Au lieu de pratiquer la concurrence, de grandes entreprises haïtiennes gardent des positions dominantes collectives. L’économiste Thomas Lalime les qualifie d’oligopole
La concurrence est un concept phare en économie. Selon l’économiste Thomas Lalime, elle se pratique dans un marché où l’offre et la demande d’un service ou produit s’amplifient. La concurrence se définit par l’existence d’une rivalité entre des entreprises en compétition sur un même marché.
En Haïti, il existe peu de marchés où la concurrence fait rage. À part le secteur de la radiodiffusion où la lutte pour obtenir de la publicité est plus ou moins visible, rares sont les autres secteurs d’activités où la concurrence se présente comme essentielle pour gagner la confiance du client.
Or, la compétition joue un rôle prépondérant dans la stratégie de l’entreprise. Elle constitue aussi un avantage pour le client. « Elle fait baisser le prix et favorise l’innovation. En ce sens, la concurrence peut avoir des conséquences graves pour l’entrepreneur qui n’arrive pas à innover », dit l’économiste Thomas Lalime.
L’oligopole dans le marché haïtien
En Haïti, « Il existe de la concurrence sur des portions de marché restreint (marché en fer, marché Salomon) mais, entre les grands importateurs du pays, ce terme n’existe pas », observe Thomas Lalime.
La quasi-totalité des produits consommés dans le pays est importée. Et, la plupart des denrées stratégiques sont contrôlées par quelques familles. La culture de la concurrence ne constitue pas une priorité pour la plupart des entrepreneurs. Ceci constitue une menace pour la garantie des emplois. Pour Thomas Lalime, cet état de fait promeut l’oligopole.
Selon l’économiste, l’oligopole se manifeste dans un marché où un nombre restreint d’entreprises produit un service pour lequel il existe une forte demande. Ces entreprises peuvent s’entendre entre eux soit pour augmenter ou baisser le prix du produit ou du service. « Cette entente tacite entre les entreprises s’appelle une collusion sur le marché. Elle est punie par la loi dans certains pays », explique Thomas Lalime.
Oligopole : un marché où un nombre restreint d’entreprises produit un service pour lequel il existe une forte demande.
Par exemple, quand il y avait seulement Haitel et Comcel/Voilà comme opérateurs de téléphonie mobile en Haïti, les deux compagnies s’entendaient pour pratiquer des prix très élevés sur le marché. Avec l’arrivée de la Digicel, la concurrence a changé la donne et était très bénéfique pour le client. Haitel a fait faillite et Comcel/Voilà qui n’arrivait pas à innover perdait du marché.
L’opposé de la concurrence : le monopole
Il y a une vingtaine d’années, la Télécommunication S.A (TELECO) et l’Électricité d’Haïti (EDH) constituaient des monopoles dans les secteurs de la communication et de l’électricité. Ces monopoles étaient pratiqués par l’État pour des produits stratégiques. « [On parle de] monopole d’État dans un secteur d’activité quand l’État seul propose un service (payant ou gratuit) en fonction d’un choix stratégique », renchérit l’économiste.
Beaucoup de pays, comme le Canada et la France, possèdent un bureau de la concurrence. Ce bureau s’assure que règles du jeu sont les mêmes pour tous. Par ailleurs, l’invention d’un produit peut légalement engendrer un monopole. En ce sens, le bureau de la concurrence peut accorder à l’entreprise le monopole pendant un certain temps pour l’exploitation du produit ou du service inventé.
Absence d’un bureau régulateur en Haïti
À cause de la faiblesse de l’État, des entrepreneurs s’autorisent à avoir le monopole du marché en Haïti. Ils bloquent toute tentative de concurrence. « Un marché en concurrence est un marché où les conditions doivent être les mêmes pour tous », croit l’économiste qui pense que ce rôle devrait être confié à un régulateur.
Il propose la mise en place d’un bureau de la concurrence en Haïti pour encourager et faciliter tout nouvel investissement sur le marché. Ce bureau doit mettre des balises pour éviter tout regroupement des offreurs voulant garder l’augmentation du prix.
Par ailleurs, le traité de Chaguaramas signé par Haïti et qui instaure le marché commun de la Caraïbe (CARICOM) veut, dans son article 169, « l’interdiction du comportement commercial anticoncurrentiel, qui empêche, restreint ou fausse la concurrence ou encore qui constitue l’abus d’une situation dominante sur le marché. »
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