ART & LITERATURECULTURE

Collectif Azuei: l’art comme espace de dialogue entre Haïti et la RD

0

 Le collectif artistique Azuei se veut un espace de dialogue entre les peuples dominicain et haïtien à travers la culture. Il est créé en août 2015, dans un contexte politique marqué par le Plan de régularisation des étrangers en République dominicaine.

L’initiative a vu le jour à l’issue d’une retraite tenue au parc naturel Kiskeya, à proximité du lac Azuei, dans la commune de Ganthier. Une dizaine d’artistes dont des peintres, des cinéastes et des musiciens venant des deux côtés de la frontière, s’étaient réunis dans ce lieu pendant une semaine pour discuter des rapports entre les deux peuples. À travers leurs créations, ils ont passé en revue les évènements historiques qui ont jalonné les relations entre Haïti et la République Dominicaine. Dès lors, le mouvement va s’agrandir avec comme objectif la création de liens entre des artistes des deux pays en vue de promouvoir l’harmonie, le respect de l’autre à travers des échanges culturels et artistiques, selon le cinéaste dominicano-haïtien Jean Jean. Ce dernier était de passage en Haïti dans le cadre de la troisième édition du festival de film international Nouvelles Vues Haïti.

« No discrimination » : la porte d’entrée

Au début de l’année 2015, l’artiste haïtien Rebel Layonn qui a eu un passage au sein du groupe Y’Israel, enregistrait à l’époque son premier album en République Dominicaine.  Il y lia connaissance avec le chanteur dominicain Jahbeat. Leur collaboration a engendré « No discrimination ». Une chanson interprétée en anglais et en espagnol qui invite les deux peuples à rejeter le racisme, embrasser la solidarité et l’amour, car nous sommes les résidents d’une seule planète. Le même destin nous attend, martèle le duo haitiano-dominicain. Cette composition serait à l’origine du mouvement «Azuei », selon Rebel Layonn. « On se sert de l’art pour créer un espace de dialogue entre les deux sociétés. Lors de notre première rencontre, l’émotion était forte. Certains d’entre nous n’ont pas pu retenir leurs larmes. Les élites des deux pays ont tout fait pour nous tenir à distance », explique-t-il.

Des performances en République Dominicaine et en Haïti

De 2015 à nos jours, l’équipe d’Azuei a organisé deux retraites artistiques, dont l’une, à Jacmel, au cours de laquelle, les musiciens ont enregistré six chansons. À cela s’ajoute le festival Afrodecendiente à Santo-Domingo au Centre Culturel Espagnol qui met en valeur la peinture, la musique et le cinéma des deux pays. D’autres performances artistiques ont eu lieu également à Granravin et au festival de théâtre Quatre chemins. « À travers ces activités, nous souhaitons transcender les frontières auxquelles nous avons été trop longtemps confinés », raconte la réalisatrice haïtienne Rachèle Magloire qui est aussi membre fondatrice du mouvement.

À ce jour, Azuei travaille sur la sortie d’un album à la fin de cette année, réunissant des artistes dominicains et haïtiens. Il comportera douze titres. Six d’entre eux ont été déjà enregistrés à Audio Institute de Jacmel. Bayakou records du producteur dominicain Felix Ezel se chargera des six autres compositions. Entre-temps, l’équipe prépare une retraite en République Dominicaine. Les musiciens s’apprêtent à travailler ensemble durant une semaine autour du projet. Malheureusement, même si les planifications vont comme prévu avec les acteurs concernés, les moyens économiques font défaut jusqu’à présent. Une campagne de levée de fonds est en cours pour pallier ce manque.

Cet album proposera un questionnement de l’histoire, du rapport existant entre les deux pays. Pour Rachèle Magloire, il devrait également stimuler l’idée que nous et nos voisins pouvons réaliser dans le respect quelque chose de positif et contribuer à l’avancement des deux sociétés.

Les relations haitiano-dominicaines sont émaillées de clichés, d’incidents malheureux qui créent parfois de vives tensions diplomatiques, éloignant ainsi, de plus en plus, les deux peuples l’un de l’autre. Une initiative visant à jeter des ponts entre les deux pays partageant l’île, ne mérite-t-elle pas d’être encouragée ? Selon les dernières statistiques, plus de 500 000 Haïtiens vivent en République Dominicaine.

Feguenson Hermogène est journaliste et cinéaste. Il a intégré l’équipe d’Ayibopost en décembre 2018. Avant il était journaliste à la radio communautaire 4VPL (Radyo Vwa pèp la, 98.9 FM) de Plaisance du Nord.

    Comments

    Leave a reply

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *