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À P-au-P, les gens s’intéressent plus au sport qu’aux infos éducatives ou sanitaires, selon une étude

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L’étude confirme la prédominance de la radio pour l’accès à l’information, mais aussi une montée fulgurante des réseaux sociaux, dont WhatsApp

Les citoyens de la capitale ne peuvent se passer des nouvelles sportives. Selon une étude menée cette année par l’organisation internationale Internews et Panos Caraïbes, le sport devance les programmes éducatifs ou de santé dans tous les types de médias.

Dénommée « analyse de l’écosystème d’information », l’étude se base sur une enquête quantitative et qualitative auprès d’environ 300 personnes dans la région métropolitaine de Port-au-Prince et à Croix-des-Bouquets.

Les participants au sondage affichent une préférence pour l’actualité et le sport dans les médias traditionnels comme la radio et la télévision. Dans l’un des groupes de discussion, ils justifient le choix des programmes sportifs en disant qu’il est impossible pour les journalistes de « mentir » sur le sujet.

L’étude met au grand jour d’autres complaintes adressées aux médias. Dans la liste, l’on retrouve le manque de professionnalisme des journalistes, un mélange constant entre les opinions et les faits, le penchant inapproprié de la corporation vers le sensationnalisme qui débouche sur des déclarations sans fondement et de la mésinformation.

« Cette enquête doit porter les médias traditionnels à faire mieux, à produire une information de qualité », déclare Jean-Claude Louis, coordonnateur de Panos Haïti. « Les gens avaient tendance à croire tout ce que disent les médias, mais ce n’est plus le cas. »

Sept participants sur dix utilisent l’internet et détiennent un compte sur les médias sociaux. Si la radio demeure le canal d’information privilégié, suivi de la télévision, 57 % des répondants disent utiliser Facebook et WhatsApp pour s’informer. Et 82 % des participants qui ont un accès à internet se servent de WhatsApp pour se tenir au courant de l’actualité.

Les médias doivent faire un effort supplémentaire pour mieux cadrer leur offre aux demandes du public, relève l’étude. La prédominance de la politique dans les émissions et éditions de nouvelles relègue au second plan d’autres sujets et thèmes susceptibles d’intéresser la population.

82 % des participants qui ont un accès à internet se servent de WhatsApp pour se tenir au courant de l’actualité.

« Les médias et les autorités doivent se mettre à l’écoute de la population pour combler leurs besoins en informations », précise Jean-Claude Louis.

Ce problème concerne les nouveaux médias, comme les plateformes traditionnelles. « Les médias sont trop éloignés de la vie réelle de la population, témoigne le rédacteur en chef du Nouvelliste, Frantz Duval. Les communautés de Port-au-Prince ont besoin d’informations qui concernent la vie quotidienne. »

Le peu de diversification dans la production des contenus fait le jeu des diffuseurs de rumeurs et des propagandistes. « La désinformation remplit le vide créé par les nombreuses lacunes, dit Jean-Claude Louis. Il y a un manque d’émissions thématiques, spécialisées, les médias ont besoin d’investir pour apporter ces informations au public », continue l’expert qui plaide pour une éducation aux médias et à l’information.

L’étude relève d’autres faits cruciaux pour mieux comprendre la relation entre le grand public et les médias. Par exemple, près de 90 % des répondants évoquent leur famille, amis et leaders religieux comme source principale d’information.

Le manque d’accès à l’électricité et une forme de désintérêt entravent l’accès à l’information dans la zone métropolitaine. 53 % des participants disent qu’ils ne lisent pas les magazines et journaux populaires du pays.

Par ailleurs, la moitié des participants se plaint de ne pas recevoir d’informations de la part des leaders établis.

Diffuser des programmes à la radio ou amplifier la présence en ligne des autorités ne résoudra pas nécessairement le problème. Une participante à l’enquête pointe du doigt la complexité de la question. « Je ne vais pas perdre mon temps à poser des questions, dit la femme qui habite à Delmas. (…) Notre communauté n’a bénéficié de rien, donc nous avons des leaders irresponsables qui ne veulent pas voir l’avancement de leurs communautés. »

Widlore Mérancourt

Widlore Mérancourt est éditeur en chef d’AyiboPost et contributeur régulier au Washington Post. Il détient une maîtrise en Management des médias de l’Université de Lille et une licence en sciences juridiques. Il a été Content Manager de LoopHaïti.

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