Le 19 Septembre 2014, deux événements marquants ont fait couler beaucoup d’encre et de salive: le lancement de l’iPhone 6 par Apple aux quatre coins du monde et l’entrée en bourse de Alibaba à New York.
Comme chaque année, rien n’a pu faire baisser l’euphorie qui accompagne généralement la sortie officielle du smartphone de la pomme : elle a créé la ruée chez les fans impatients qui se sont bousculés devant les boutiques de la marque aux quatre coins du monde pour se le procurer. Cette fois ci, c’est pour le Iphone 6 et le Iphone 6 Plus qu’ils ont patienté des heures dans des files longues de plusieurs mètres, ces deux nouveaux modèles ayant la particularité d’être les plus gros jamais produits par Apple.
L’histoire du géant chinois de la distribution en ligne n’est pas moins fascinante. En 1999, alors que l’accès à l’internet était encore un luxe en Chine, Jack Ma, un ancien professeur d’anglais chinois, convaincu de l’énorme potentiel de développement et des opportunités qui se cachent derrière de ce modèle d’affaire, s’associe avec 18 investisseurs pour fonder l’entreprise qui fera de lui un milliardaire. De start-up logée dans l’appartement de son fondateur, Alibaba est devenue, 15 ans plus tard, un acteur de premier plan du commerce en ligne, loin devant eBay et Amazon et, il y’a tout juste 72 heures, la compagnie a fait une entrée fracassante à Wall Street, signant la plus grosse entrée en bourse de l’histoire du marché de New York.
Si le poids économique de ces deux évènements est indéniable, on ne peut sous-estimer le rôle de la révolution numérique dans leur concrétisation. Il est évident que rien de tout cela n’aurait été possible sans les avancées réalisées en matière de technologie. Alibaba qui vaut maintenant 168 milliards de dollars ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui si la Chine avait sous-estimé l’importance des nouvelles technologies, en particulier de l’Internet, dans le développement économique du pays.
La technologie est plus qu’un terme tendance utilisé par les barons de Silicon Valley pour vendre des gadgets sophistiqués. C’est le plus grand moteur de changement aujourd’hui. Tout comme la machine à vapeur a été un catalyseur dans le développement des pays aujourd’hui dits industrialisés, le savoir technologique est aujourd’hui un incontournable du développement social et économique. Au cœur de la révolution numérique qui caractérise notre époque, il a profondément chamboulé nos vies, altérant des comportements et des habitudes que l’on a longtemps crus immuables. Il suffit de considérer comment nous utilisons aujourd’hui les médias sociaux pour s’en convaincre. Et, aujourd’hui, il n’y a pas de doute, développement économique et développement technologique vont de pair, le premier passant par le second qui offre à tous ceux qui sont éduqués pour l’utiliser à bon escient un nombre infini d’opportunités.
Pour revenir sur ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, alors que les médias du monde entier ont parlé, en boucle, toute la journée de vendredi, du iPhone 6 et de Alibaba, il n’y a pas eu une seule mention d’un des deux dans les médias haïtiens. Ce constat est très révélateur de notre retard technologique, si on considère l’importance de ces deux évènements sur la scène mondiale, tant par leur portée économique que par leur portée technologique. Autre constat hautement caractéristique, sur les nombreuses stations de radio et de télévisions opérant en Haïti, très peu ont une émission ou une rubrique consacrée aux nouvelles technologies. Même le plus grand quotidien du pays n’a pas de section dédiée au sujet (vous pouvez consulter leur site Internet!).
L’écart technologique entre Haïti et le reste du monde se creuse à une vitesse vertigineuse. À la genèse du problème, notre système éducatif qui tarde encore à se moderniser, et ce malgré les initiatives de monsieur Nesmy Manigat, l’actuel ministre de l’éducation. Ce constat devrait alarmer toute la société, en particulier les décideurs politiques et le secteur des affaires. En dépit des efforts du gouvernement pour promouvoir la technologie, en particulier avec leur programme d’e-gouvernement, les résultats se font encore attendre. Pour un pays qui aspire à devenir une économie émergente d’ici 2030, ce n’est pas bon signe.
Selon les dernières données disponibles, le taux de pénétration de l’internet dans les ménages haïtiens n’est que de 12 %, le taux le plus bas de la Caraïbe ! Bien qu’une bonne partie de la population ait accès à un téléphone portable, seule un mince partie de ce marché peu s’offrir le « luxe » de posséder un Smartphone et de se payer un plan internet. En plus du prix exorbitant , la mauvaise qualité du service offert par les fournisseurs internet en Haïti constitue encore un obstacle de taille dans le developement de la technologie.
Digicel Haïti, le plus grand fournisseur de service internet et de téléphonie mobile du pays ne semble pas se soucier du problème. En dehors de l’accès internet gratuit qu’elle donne à certaines institutions haïtiennes, des quelques écoles qu’elle fait construire ici et là et des quelques initiatives de reboisement qu’elle pilote sur le territoire au nom d’une soi-disant responsabilité sociale conçue dans le seul but de rehausser son image corporative, la compagnie n’apporte aucune contribution substantielle au développement de la technologie en Haïti. À titre d’illustration, Digicel dépense beaucoup d’argent pour produire l’émission télévisée Digicel stars qui vise à identifier les jeunes talents à travers le pays. La démarche en soi est une bonne chose : le peuple s’amuse, les participants obtiennent de la visibilité, les gagnants sont propulsés de l’avant… tout le monde y gagne. Mais en tant qu’entreprise qui opère dans le domaine des technologies de l’information, il serait tout aussi important de créer des compétitions favorisant la création de start-up dans le domaine informatique pour produir des développeurs d’applications ou d’organiser d’autres activités telles des conferences annuelles sur le progrès de la technologie en Haïti. Encore mieux, pourquoi ne pas parrainer des programmes de formation d’ingénieur-informatiques de standard international à travers les universités haïtiennes comme l’ont fait Sprint et Google avec les partenariats qu’ils ont établis avec des universités et les plateformes de formation en ligne telles Udacity, Coursera, Edx qu’ils ont mis sur pied afin de former les informaticiens qu’ils embaucheront une fois leur programme complété.
Haïti a encore un long chemin à parcourir afin de rattraper le retard accumulé dans le domaine de la technologie, mais nous pouvons combler ce déficit. L’histoire d’Alibaba aujourd’hui est la preuve que si le gouvernement et le secteur privé haïtien parviennent à comprendre et à créer un environnement propice au développement de la technologie, beaucoup de choses peuvent être faites et de nombreuses vies peuvent être changées. Beaucoup de gens à travers le monde, de la plus petite ville de la Chine à la plus petite en Afrique, utilisent Alibaba et d’autres plateformes du même genre pour gagner leur vie. Les Haïtiens peuvent accomplir la même chose. Nous avons juste besoin de la vision et les actions suivront.
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