Depuis plus de dix ans, les projets d’urbanisme se succèdent au Cap-Haïtien pour tenter de freiner l’urbanisation précaire. Rapports, études, dons, programmes d’aménagement… Rien n’y fait.
Malgré ces interventions, la deuxième ville du pays étouffe aujourd’hui sous le poids d’une croissance urbaine incontrôlée.
« Le problème du Cap-Haïtien n’est pas lié à l’absence de plans d’urbanisme, mais à un manque de gestion et de gouvernance », analyse pour AyiboPost Rose-May Guignard, spécialiste en urbanisation. La spécialiste redoute que la ville ne suive le même chemin que Port-au-Prince — une capitale surpeuplée et mal bâtie.
Guignard déplore que, depuis la fin des années 1990, plusieurs plans d’aménagement aient été élaborés pour la ville, sans jamais être réellement mis en œuvre.
Selon le dernier rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), publié en juin 2025, près de 140 000 déplacés internes fuyant l’insécurité de Port-au-Prince et de l’Artibonite se sont réfugiés dans le Grand Nord, regroupant les départements du Nord, du Nord-Ouest et du Nord-Est. Un chiffre en nette hausse par rapport aux quelque 85 000 personnes recensées en décembre 2024.
« Le problème du Cap-Haïtien n’est pas lié à l’absence de plans d’urbanisme, mais à un manque de gestion et de gouvernance », analyse pour AyiboPost Rose-May Guignard, spécialiste en urbanisation.
En 2012, un organisme des Nations unies estimait la population de la commune à 249 541 habitants, dont 155 505 pour la ville elle-même. Ce chiffre est aujourd’hui largement dépassé : d’après les estimations de la municipalité, environ 202 000 bâtiments seraient enregistrés en zone urbaine.
Pour les habitants du Cap-Haïtien, la ville change à vue d’œil — pour le pire. Entre immondices, poussière et embouteillages, le quotidien devient de plus en plus difficile.
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Installée depuis vingt-deux ans dans le quartier de Madeline, Florence Charles, mère de famille, raconte : « Pour emmener mes enfants à l’école, au centre-ville, je dois partir une heure et demie à l’avance [à cause des embouteillages] pour un trajet qui, autrefois, me prenait à peine quinze minutes », explique-t-elle.
En mai 2012, à l’instar de plusieurs autres villes du pays, le Cap-Haïtien faisait partie d’un projet de refondation territoriale inscrit dans le Plan stratégique de développement d’Haïti, lancé sous le gouvernement de Joseph Michel Martelly et Laurent Salvador Lamothe. Ce programme, qui devait être financé par les fonds PetroCaribe, visait à repenser l’aménagement et le développement du territoire national.
Mais les ressources prévues n’ont jamais été utilisées comme prévu. Aujourd’hui, les deux anciens dirigeants sont sanctionnés par les États-Unis, alors que le projet est resté sans suite.
Plusieurs autres projets d’urbanisme ont été mis en place par l’État ou par d’autres structures internationales.
En mars 2020, par exemple, la Banque mondiale a approuvé un don de 56 millions de dollars pour appuyer le développement urbain du Cap-Haïtien.
En mai 2012, à l’instar de plusieurs autres villes du pays, le Cap-Haïtien faisait partie d’un projet de refondation territoriale inscrit dans le Plan stratégique de développement d’Haïti, lancé sous le gouvernement de Joseph Michel Martelly et Laurent Salvador Lamothe.
Le conseil d’administration de la Banque mondiale a approuvé, en ce mois de novembre, un don de 56 millions de dollars de l’Association internationale de développement (IDA) pour le projet de développement urbain du Cap-Haïtien.
Ce projet vise à améliorer les infrastructures urbaines et les espaces publics afin de rendre la ville du Cap-Haïtien plus vivable et plus résiliente.
Encadrée par la mer et les montagnes du Morne Jean, la deuxième ville du pays ploie sous le poids d’une urbanisation rapide et souvent anarchique. L’ancienne cité coloniale – jadis bien structurée – fait désormais face à une expansion désordonnée qui menace son équilibre écologique et social.
« Le Cap ne peut plus réellement s’étendre, explique Patrick Almonor, maire de la ville. D’un côté, observe l’autorité locale, il y a la mer, et de l’autre, les montagnes du Morne Jean, qui culminent à 718 mètres. »
Selon un rapport du ministère de la Planification et de la Coopération externe, publié en avril 2013, l’urbanisation du Cap-Haïtien s’est développée de manière diffuse et non planifiée, principalement le long des routes nationales numéro un et trois.
