Venu nous visiter pour la première fois, le
C’était implicitement une critique acerbe de l’état de mon pays, de ma ville. Je vivais à Jérémie. Petite ville perdue de l’autre côté des montagnes, exotique par rapport à
Il avait raison. Qu’
Sa question était aussi une demande implicite. Il n’avait pas d’enfant. Sa femme ne pouvait pas en avoir. S’il me l’avait demandé, j’aurais réfléchi interminablement avant de ne pas accepter. Tous les pères rêvent de tout ce qui est bon, bien et beau pour leurs enfants. Je voudrais bien que mon fils ait une meilleure enfance. Je ne voudrais surtout pas qu’Y me reproche d’avoir été égoïste. Heureusement qu’il ne m’a pas fait la demande explicitement. Je réalise alors que j’aurais fait exactement comme les parents de nos provinces qui envoient leurs enfants chez un parrain ou un oncle comme restavèk,parce qu’ils ne peuvent pas s’en occuper, parce qu’ils n’ont rien à lui offrir.
Je ne dis pas que c’est le même traitement, mais c’est le même procédé. Les conséquences psychologiques et sociologiques auraient été les mêmes. Mon fils aurait manqué toute sa vie de mon affection, de mon coaching, de son héritage culturel. Il en trouverait d’autres, oui. Mais quel choc de se lever un bon matin et de se découvrir autre que ce qu’on a toujours cru être… Il s’en remettrait à coup sûr. Il pourrait même me pardonner quand il découvrirait l’état de son pays, de sa ville natale, abandonnée… Je lui aurais évité ces
Sa question était aussi une façon de me dire que nous, les haïtiens, devrions être châtrés. Que nos femmes ne devraient pas mettre la vie au monde. Puisque nous n’avons rien à offrir à nos fils et nos filles. Rien de tout ce que les autres pays se sont donné la peine de développer. Vu sur cet angle, sa question m’obsède et me révolte. Ne
À la question de mon ami, je n’ai pas encore de réponse. J’essaie d’en trouver en travaillant comme un forcené. J’aurais pu lui répondre que j’ai à lui offrir ma culture, un foyer, des gens qui l’aiment, un rêve, mon soutien, une éducation saine, des joies, la paix de ma Jérémie… mais tout cela, il pourrait bien le trouver ailleurs. À mon fils, j’offre le monde tout court.
Evains Wêche
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