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Opinion | Cinq actions pour restaurer la sécurité et la stabilité en Haïti : un plan inclusif

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J’ai proposé un plan en cinq points pour faire face à l’insécurité et à la violence en Haïti, impliquant tous les acteurs clés du processus

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Le plan repose sur l’impératif moral de l’unité et de la solidarité dans la société haïtienne. Le premier point souligne qu’Haïti est indivisible et que toutes ses villes et régions doivent travailler ensemble pour faire face à la crise.

Deuxièmement, le plan nécessite la participation de tous les secteurs de la société haïtienne, y compris la diaspora. Troisièmement, le plan préconise le renforcement de la force de police nationale et de l’armée, ainsi que la mobilisation du personnel des entreprises de sécurité privées.

En quatrième lieu, l’article propose la création d’un fonds de sécurité pour la diaspora afin de financer la police, l’armée et éventuellement des efforts de développement économique. Enfin, il appelle la communauté internationale à remplir son obligation d’assister les États dans la protection de leur population, en particulier dans les cas où l’État est incapable de le faire.

Les principaux objectifs du plan sont de rétablir la sécurité en Haïti et de créer suffisamment de temps et d’espace pour tenir des élections. En maximisant les ressources internes et externes, le plan vise à s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité et de la violence et à créer un environnement stable pour que les processus démocratiques puissent avoir lieu.

Face à la crise qui s’aggrave, quelles sont les options ?

Il y a un sentiment d’urgence, de responsabilité et d’engagement qui sous-tend ce plan en cinq points qui a deux objectifs. Le premier objectif est de rétablir la sécurité en Haïti et de protéger sa constitution. Il découle de la reconnaissance que la plupart des citoyens veulent simplement jouir de leurs droits constitutionnels et inaliénables à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. Deuxièmement, l’objectif du plan est de créer suffisamment d’espace et de temps pour que Haïti puisse tenir des élections. Des élections crédibles de dirigeants responsables sont une pierre angulaire essentielle de la stabilité d’Haïti et de son développement humain et économique.

Ce plan expose une stratégie globale pour s’attaquer à l’insécurité et à la violence des gangs qui sévissent en Haïti. Il se compose de cinq points distincts ou domaines de concentration conçus pour répondre aux défis immédiats du pays. Il recommande également des moyens pour les Haïtiens vivant en Haïti ainsi que ceux vivant à l’extérieur de participer à cet effort. Dans l’ensemble, il offre une voie vers le rétablissement de la sécurité et de la stabilité d’Haïti.

1.  Solidarité haïtienne

La célèbre citation du président Abraham Lincoln, « Une maison divisée contre elle-même ne peut pas tenir », est aussi pertinente aujourd’hui pour Haïti qu’elle l’était en 1858 pour les États-Unis. Le facteur le plus fondamental pour les citoyens haïtiens est de se rassembler dans l’unité, en tant que peuple et nation.

Cependant, nous nous trouvons divisés. Nous soutenons que Port-au-Prince (PAP) n’est pas Haïti. Le plus souvent, cette affirmation suggère que le problème de gangs de PAP n’est pas le problème du reste du pays. Cette vision mine notre sens de l’empathie et de l’unité. Elle divise également la nation à un moment où elle a le plus besoin d’unité.

Malheureusement, l’histoire récente a montré que le contrôle des gangs sur les quartiers que nous considérons comme éloignés s’étend à de nouvelles zones plus proches de nous. La guerre des gangs contre la société a un coût pour ceux qui vivent sous leur contrôle et pour l’ensemble du pays. Par conséquent, la première étape de toute solution consiste à reconnaître que la perte de toute partie de notre intégrité territoriale est une perte pour l’ensemble de la nation. Cela signifie reconnaître que Port-au-Prince est Haïti, tout comme d’autres villes telles que Cayes, Cap-Haïtien, Gonaïves et St. Marc. Nous devons cesser de considérer PAP comme une entité distincte et ses problèmes comme déconnectés du reste du pays.

Résoudre les crises du pays exige des sacrifices de la part de tous les Haïtiens, y compris ceux des zones qui ne sont pas encore touchées par l’insécurité et de la diaspora.

2.   Inclusive Participation

Nous devons éviter de recommencer constamment avec de nouveaux accords et structures. Malheureusement, l’accord politique du 21 décembre signé par le Premier ministre de facto Ariel Henry et certains partis politiques est insuffisant. Les signataires ne représentent pas la société civile haïtienne, et beaucoup d’entre eux proviennent d’organisations fictives. Plus important encore, l’accord manque de mécanismes de surveillance et concentre trop de pouvoir entre les mains de M. Henry, qui occupe plusieurs postes (président, Premier ministre et ministre de l’Intérieur).

Malgré ces problèmes, l’accord incluait des recommandations politiques positives, en particulier quelques-unes issues de l’accord Montana du 30 août. Les deux plus importantes comprennent le Conseil de transition haïtien (Haut Conseil de la Transition – HCT) et l’organe de contrôle de l’action gouvernementale (OCAG).

Ce sont des engagements positifs sur lesquels il faut continuer de construire. Pour aller plus loin dans cette voie, je propose d’élargir la composition du Conseil en y incluant le Premier ministre Henry, des représentants des principaux partis politiques et du mouvement Montana Accord. Le HCT devrait sélectionner un nouveau Premier ministre et mettre en place une équipe technique d’experts, y compris des membres de la diaspora, pour traiter la crise nationale. Le HCT doit avoir l’autorité pour définir les politiques, tandis que l’OCAG fournit une surveillance et un contrôle sur les actions gouvernementales.