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Cette croissance, contrainte par la topographie et la présence d’éléments naturels majeurs — le Morne Haut-du-Cap, la baie, la rivière Haut-du-Cap et le bassin Rodo —, s’est poursuivie sans qu’un véritable accompagnement en infrastructures de base ne soit mis en place.
Le document souligne que cette absence de planification a favorisé une densification rapide des zones habitées, souvent dans des conditions précaires.
Plusieurs quartiers périphériques — tels que Cité Lescot, La Fossette, Barrière Bouteille, Nan Banann, Cité du Peuple, Cité Chauvel ou encore Vertières — se sont développés à la marge du centre historique, sans respecter sa trame urbaine initiale.
Ces zones présentent un cadre bâti très dense et un accès limité à l’eau potable, à l’électricité et à d’autres services essentiels. Certaines, situées le long de la rivière Haut-du-Cap, sont régulièrement exposées aux inondations.
Sur les flancs du Morne Haut-du-Cap, des quartiers comme Petite Guinée, Manman Jumeau, En Bas Ravine, Bel-Air, Sainte-Philomène, Cambrefort et Haut-Vertières témoignent d’une précarité accrue. Ces zones, souvent difficiles d’accès, sont exposées à des risques d’éboulements et de glissements de terrain, aggravés par l’absence de réseaux d’assainissement et de systèmes d’évacuation des eaux usées.
Plusieurs quartiers périphériques — tels que Cité Lescot, La Fossette, Barrière Bouteille, Nan Banann, Cité du Peuple, Cité Chauvel ou encore Vertières — se sont développés à la marge du centre historique, sans respecter sa trame urbaine initiale.
Dans la troisième section communale de Petite-Anse — notamment à Shada, Conassa, Fougerolle et Fort Saint-Michel —, le rapport note une forte concentration d’habitations construites sur des remblais de sable et de déchets, souvent au bord du bassin Rodo et dans les mangroves.
Ces quartiers, parmi les plus vulnérables de la ville, cumulent les risques d’inondation, d’instabilité des sols et de contamination sanitaire.
Toujours selon le rapport, appuyé sur des projections de l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), la population du Cap-Haïtien était estimée à près de 250 000 habitants en 2009, représentant plus de la moitié de la population urbaine du pôle Nord.
Entre 1982 et 2003, la ville a connu un taux de croissance démographique annuel de 5,25 %, bien supérieur à la moyenne régionale.
Les projections du plan d’urbanisme de 2013 prévoyaient une population de plus de 460 000 habitants à l’horizon 2031, soit plus de 200 000 nouveaux citadins en deux décennies — ce qui impliquerait la création de 600 à 1 000 hectares de nouveaux espaces urbains, en plus de la densification du tissu existant.
Malgré ces contraintes, la commune s’est considérablement agrandie au cours des vingt dernières années, notamment dans des zones autrefois verdoyantes aujourd’hui transformées en quartiers densément peuplés : Bas Aviation, Bas Vertières, Bas Champin, Blue Hills, Bodin Ti Charité, Nan Gatap, Nan Lebon, Fort Bourgeois, Rival, Village Labadie et Violette.
Ces extensions non planifiées témoignent d’une urbanisation hors de contrôle, alimentée à la fois par la croissance démographique locale et par l’arrivée continue de nouveaux habitants.
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« Cette croissance non encadrée fait disparaître les espaces verts et accentue les risques environnementaux », alerte la mairie.
Troisième plus petite commune du département du Nord en superficie — après La Victoire et Bas-Limbé —, le Cap-Haïtien porte pourtant le poids économique, administratif et démographique de toute la région.
La multiplication des constructions non réglementées aggrave la vulnérabilité de la ville. À cela s’ajoutent les difficultés persistantes de gestion des déchets, dans un contexte où la commune est déjà saturée et sous tension.
Pour y remédier, une nouvelle décharge moderne a été inaugurée début 2025 à Mouchinette, dans la commune voisine de Limonade.
Ce projet pilote, réalisé en partenariat avec la Banque interaméricaine de développement (BID), le ministère de l’Économie et des Finances et l’Unité technique d’exécution (UTE), marque une étape importante dans la modernisation du système de collecte et de traitement des déchets dans le Nord.
Par : Lucnise Duquereste
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