L’enquête sur le meurtre de Moïse avance péniblement dans le système judiciaire haïtien, au milieu d’accusations de manipulation politique, tandis que plus de 40 suspects restent en prison. Une demi-douzaine d’autres ont plaidé coupable dans une autre affaire à Miami, où cinq complices présumés doivent être jugés en août.
Suite à près de cinq ans de procédures judiciaires interminables, l’assassinat du président Jovenel Moïse revient sur le devant, avec trois films dont la sortie est prévue cette année, chacun portant un regard différent sur les événements.
Le premier est « July 7, Who Killed the President of Haiti », une production rare, presque entièrement haïtienne, dont la première a eu lieu à Miami le 1er mars.
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Alors que le titre suggère un examen véridique de la mort de Moïse, le réalisateur Robenson Lauvince a plutôt choisi de concocter son propre scénario avec des éléments tirés des faits réels. « C’est un sujet sensible », a déclaré Lauvince à AyiboPost. « Je ne voulais pas que les gens en viennent à penser que j’essaie de m’immiscer dans l’enquête. Je voulais monter un film plus culturel où qui parle de nous en tant que nation», dit-il.

Robenson Lauvince, réalisateur du film «July 7: Who Killed the President of Haiti », entouré de son équipe.
L’enquête sur le meurtre de Moïse avance péniblement dans le système judiciaire haïtien, au milieu d’accusations de manipulation politique, tandis que plus de 40 suspects restent en prison. Une demi-douzaine d’autres ont plaidé coupable dans une autre affaire à Miami, où cinq complices présumés doivent être jugés en août.
Pour éviter toute controverse, la victime du “July 7” est nommée le président Renel Moïse. Mais l’assassinat est fidèlement reconstitué, jusqu’aux présumés tireurs colombiens et aux déclarations retentissantes en anglais rapportées à l’extérieur du Pelerin 5, proclamant : « C’est une opération de la DEA ! »
À partir de là, le film suit son propre cours, à travers les yeux d’une étudiante haïtienne, interprétée par l’ancienne Miss Haïti, Raquel Pelissier, qui rend visite à sa famille dans le nord d’Haïti pour mener des recherches universitaires autour de l’assassinat.
Pour éviter toute controverse, la victime du “July 7” est nommée le président Renel Moïse.
Par-dessus tout, Lauvince, qui est né à Port-de-Paix, l’ancienne ville natale de Moïse, tenait à ce que les Haïtiens aient la possibilité de raconter leur propre histoire à leur tour. Il a donc sauté sur l’occasion lorsqu’il a reçu un appel une semaine après la mort de Moïse.
« J’étais très fier de ce projet qui vise à ce que nous parlions d’Haïti comme il se doit, de manière authentique », dit-il. « Habituellement, lorsque de tels événements se produisent en Haïti, ce sont des étrangers qui viennent y apporter leur témoignage. Il me semble que nous devons commencer à raconter nos propres histoires. C’est la toute première fois qu’un incident réel en Haïti fait l’objet d’un témoignage de la part d’Haïtiens », ajoute le réalisateur.
Voici donc la version haïtienne, pleine d’esprits vodou, de documents qui se transforment en serpents, d’un professeur alcoolique le seul à oser de dire la vérité, de tortionnaires de la police et d’agents américains malveillants qui tirent les ficelles en coulisses. Pour apporter une touche d’humour, un groupe d’enfants innocents et omniscients reflète l’espoir d’un avenir plus positif pour le pays.
Les acteurs haïtiens, dont la plupart sont inconnus, prononcent leurs répliques presque entièrement en créole dans un scénario réalisé par le célèbre écrivain Gary Victor et l’acteur et écrivain haïtien-canadien Paul Henry. L’intrigue prometteuse peine à décoller et s’enlise dans la confusion alors qu’un fouillis de personnages apparaissent et disparaissent dans un déluge de projectiles, brouillant un message par ailleurs puissant sur la dérive d’Haïti vers le chaos après la mort de Moïse.
Tourné en République dominicaine avec un budget de 5 millions de dollars dont quelques plans maîtrisés ont été capturés en Haïti, Lauvince affirme que l’équipe a passé plusieurs mois à faire des recherches sur l’histoire avant de formuler l’intrigue.
« Quand quelqu’un regarde le film, il lui sera extrêmement difficile de ne pas savoir qu’il a été tourné en Haïti. Je voulais que ce soit authentique », a déclaré Lauvince, qui a quitté Haïti en 2004 et a étudié le cinéma en Floride.
Un thriller hollywoodien plus traditionnel, tourné en anglais au Panama avec un casting de noms familiers du cinéma et de la télévision contemporains, mené par Aml Ameen – interprète de Martin Luther King Jr aux côtés de Colman Domingo dans Rustin de Netflix, nominé aux Oscars – devrait sortir plus tard cette année.
Dans ce rôle, Ameen incarne un lobbyiste américain en Haïti qui découvre la corruption dans l’entourage de Moïse et se retrouve entraîné dans la tourmente politique qui suit l’assassinat.
Le seul point commun entre les deux films est l’acteur Jimmy Jean-Louis, né à Port-au-Prince, au rôle du président Moïse dans les deux films. Aujourd’hui âgé de 56 ans, Jimmy Jean-Louis s’est fait connaître il y a plus de dix ans aux États-Unis pour son rôle de « l’Haïtien » dans la série télévisée « Heroes » de NBC.

