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Des centaines de citoyens attroupés dans un bureau de l’État au Champ-de-Mars ce lundi

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Quand l’administration en place peine à respecter les mesures de distance sociale qu’elle préconise

Comme dans un carnaval, des centaines des gens se pressent, s’embrassent et s’invectivent.

Les uns littéralement collés aux autres, ils sont plusieurs centaines ce lundi 23 mars 2020, dans un bureau improvisé de l’Office National d’Identification (ONI) au kiosque Oxyde Jeanty au Champ-de-Mars.

À midi, la foule en quête de la nouvelle carte d’identification nationale grossissait encore.

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Cette situation se comprendrait en temps normal. Sauf qu’on ne vit plus en temps normal. Ce brouhaha se réalise dans un bureau de l’État à un moment où les autorités en place préconisent la distance sociale pour prévenir la transmission du Coronavirus.

Il s’agit d’une illustration de la précipitation et du manque de coordination des décideurs au plus haut niveau dans la gestion de la pandémie.

Des mesures de protection à l’intérieur

Des mesures sanitaires et de distanciation sociale sont prises pour protéger les citoyens « à l’intérieur de l’institution », se dédouane le directeur de communication de l’ONI, Wandy Charles.

« Outre des produits de nettoyage, nous ne recevons que cinq personnes dans un bureau en même temps », lance Charles qui admet toutefois l’incapacité de l’ONI à gérer la foule.

Cependant, un autre cadre de l’institution requérant l’anonymat parle « d’incohérence » de la part des plus hautes instances de l’État.

« Comment voulez-vous que les autorités ordonnent la fermeture des écoles, des églises, des night-clubs et des industries du textile sans rien dire sur le fonctionnement de l’ONI ou de la Direction générale des Impôts qui, habituellement, reçoivent une multitude de citoyens dans des espaces vraiment exiguës ? », se demande l’employé.

Un désordre organisé par l’État

Dans la foule, les gens sont bien conscients des risques. « On a dit de rester à une distance d’un mètre 50. Or, dans cette ligne on se serre l’un contre l’autre » se plaint, Osius Marcel, un citoyen à l’écart qui dénonce un désordre organisé par des autorités de l’État. « On vous dit d’éviter de vous faire imbiber des postillons des autres. Or ces gens parlent sans arrêt alors que le Coronavirus est bel et bien dans nos murs ».

Après 6 heures passées dans la foule, vers 1 h de l’après-midi, Edysson Bredvil parvient à se faire enregistrer. Ce jeune du quartier de Bélair pousse un ouf de soulagement. Il va pouvoir s’identifier « pour ne pas se faire bastonner par la police ».

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Selon l’homme qui dit être en classe de seconde, les autorités haïtiennes, en acceptant pareils attroupements, malgré la menace de la pandémie, prouvent qu’elles ne se soucient guère de la santé de la population.

Même constat pour Merisson Martine qui, malgré les risques, n’aspire à autre chose que de « pouvoir récupérer la carte d’identification nationale ». Pour le reste, la dame s’en remet à Dieu qui, selon elle, « ne va pas laisser ce malheur tomber sur le pays ».

Des petites voix qu’on n’entend pas

Alors que la majeure partie des citoyens présents se mettaient en en danger, d’autres essayaient sans succès de disperser la foule.

À l’entrée du kiosque, Jean Hubert, en compagnie d’une dizaine d’autres citoyens, confrontait les agents de sécurité. Son objectif est de convaincre les responsables à fermer le bureau pour diminuer les risques de propagation de la maladie. Pour lui, « le président n’est pas lucide dans sa décision de fermer les écoles et les églises alors qu’il tolère cette dérive à l’ONI ».

Même frustration de la part de Richard, un autre citoyen, qui demande aux responsables de suspendre temporairement les enregistrements et la livraison des cartes d’identification nationale afin d’éviter de tels rassemblements.

Il convient de souligner que des églises qui encourageaient les attroupements de fidèles ont été fermées de force par la police et au moins cinq pasteurs sont arrêtés pour violation de l’interdiction de rassemblement.

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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