnes ou établissements en possession de ces produits puissent indiquer quelle compagnie les leur a vendus. »
Selon le ministre, les marques notoires bénéficient d’une protection en Haïti. « La maison mère reste le propriétaire de la marque Hyde Park », ajoute-t-il.
Concernant la légalité des revendications des deux parties, il affirme que la loi punit les contrefaçons, mais que seul un tribunal peut trancher.
Par ailleurs, il souligne sans donner de détails la rédaction, par le département juridique du ministère, d’un rapport en l’absence de documents, notamment de l’acte de cession de Martino. Cependant, ajoute-t-il, ces documents ont été soumis par la suite au ministère.
En présence des pièces fournies par Clérié, « il n’y a rien d’autre que je puisse faire », affirme le ministre. « Le ministère n’est pas une instance de jugement. Le juge qui cherche la vérité peut écrire au ministère pour obtenir les documents pertinents », conclut-il.
La rédaction d’AyiboPost mettra ce dossier à jour à mesure que de nouvelles informations seront disponibles.
Par : Widlore Mérancourt
Cet article a été modifié à la demande d’un des intervenants afin de clarifier ses déclarations.
Couverture | Photo des deux boîtes de Hyde Park Corn Flakes – The Original et Hyde Park Corn Flakes – accompagnée du visage d’un homme pensif. (Source : Freepik ). Collage : Collage : Florentz Charles pour AyiboPost – 24 avril 2025.
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