L’acteur Jimmy Jean-Louis dans le rôle du Président Renel Moïse sur le plateau de tournage du film «July 7: Who Killed the President of Haiti».
Ceux qui cherchent la vérité sur l’assassinat de Moïse devront attendre encore un peu pour la sortie du documentaire « The Hands That Held The Knives », réalisé par Raoul Peck, prévue pour cette année à l’issue du procès des cinq conspirateurs présumés qui se tiendra en août à Miami.

Un prêtre vaudou omniscient dans le film, «July 7: Who Killed the President of Haiti», nommé Bad, interprété par l’ancien chanteur et guitariste de Kompa de Boukman Eksperyans, Eddy François.
Si Lauvince a choisi de réaliser un film artistique inspiré des événements du 7 juillet, lui et son équipe sont parfaitement conscients de l’importance pour le pays de découvrir la vérité sur ce qui s’est véritablement passé.
« En ce moment, même les Haïtiens qui sont bien plus âgés que moi disent qu’ils n’ont jamais vu Haïti dans un tel état. Le pays continue de se détériorer », a déclaré Lauvince. « Grâce à ce projet, nous allons susciter des conversations. À travers les films, nous pouvons éduquer le monde, ou encore nous éduquer nous-mêmes. Il ne faut pas se contenter de la situation actuelle, nous devons agir. »
Athis se sert d’Eden, l’un des personages du film, pour livrer certaines des répliques les plus révélatrices sur les problèmes sociopolitiques profonds d’Haïti. « Il est temps pour nous de dire la vérité », a-t-il déclaré à AyiboPost. « À la base de la société haïtienne, il s’agit de lutte des classes, de lutte pour le pouvoir, pour les avantages. Tout ce qui se passe en Haïti, c’est une question d’accès et de privilège. Depuis la nuit des temps, il en a toujours été ainsi. Ceux qui sont les plus privilégiés veulent conserver leur avantage au détriment des masses », a-t-il ajouté.
Dans un premier temps, en tant que l’actrice principale, Pelissier était réticente à l’idée de s’impliquer. « Comme tous les Haïtiens, nous avons généralement tendance à rester en dehors de la politique. Ma première réaction a donc été de ne pas participer. »
Après avoir lu le scénario, elle a changé d’avis. « Je l’ai trouvé percutant et j’ai pensé que nous pouvions envoyer un message important à notre communauté », a-t-elle déclaré.
Pelissier est également née en Haïti et a déménagé en Espagne à l’âge de 18 ans pour étudier l’optométrie avant de revenir pour participer au concours de Miss Monde et remporter la couronne en 2016. Elle s’est facilement identifiée à son personnage dans le film, Shedline, qui est également une étudiante de retour en Haïti confrontée aux dures réalités de la violence politique et de la corruption.
« Elle représente tous les Haïtiens, tous ceux qui sont frustrés et qui se posent des questions », dit Pelissier. « Elle ne comprend pas que se lancer dans cette enquête pourrait lui causer des ennuis. Il y a par conséquent un écart par rapport à la réalité d’Haïti. Ceux qui l’entourent doivent lui rappeler de faire attention », ajoute-t-elle.
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Le public haïtien devra attendre encore un peu d’assister à la projection de « July 7 », qui fait le tour des festivals de cinéma. La société de production Clearshot Entertainment, à l’origine du film, n’a pas rendu public ses futurs accords de distribution.
Athis, qui est née à Port-au-Prince et vit maintenant au Canada, travaillait auparavant dans la distribution de films et déplore qu’il n’y ait plus de salles de cinéma en état de fonctionner en Haïti.
Par David Adams
Couverture |Photo à droite illustrant le portrait de l’ancien président Jovenel Moïse et de l’acteur Jimmy Jean-Louis interprétant Renel Moïse dans le film July 7: Who Killed the President of Haiti : Florentz Charles / AyiboPost– 11 mars 2025
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