«Ce livre, ce n’est pas un roman; mais un discours sur les livres et sur la lecture», a déclaré Exavier, lors d’une entrevue avec AyiboPost
Si depuis l’aube de sa carrière Marc Exavier publie des recueils de poèmes, des récits, des histoires pour enfants… des textes purement littéraires, cette fois-ci, le natif de Saint-Louis du Nord annonce un livre sur les livres et leur importance pour les Haïtiens, notamment pour les enseignants, les étudiants en éducation, les élèves et aussi les parents.
«Ce livre, dit-il dans une interview avec AyiboPost, ce n’est pas un roman; mais un discours sur les livres et sur la lecture. Il s’intitule « La lecture comme l’amour »», précise le poète de «Chansons pour amadouer la mort».
Supporté par C3 Éditions qui comprend et apprécie le projet, relate-t-il, ce livre est actuellement en édition avec l’idée de le rendre disponible en juin 2023. L’auteur espère le signer à la 29e édition de Livres en folie dont l’écrivain James Noël et l’ancien membre de confiance de la Garde Présidentielle de François Duvalier et conseiller de Jean-Claude Duvalier, Prosper Avril, sont les invités d’honneur cette année.
Ce livre est actuellement en édition avec l’idée de le rendre disponible en juin 2023.
Marc Exavier a fait l’annonce, le samedi 25 mars 2023, lors de sa dernière conférence sur le thème «La lecture, un savoir essentiel», dans la salle Michel Soukar à C3 Éditions de Delmas 31. Dans son intervention, l’auteur de «Pays de paille» qui prône souvent «mete liv nan lekòl yo», dit qu’il n’est pas un intégriste, dans le sens qu’il ne prône pas la lecture comme unique moyen pour une personne de se cultiver. Mais il dit croire, comme beaucoup d’experts et chercheurs sur la lecture, qu’en dépit de la place qu’occupe aujourd’hui l’audiovisuel dans notre quotidien à travers l’internet, la lecture reste et demeure un chemin ultime vers la connaissance, le savoir essentiel.
S’il est vrai que Marc Exavier n’a encore publié formellement de livre sur la lecture, l’auteur de «Chanson de l’homme qui brûla son âme» a toujours porté un discours révolutionnaire sur la nécessité de développer la pratique du livre dans le pays en général, et dans les écoles en particulier.
Dans plusieurs régions du pays, des bibliothèques ou autres initiatives portent à juste titre son nom. Aux Gonaïves par exemple se trouve la salle Marc Exavier au Centre Culturel l’Amaranthe. «Le grand passeur du livre» a reçu le trophée «Gardien du livre» décerné par les organisateurs de la 22e édition de Livres en folie en 2016, pour être un grand activiste dans la promotion du livre et surtout de la lecture dans le pays.
En dépit de la place qu’occupe aujourd’hui l’audiovisuel dans notre quotidien à travers l’internet, la lecture reste et demeure un chemin ultime vers la connaissance, le savoir essentiel.
Ce goût pour la littérature et la lecture, Marc Exavier l’a toujours partagé avec plaisir. Quand il ne le fait pas en tant que professeur, pendant plus de trente ans, de la primaire à l’université, il anime des émissions de radio. Et c’est justement de sa dernière émission, «Lecture et compagnie», sur les ondes de la radio Espace FM, 94.1, que lui viennent l’idée et l’essence de «La lecture comme l’amour».
«Dans ce livre, j’ai inclus une vingtaine de textes choisis parmi une série de plus de cent que j’ai écrits et lus pour présenter l’émission. Dans le spot du programme, il y avait cette phrase : « La lecture, comme l’amour, est un plaisir que le partage augmente »», explique l’initiateur et responsable de la collection «Livres pour les enfants», la Collection Pipirit, de C3 Éditions.
Exavier annonce que le livre comportera deux parties. La première regroupe les textes choisis, qu’il a écrits pour son émission, et la seconde, une liste de citations que «j’ai tirées dans des livres très importants sur la lecture, écrits par des professeurs, chercheurs et experts en lecture», explique-t-il. «Je pense que les professeurs, directeurs d’écoles, et les décideurs dans le secteur éducatif doivent les entendre pour essayer de les appliquer », ajoute-t-il.
La lecture, comme l’amour, est un plaisir que le partage augmente.
– Marc Exavier
Ancien professeur de littérature à l’École normale supérieure, Marc Exavier ne cesse d’alerter que la lecture est un problème crucial dans les écoles et que l’État doit prendre en considération. L’activiste de la lecture pense qu’il y a nécessité pour une réflexion sur la place de la lecture dans les écoles en Haïti. L’auteur trouve «aberrant, voire un crime, que des professeurs passent leur vie à enseigner sans jamais avoir été des lecteurs.»
L’école ne peut plus continuer ainsi, lâche-t-il, en dénonçant la passivité de l’État.
