SOCIÉTÉTremblement de terre

A Corail, 450 personnes handicapées victimes du séisme réclament de l’aide

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« Si les convois ne nous sont pas destinés directement, nous autres handicapés, nous n’aurons rien. »

Dans la commune de Corail, 450 personnes en situation de handicap, victimes du séisme, n’ont encore reçu aucune aide. Parmi eux se trouve Sanon Maria, vice-coordonnatrice de l’Association des personnes handicapées de Corail. Elle a un pied plus gros que l’autre depuis qu’elle a eu une fièvre typhoïde dans son enfance. Elle boite.

Sanon Maria n’était pas chez elle lors du séisme, mais elle a vu une foule de personnes qui couraient au loin. Elle a été projetée au sol par la secousse. Prise de panique, elle a tenté de se relever, mais son handicap l’empêchait de rester longtemps debout. « J’aurais pu rester au sol, mais j’avais tellement peur que je ne le voulais. J’ai tenté de courir comme tout le monde, sauf que mes pieds refusaient de suivre », raconte Sanon.

Également boiteux, Germain Genevois, qui en plus de cela est hypertendu, a aussi été pris au dépourvu. Lors du séisme, il était chez lui, assis dans sa galerie. « J’ai été frappé au sol trois fois de suite » se souvient-il. La terre s’est ouverte sous ses pieds; sa maison a été gravement endommagée. Genevois réussit à ramper et à sortir.

Le mercredi 18 août, soit 4 jours après le séisme,  un camion du Fonds d’assistance économique et sociale est arrivé à Corail, rempli de sacs de riz à distribuer, selon Merlette Deslore. Il est le leader de l’Association des personnes handicapées de Corail. C’était la toute première aide dont ont bénéficié les victimes de la commune. Mais la distribution a été tellement violente qu’aucune personne ayant un handicap n’a pu avoir quoi que ce soit.

Aucun accompagnement

« Depuis samedi 14 août, j’ai reçu 2 500 gourdes de la Secrétaire d’État à l’Intégration des personnes handicapées, Soinette Désir », affirme Génald Modeste, coordonnateur du Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des personnes handicapées (BSEIPH) dans le département de la Grand’Anse. 

À côté du manque d’argent, Modeste dit manquer également de bras pour faire bouger les choses. Au bureau départemental de la Grand’Anse, ses deux collègues sont « deux handicapés qui ne peuvent pratiquement rien faire dans la situation actuelle, parce qu’ils ne sont pas libres de leurs mouvements ». 

Pour recueillir des informations sur le terrain, le communicateur social a recours aux associations de personnes handicapées. On n’enregistre aucun mort parmi les handicapés, mais le bilan reste lourd: 70 maisons détruites et 380 endommagées. Parmi les 450 handicapés sinistrés, 50 sont blessés. Les aveugles sont les plus touchés. Et puisque tous les recoins de la région ne sont pas encore inspectés, les chiffres peuvent augmenter à tout moment. 

Modeste réclame des moyens pour se déplacer dans les zones reculées. « J’ai une moto, mais elle n’est pas en bon état. Je ne demande pas de voiture parce que je sais que l’on pourrait se plaindre du prix, mais une moto. Avec elle, je pourrais visiter plusieurs régions et faire leur évaluation », dit le coordonnateur qui espère que sa requête sera bientôt agréée.

Une situation critique

Les personnes en situation de handicap s’abritent un peu partout. « Lors du passage de Grace, plusieurs n’ont pas pu éviter la pluie, regrette Deslore. Ce ne sont pas des gens qui peuvent bouger comme elles le voudraient. Certains sont encore blessés, mais ils n’ont pas le choix ».

En plus du soleil et de la pluie, les répliques imprévisibles sont dures à supporter. « J’ai peur, avoue Maria Sanon. J’ai le cœur qui palpite sans arrêt. Sans compter qu’il m’arrive d’avoir la vision trouble après les répliques ». 

La vice-coordonnatrice de l’Association des personnes handicapées de Corail confie avoir mal aux yeux depuis samedi. Pourtant, elle ne se souvient pas s’être frappée à la tête.

Lorsqu’elle n’a pas mal, Sanon Maria fait comme les autres handicapés capables de bouger: « Le matin, chacun va voir ce qu’il peut trouver et le soir, tous regagnent les cours d’écoles, de la mairie et d’autres établissements pour y passer la nuit ».

Des aides spéciales

De l’eau potable, de la nourriture, des bâches et des médicaments. Tels sont les besoins les plus urgents identifiés par Merlette Deslore. À cela, Génald Modeste ajoute les cache-nez pour que les victimes puissent se protéger du coronavirus, les lampes torches pour qu’elles puissent se protéger des bêtes le soir et autres accessoires. 

Et puisque l’État peine à réagir à leur demande, Modeste et Deslore affirment être ouverts aux aides des particuliers. « Si quelqu’un veut nous aider, il peut entrer en contact avec moi personnellement, dit Modeste. Je lui dirai comment nous pouvons recevoir les dons. Je suis en contact avec les responsables de l’association des personnes handicapées et nous planifierons comment effectuer les distributions. Nous dresserons ensuite un rapport que nous pourrons soumettre aux institutions qui nous ont aidés ».

La situation est difficile pour tout le monde, mais elle l’est encore plus pour les handicapés, selon ces responsables. « Si les convois ne nous sont pas destinés directement, nous autres handicapés, nous n’aurons rien », affirment-ils.

Rebecca Bruny est journaliste à AyiboPost. Passionnée d’écriture, elle a été première lauréate du concours littéraire national organisé par la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA) en 2017. Diplômée en journalisme en 2020, Bruny a été première lauréate de sa promotion. Elle est étudiante en philosophie à l'Ecole normale supérieure de l’Université d’État d’Haïti

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