Comme produit stratégique, le pétrole intervient dans plusieurs secteurs de la vie nationale. C’est pourquoi la population a exprimé sa frustration, suite à la décision du gouvernement d’augmenter les prix du carburant en juillet 2018. Mais, comment l’Etat haïtien procède-t-il concrètement pour acquérir les produits pétroliers ?
Avant l’Accord de Coopération Energétique PetroCaribe, les compagnies locales devaient s’approvisionner en pétrole sur le marché international. Pour cela, elles se dirigeaient vers l’offre la mieux-disante. Ainsi, elles se trouvaient largement exposées aux fluctuations du marché spot. C’est-à-dire qu’elles devaient acheter le pétrole au prix correspondant aux données du jour ou de l’instant.
En 2006, Haïti a rejoint l’alliance du PetroCaribe. Il s’agit d’une entente entre le Venezuela et les pays de la Caraïbe, laquelle consiste en un prêt sous forme de pétrole. Selon cet accord, les pays partie à l’accord devront rembourser le Venezuela sur une période de 25 ans. Ainsi, Venezuela s’engage à fournir du pétrole à Haïti, qui devra payer selon des conditions très avantageuses.
En ce sens, le 4 janvier 2008, est créé le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD). L’institution a pour but de remplacer le Bureau de Gestion de PL480/Titre III, et mettre en œuvre l’accord PetroCaribe pour l’Etat haïtien. En réalité, l’accord est mis en œuvre dès Octobre et Novembre 2007, suite à la réception de deux cargaisons d’asphalte. En février 2008, le BMPAD se constitue intermédiaire entre le fournisseur vénézuélien Petróleos de Venezuela SA (PDVSA) et les compagnies locales.
Importation du pétrole durant Petrocaribe
Dans le cadre de l’accord du PetroCaribe, le BMPAD place les commandes auprès du fournisseur Vénézuélien et les barils de pétrole sont livrés automatiquement. La quantité de barils reçue peut varier d’un mois à l’autre. Le BMPAD s’assure ensuite de la facturation et recouvre la somme due auprès des compagnies locales. Le BMPAD n’envoie pas toute la somme recouvrée au fournisseur PDVSA. En effet, il transfert seulement entre 40% et 70% du paiement, et garde le reste pour financer des programmes de développement social. C’est la somme gardée pour ces projets qui devra être remboursée sur 25 ans avec 2 années de grâce.
Néanmoins, à cause des sanctions financières prises par l’administration de Donald Trump contre le Venezuela, Haïti ne reçoit plus de pétrole du Venezuela. La dernière cargaison de pétrole dans le cadre du PetroCaribe relayée par la presse remonte à Octobre 2017, cependant un cadre du BMPAD confirme que la dernière cargaison est datée au mois d’Avril 2018.
Acquisition du pétrole après Petrocaribe
Pour faire l’acquisition du pétrole, le BMPAD lance des appels d’offre à l’intention des différentes compagnies locales. Ces compagnies, également responsables de la distribution de l’essence, sont au nombre de six : DINASA (qui opère sous la marque National), Total SA, Simpson Oil Limited (Sol), CapInvest (qui opère sous la marque Capital), Diesel National Company SA (DNC), Kimazou (opérant sous le nom commercial GO). De plus, il y a Sogener, un fournisseur privé de l’électricité d’Haïti, qui obtient son pétrole par le biais du BMPAD.
Ce sont ces compagnies qui vont donc acheter le pétrole sur le marché international. Mais paradoxalement la compagnie qui gagne l’appel d’offre doit inévitablement passer par le BMPAD et commander le pétrole sur le compte de l’Etat. Cela s’explique par le fait qu’une décision a été prise en conseil des ministres le 10 janvier 2018, selon laquelle, le gouvernement haïtien accorde au BMPAD le monopole de l’importation des produits pétroliers en Haïti.
En lançant l’appel d’offre, le BMPAD donne les spécifications concernant les produits pétroliers qu’il veut importer. La compagnie ayant gagné l’appel d’offres, contacte alors les compagnies du marché international qui offre à meilleur prix. Le contrat étant conclu, les barils de pétrole ne peuvent arriver que par bateau. Le produit est ensuite stocké dans les réservoirs des compagnies locales. Le terminal pétrolier du DINASA et du Sol se situe à Thor, dans la commune de Carrefour, et est le plus ancien et le principal point d’entrée et de stockage des produits pétroliers en Haïti. Toutes les autres compagnies ont leur centre de stockage au terminal Varreux, situé à Port-au-Prince.
L’épineuse question de la subvention
Après le tremblement de terre de 2010, l’Etat haïtien avait décidé de geler les prix du pétrole vendu en Haiti. Aussi, quand les prix de l’essence augmentent sur le marché international, l’Etat se propose de payer la différence, de sorte que les prix payés à la pompe restent stables.
En août 2019, l’Etat rembourse aux compagnies 82,72 gourdes sur chaque gallon de gasoil, 71 gourdes sur chaque gallon de gazoline, et 100 gourdes par gallon sur le kérosène. Cette subvention de l’essence occasionne une dette de plusieurs milliards de gourdes envers les compagnies pétrolières opérant en Haïti.
« Cette situation persistante entraîne des pertes de recettes considérables pour le fisc, se plaignait le Ministère de l’Economie et des Finances en janvier dernier. L’Etat haïtien a dû accepter non seulement de perdre les recettes attendues sur ces produits, mais aussi de rembourser aux compagnies pétrolières le montant nécessaire, non absorbé par les droits et taxes, pour maintenir inchangés les prix à la pompe. »
Quels sont les types de produits pétroliers importés par Haïti ?
Haïti n’importe pas uniquement les produits blancs, à savoir la gazoline, le gasoil et le kérosène. Le BMPAD importe également le mazout, un produit pétrolier liquide de couleur noire. Le mazout n’est pas commercialisé par l’Etat haïtien, mais il est utilisé pour faire fonctionner les trois centrales électriques construites par le Venezuela en Haïti, lesquelles se situent dans les régions suivantes : Gonaïves, Cap-Haitien et Carrefour.
Selon une source autorisée du BMPAD, Haïti importe 550 000 barils de gasoil par mois. L’mportation du gasoil se fait deux fois par mois, pour éviter la rareté du produit. En ce qui a trait à la gazoline, pas moins de 370 000 barils sont importés par mois, à raison de deux fois par mois. Tandis que pour le Kérosène, en une fois, 55 000 barils sont importés. Le prix du baril peut varier d’un jour à l’autre. Généralement cette variation se fait en fonction de la demande et l’offre.
Le contrôle de la qualité du produit se fait strictement au port d’origine, selon la même source du BMPAD. Toutefois, en 2017, une étude scientifique a révélé au journal Le Nouvelliste que le pétrole exporté vers Haïti est de mauvaise qualité. Selon le responsable du BMPAD, quand cela arrive, c’est parce que le produit ne correspond pas aux spécifications du BMPAD. Toutefois, la même source autorisée, spécialiste du BMPAD, avoue ne pas comprendre comment font les compagnies pour vendre différents types de gazoline (87, 91) alors que le BMPAD n’importe que la gazoline 95.
Ce texte a été actualisé le 3 septembre 2019 à 17h09.
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