Durant ses expériences en tant que professeur, l’auteur confie à AyiboPost qu’il rencontre souvent des élèves en terminal qui n’arrivent même pas à énumérer cinq titres de livres qu’ils ont lus. Alors que, dit-il, depuis la maternelle, l’enfant doit être familiarisé avec les livres. Sans vouloir généraliser cette situation alarmante, Marc Exavier croit que le cas de ces élèves indique quand même qu’il y a une panne grave dans le système éducatif et dans la société haïtienne en général quant à la lecture.
C’est à ce problème grave, entre autres, que «La lecture comme l’amour» tente d’apporter une réponse. Il s’adresse aux enseignants, aux étudiants en éducation, aux élèves et aussi aux parents. «Donc, c’est un livre qui concerne tout le monde», déclare le dirigeant de l’association Action pour la Lecture (APOLECT), se donnant pour objectif de sensibiliser et intéresser les jeunes haïtiens à la lecture.
Il y a nécessité pour une réflexion sur la place de la lecture dans les écoles en Haïti.
L’instabilité en Haïti, sur fond d’une insécurité sans nom, a un impact important sur le secteur du livre dans le pays. Depuis plusieurs mois, la Bibliothèque Nationale d’Haïti (BNH) perd son rythme de fonctionnement habituel en raison des actes d’insécurité qui sévissent au centre-ville de Port-au-Prince.
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«L’ambiance est délétère, l’environnement est anxiogène, mais la bibliothèque n’est pas fermée», informe le directeur de la BNH, Dangelo Néard, lors d’une interview accordée à AyiboPost.
Conscient de la réalité difficile de la zone et «pour faciliter les lecteurs ne voulant pas fréquenter l’endroit, nous recevons les gens pour dépôt légal et ISBN dans les locaux du Bureau haïtien du Droit d’Auteur», explique le directeur de la BNH. Il en profite pour signaler que l’institution vient de célébrer en grande pompe son 83e anniversaire le 26 mars 2023 à Petit-Goâve.
Concernant la Bibliothèque Monique Calixte (BMC) de la FOKAL, une source informe AyiboPost que l’entité avait fermé ses portes depuis l’annonce des premiers cas de Covid-19 en Haïti en 2020. En réponse à nos sollicitations, la coordinatrice du Programme Bibliothèque à FOKAL, Elizabeth Pierre-Louis, confirme que la BMC est fermée «temporairement».
En province, les activités de lecture continuent de fonctionner dans des villes comme Saint-Marc et Gonaïves, qui sont moins affectées par l’insécurité, mais pas à leur rythme habituel, selon Marc Exavier. Cependant, dans des villes comme Verrettes, Cabaret et Plaisance, des bibliothèques ont fermé leurs portes.
L’instabilité en Haïti, sur fond d’une insécurité sans nom, a un impact important sur le secteur du livre dans le pays.
Passionné de «lire et faire lire», Marc Exavier admet que la conjoncture actuelle du pays entrave grandement son plan en la matière.
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«Je ressens la situation du pays dans ma chair, car je ne peux pas me déplacer. Les conférences et les ateliers de lecture sont des occasions où je me sens pleinement dans mon élément et où je peux vraiment vivre», explique-t-il.
Malgré tout, Marc Exavier affirme faire face à la situation en restant parfois enfermé chez lui, plongé dans ses livres : « Lorsque je me retrouve coincé chez moi, je me consacre à mes lectures, ce qui me permet de travailler plus efficacement, étant plus disponible pour la lecture. C’est grâce à ma pratique et mon amour pour la lecture que j’ai acquis le réflexe de la considérer comme un refuge. Parfois, c’est même grâce à la lecture que je peux éviter la dépression et le stress. »
En ce qui concerne les écoles, Marc Exavier reconnaît que le contexte actuel rend difficile la promotion de la lecture auprès des élèves. La concentration, tant pour les professeurs que pour les élèves, n’est pas toujours au rendez-vous. Toutefois, il suggère que les écoles mettent l’accent sur des lectures guidées pour les élèves afin de les encourager à lire davantage.
Marc Exavier plaint son pays : «Bien avant la crise actuelle, nous ne vivions pas dans de bonnes conditions et l’État ne remplissait pas ses fonctions. Maintenant, la crise s’aggrave encore davantage. C’est vraiment dommage !»
Tout comme Elzéard Bouffier, son personnage préféré dans «L’Homme qui plantait des arbres» de Jean Giono, l’aventurier garde espoir en un lendemain meilleur pour son pays. «Nous ne pouvons pas continuer ainsi indéfiniment. Nous attendons le jour où nous sortirons de cette situation difficile, et j’espère qu’il arrivera bientôt !», conclut l’auteur de «L’ombre si douce de l’Amandier».
Chérubin Jérôme
Photo de couverture : le professeur et écrivain Marc Exavier prononce une conférence sur le thème «La lecture, un savoir essentiel», à la salle Michel Soukar de C3 Éditions à Delmas 31, le samedi 25 mars 2023. | © David Lorens Mentor/AyiboPost
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