3. Mobilisation et nationalisation

Lorsque nous discutons d’Haïti, nous oublions souvent que ce sont les Haïtiens qui doivent agir pour résoudre les crises du pays, même si la communauté internationale a une histoire d’ingérence dans ses affaires intérieures. En tant qu’Haïtiens, nous devons reconnaître notre responsabilité de mener la charge pour trouver des solutions. Cela est particulièrement important pour ceux d’entre nous dans la diaspora, qui ont un rôle unique à jouer.

Pour aborder le problème des gangs, je propose un cadre de sécurité en trois volets. Le premier volet consiste à renforcer les forces spéciales de la police nationale haïtienne (PNH) et de l’armée pour faire face aux gangs. Les forces de sécurité haïtiennes devraient prendre la tête de cette question. Le deuxième volet implique l’utilisation d’agents réguliers de la PNH soutenus par des forces internationales. Cela sert à la fois à permettre la police communautaire avec l’aide d’un tiers et à réduire la probabilité de corruption et d’abus par les agents locaux. Le troisième volet implique la nationalisation des entreprises de sécurité privées d’Haïti. Un récent rapport d’évaluation du Bureau des Nations Unies pour les drogues et le crime a noté que « 75 000 à 90 000 personnes pourraient travailler avec environ 100 entreprises de sécurité privées à travers le pays, au moins cinq fois le nombre de policiers enregistrés« . Ces individus continueraient à fournir des services de sécurité réguliers contre le vol mineur.

Ce cadre diffère de la proposition avancée par l’Accord de Montana, qui a proposé dans un article récent de Foreign Affairs que « d’autres pays devraient cesser leur aide massive à la police haïtienne, jusqu’à ce qu’un gouvernement de transition représentatif soit en place pour prendre des décisions« .

4.  Soutien de la diaspora

La diaspora haïtienne est profondément préoccupée par la situation dans leur pays d’origine et est impatiente de contribuer à améliorer sa stabilité et sa sécurité. Ils pourraient le faire en soutenant un fonds qui fournirait des ressources financières pour armer et payer la police, ainsi que pour embaucher une entreprise reconnue internationalement pour surveiller les ports et la frontière officielle avec la République dominicaine.

Cependant, il est crucial de veiller à ce que les policiers soient bien formés et que leurs actions soient correctement surveillées pour éviter les violations des droits de l’homme et la corruption.

Bien que renforcer la sécurité soit une partie essentielle de la solution, cela ne suffit pas à lui seul. S’attaquer aux causes profondes des problèmes d’Haïti, telles que la pauvreté, la corruption et le manque d’accès à l’éducation et aux soins de santé, doit également être une priorité. Il sera essentiel de mener des efforts parallèles pour s’attaquer à ces problèmes sous-jacents afin de provoquer un changement durable.

5.  Contribution internationale et participation

Après près de deux ans de crise en Haïti, il est devenu évident que la communauté internationale n’est pas disposée à déployer des troupes pour lutter directement contre les gangs. Cependant, ils ont exprimé leur intérêt à fournir un soutien à la police nationale haïtienne (PNH). Cela s’explique en partie par le fait qu’ils reconnaissent leur obligation internationale d’aider les États à protéger leurs populations. Dans le cas d’Haïti, étant donné le rôle du gouvernement, cette obligation peut nécessiter une intervention internationale car l’État n’a pas réussi à protéger sa population.

Malgré ces normes internationales énoncées dans la Charte des Nations Unies, il incombe principalement aux Haïtiens de défendre leur pays. Néanmoins, la communauté internationale peut et doit jouer un rôle en fournissant à Haïti les ressources nécessaires pour lutter contre les gangs. De plus, pour remplir leurs obligations de leadership conformément aux normes internationales, les États-Unis et le Canada devraient fournir une formation, des armes, un soutien technique et du renseignement nécessaire aux forces spéciales de première ligne combattant contre les gangs. La République dominicaine doit renforcer sa frontière avec Haïti pour réduire l’afflux d’armes et de munitions illégales. Enfin, Haïti devrait allouer la moitié de son budget pour soutenir les efforts visant à rétablir la sécurité dans le pays.

En résumé, j’ai proposé un plan en cinq points pour remédier à l’insécurité et à la violence des gangs en Haïti. Il consiste à renforcer la solidarité et l’unité haïtiennes, assurer la participation inclusive de la société haïtienne, renforcer la force de police nationale et l’armée, tirer parti des ressources financières de la diaspora, et bénéficier du soutien international. Les objectifs principaux du plan sont (1) de restaurer la sécurité en Haïti et de protéger sa constitution, et (2) de créer un espace et un temps suffisants pour que Haïti puisse tenir des élections.

Johnny Celestin


Johnny Celestin est un analyste politique et un militant communautaire qui s’engage à impliquer la diaspora haïtienne dans diverses initiatives. Il est membre fondateur de Defend Haiti’s Democracy et président de Konbit for Haiti. Johnny travaille actuellement en tant que directeur adjoint au bureau du maire de New York pour les entreprises détenues par des minorités et des femmes (M/WBE).

© Photo de couverture : Valerie Baeriswyl/AFP via Getty Images

Johnny Celestin is a political analyst and community advocate. He is a passionate advocate for social justice and change. With over 30 years of experience, he dedicates himself to improving lives across Haiti and the United States through various Civil Society Organizations (CSOs). Currently, Johnny serves on the board of directors for several prominent organizations, including Konbit for Haiti (KfH), the Haitian Center for Leadership and Excellence (CLE), Sustainable Organic Integrated Livelihoods (SOIL), Defend Haiti's Democracy (DHD), Haiti Policy House (HPH), and the International Black Economic Forum. He is currently Deputy Director in NY City’s Mayor’s Office of Minority and Women-Owned Business Enterprises (M/WBEs). Leveraging his expertise in international development, public service, and non-profit leadership, Johnny champions human rights and equity in all his endeavors.

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