Des milliers de déplacés de Solino et d’autres quartiers de Port-au-Prince, attaqués par les gangsters de la coalition de gangs dénommée Viv Ansanm, trouvent refuge dans des bureaux de l’État, des écoles ou même les locaux de partis politiques
Quand les gangs ont attaqué Solino, Daniella Occeus s’est réfugiée dans une église.
Cette église a été elle-même attaquée, ce qui a contraint la mère de trois enfants à élire domicile dans les locaux de l’Office de Protection du Citoyen (OPC) à Bourdon depuis le 14 novembre.
La dame ne peut plus travailler à cause d’une condition utérine.
« Ce que je vis aujourd’hui est bien pire que mon expérience du tremblement de terre du 12 janvier 2010 », raconte-t-elle à AyiboPost.
Des milliers de déplacés de Solino et d’autres quartiers de Port-au-Prince, attaqués par les gangsters de la coalition de gangs dénommée Viv Ansanm, trouvent refuge dans des bureaux de l’État, des écoles ou même les locaux de partis politiques.
Les assauts de ce regroupement de criminels, le plus important du pays, sur les quartiers pauvres demeurent constants, mais se sont intensifiés depuis la révocation de l’ancien Premier ministre Garry Conille par le Conseil présidentiel de transition, un conseil dont trois des sept membres ayant droit de vote sont embourbés dans un scandale de corruption.
Ce que je vis aujourd’hui est bien pire que mon expérience du tremblement de terre du 12 janvier 2010
Au local de l’OPC, les déplacés de Solino ou de Nazon se partagent la cour, plantent des tentes pour s’abriter ou dorment simplement à la belle étoile.
La seule institution d’État de défense des droits humains manque d’eau potable, la nourriture reste insuffisante, et les conditions sanitaires sont difficiles.
« Les criminels de Viv Ansanm ont brûlé notre maison à Solino », témoigne à AyiboPost Chela Jules, une trentenaire, mère de deux enfants de deux et onze ans.
« Nous avons réussi à nous échapper de justesse sans rien pouvoir emporter avec nous », déplore Jules.
Au local de l’OPC, les déplacés de Solino ou de Nazon se partagent la cour, plantent des tentes pour s’abriter ou dorment simplement à la belle étoile.
Les humanitaires préconisent le pire. Dans un contexte de fermeture de la grande majorité des hôpitaux de la capitale, Médecins Sans Frontières (MSF) vient de suspendre ses activités après des menaces faites par la police contre son personnel.
« Nous savons que le prix de la décision sera payé par la population qui n’a déjà que si peu de possibilités de recevoir des soins en cas de besoin », déclare à AyiboPost Jean-Marc Biquet, chef de mission de MSF Belgique. Mais, poursuit le responsable, « nous ne pouvons exposer la vie de nos staffs ».
À l’hôpital La Paix, le seul hôpital public important encore en activité, les admissions de blessés par balles explosent.
En une semaine de ce mois de novembre, l’hôpital a enregistré 49 blessés par balles, dont un décès. « La situation devient de plus en plus ingérable », confie à AyiboPost Dr Paul Junior Fontilus, directeur exécutif de l’institution.
En marge des violences des gangs, une pénurie de carburant paralyse Port-au-Prince. L’eau commence à manquer et les denrées de base se raréfient.
À l’hôpital La Paix, le seul hôpital public important encore en activité, les admissions de blessés par balles explosent
Selon un cadre du terminal pétrolier de Varreux, les stocks de carburant déjà présents dans le pays demeurent suffisants, mais les routes sont trop dangereuses pour les camionneurs.
Au moins deux véhicules transportant des bandits et des munitions ont été interceptés dans la capitale le 19 novembre. Selon la police, près d’une trentaine de membres de gangs ont été tués par des citoyens en colère.
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Les camps pour déplacés restent précaires.
C’est dans les locaux du ministère de la Communication à Bois Verna que Martha Théus, 43 ans et mère de quatre enfants, a reçu une balle perdue dans le dos dans la soirée du vendredi 15 novembre 2024.
Théus avait quitté son domicile à Fort National deux jours avant l’incident pour échapper aux gangs de Viv Ansanm.
La commerçante a rejoint au ministère sa cousine, ancienne résidente de la rue de la Réunion, réfugiée dans le centre depuis début mars.
Incapable de placer des points fixes à côté de chaque centre de réfugiés, la police patrouille régulièrement ces zones, déclare à AyiboPost le porte-parole adjoint de l’institution, Lionel Lazarre.
Plus d’une dizaine de véhicules ont été distribués à des commissariats de Port-au-Prince le dimanche 17 octobre pour renforcer les patrouilles de la police dans les rues, poursuit Lazarre.
Au moins 700 000 Haïtiens sont déplacés par les violences. Environ 20 000 viennent récemment grossir ce décompte, selon un rapport du 15 novembre de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM).
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Alors que les gangs prennent de plus en plus de territoires, plus de la moitié du pays se retrouve en insécurité alimentaire.
Les bandits isolent la capitale du reste du pays en contrôlant les routes principales.
Les nouvelles victimes courent s’abriter où elles trouvent.
À la Faculté des sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti, environ 300 déplacés cohabitent avec des étudiants dans des conditions précaires, selon Josué Vaval, un membre du Conseil de coordination de la Faculté des sciences humaines.
Même des quartiers connus pour leur calme ne sont pas épargnés.
Un comptable résident de Vivy Mitchel informe AyiboPost que sa maison a été attaquée dans la matinée du lundi 11 novembre.
Le professionnel s’est enfui avec sa femme et ses deux enfants à peine quelques minutes avant que les malfrats viennent piller sa maison et fusiller ses deux chiens.
Même des quartiers connus pour leur calme ne sont pas épargnés.
La police a pu rétablir le calme dans le quartier résidentiel. Mais le professionnel craint une nouvelle attaque et refuse de revenir chez lui.
Par Fenel Pélissier & Rolph Louis-Jeune
Image de couverture | Abris provisoire à L’OPC.©Fenel Pélissier
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