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« Jovenel Moïse n’aurait pas dû aller à Taïwan parce que Taïwan n’est pas un pays »

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Le gouvernement chinois place en Haïti un diplomate de carrière à titre de Représentant permanent du bureau de développement commercial de la République populaire de Chine en Haïti. Wang Xaingyang, 54 ans, qui a pris ses fonctions en Haïti le 11 septembre 2017, en est à son sixième pays d‘affectation pour le compte du Ministère des affaires étrangères de la Chine. Il jouit d’un statut diplomatique et délivre des passeports et des visas. C’est par sa voix que le gouvernement chinois exprime son vœu que Haïti rompe les liens diplomatiques avec Taïwan que la Chine ne considère pas comme un Etat. C’est par la presse que Wang Xaingyang apprend que des sociétés chinoises souhaitent collaborer avec la Mairie de Port-au-Prince sur des projets de reconstruction de la ville. La Représentation permanente du bureau commercial de Chine en Haïti était peu ouverte à la presse dans le passé. Aujourd’hui, le Représentant accorde une interview exclusive à Ayibopost dans sa résidence où il fait le point sur sa véritable mission et exprime les ambitions de la Chine par rapport à Haïti.

 

Qu’est-ce que le bureau commercial de Chine en Haïti ?

Haïti n’a pas de relations diplomatiques avec la Chine. Par conséquent, il n’y a pas d’ambassade de Chine en Haïti. En 1996, les gouvernements chinois et haïtien ont décidé de créer un bureau de développement commercial respectivement dans chaque capitale. La mission de notre bureau c’est de promouvoir les échanges dans de multiples domaines comme l’économie, le commerce, la culture, etc. L’une de mes tâches en Haïti consiste à créer les conditions pour développer nos relations comme des Etats normaux.

Pourquoi Haïti n’a pas de relations diplomatiques avec la Chine ?

Comme vous le savez, actuellement Haïti a des relations soi-disant diplomatiques avec l’une de nos provinces qui est Taïwan. Il est reconnu par le monde entier que Taïwan est une partie intégrante du territoire de la République Populaire de Chine. Il n’y a que 18 pays dans le monde qui ont des relations avec Taïwan. C’est la raison pour laquelle je vous ai dit qu’il est reconnu par le monde entier que Taïwan est une province de Chine et fait partie intégrante de la République Populaire de Chine.

La Chine ne peut-elle pas avoir de relations diplomatiques avec Haïti malgré les liens avec Taïwan?

Nous considérons que les relations entre Haïti et Taïwan constituent une faute. Nous demandons au gouvernement haïtien de la corriger. C’est-à-dire de stopper les relations soi-disant diplomatiques avec l’une de nos province et de normaliser ses relations avec notre pays. C’est notre souhait et nous faisons des efforts dans ce domaine.

Pourquoi une puissance économique comme la Chine s’intéresse à Haïti, le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental ?

D’abord je ne partage pas l’avis que Haïti est un pays pauvre. C’est plutôt un pays qui fait face à des difficultés économiques qui peuvent être surmontées. C’est un beau pays avec plein de ressources naturelles. J’aime ce pays. Les Haïtiens sont très hospitaliers et me témoignent beaucoup d’amitié. La Chine a beaucoup d’intérêt à développer des relations diplomatiques avec Haïti. Je sais que Haïti a des difficultés économiques, aggravées par le tremblement de terre de 2010. Tout ce qui a été détruit par le séisme reste à reconstruire. La Chine a une forte expertise dans la construction de routes et de tunnels. Beaucoup de produits agricoles ne sortent pas du lieu de production à cause du mauvais état des routes. Les bâtiments de Port-au-Prince qui ont été détruits par le séisme doivent être reconstruits. Port-au-Prince a un port et la Chine est forte dans l’aménagement des ports. Nous avons l’expérience dans ce domaine avec d’autres pays.

« La Chine a besoin de Haïti, La Chine a besoin du marché haïtien. »

 

En quoi l’initiative « One road, one belt » concerne t-elle Haïti ?

Depuis 2013, cette initiative a eu beaucoup de succès avec les pays intéressés. C’est une manière de coopération gagnante-gagnante. En ce qui concerne le continent sud-américain où Haïti se trouve, l’initiative « une route, une ceinture », est connue de plus en plus maintenant par les pays de ce continent. Au mois de janvier de cette année, nous avions organisé un deuxième forum ministériel qui s’est tenu à Santiago du Chili où il y a eu une déclaration commune des pays qui ont participé, y compris Haïti. Le ministre des affaires étrangères d’Haïti a prononcé un discours dans ce forum, où il affirme que Haïti a la volonté de participer à cette initiative. Haïti selon moi constitue le prolongement de l’initiative « Une route, une ceinture ». Haïti a intérêt à participer à cette initiative main dans la main avec les chinois pour développer le pays et le Chine. Nous voulons travailler là-dessus, car il y a beaucoup de choses qui sont bénéfiques pour les deux peuples.

Concrètement qu’est ce qui s’est réalisé entre Haïti et la Chine depuis la création du Bureau commercial en Haïti ?

 Dans les domaines économiques et commerciaux, ça laisse beaucoup à désirer parce que tout simplement Haïti n’a pas de relations diplomatiques avec la Chine. Si nous avions des relations normales, c’est-à-dire diplomatiques, les relations économiques et commerciales entre la Chine et Haïti seraient développées bien davantage. Entre Haïti et la Chine, c’est à peu près 800 millions de dollars par année en termes d’importation et d’exportation. C’est trop limité. Ça peut augmenter énormément. On a donc, beaucoup de choses à développer.

Avec mon prédécesseur l’année dernière, nous avons invité une troupe de danse haïtienne en Chine qui a été très applaudie par les Chinois. Haïti est un peuple d’artistes. Il y a des peintures dans les rues. Je n’ai vu ça dans aucun autre pays. Il y a des choses à faire dans le domaine culturel pour promouvoir la connaissance mutuelle entre les deux peuples. Il y a aussi dix boursiers cette année envoyés en Chine pour des études universitaires. On a aussi des stagiaires qui participent à des échanges d’expériences dans tous les domaines de développement.

La coopération est un bénéfice réciproque. Haïti a besoin de la Chine pour ses techniques, sa capacité économique, son expérience, parce que beaucoup de choses restent à construire. La Chine a besoin de Haïti, la Chine a besoin du marché haïtien. La Chine peut profiter de certaines ressources comme les ressources maritimes. La Chine a besoin de sites touristiques. Il y a beaucoup de Chinois qui visitent les pays étrangers et la Caraïbe constitue un endroit de destination et de curiosité pour les Chinois. Il y a beaucoup de touristes Chinois qui visitent la région, si un dixième de ces touristes visitent Haïti, c’est bien, parce que le tourisme encourage le développement de la restauration, de l’hôtellerie et du service en Haïti. Donc, c’est un lien de réciprocité.

« Nous, nous ne voulons pas qu’il y ait un seul pays dans le monde qui reconnaisse Taiwan. Et je peux vous dire que la réunification de la patrie, se fera tôt ou tard. »

 

Comment interprétez-vous la visite du président haïtien à Taïwan ?

Il n’aurait pas dû faire cette visite parce que Taïwan n’est pas un pays. C’est un territoire de la République populaire de Chine. C’est une province de la Chine. Donc, un chef d’Etat ne doit pas faire une visite d’Etat à l’une de nos provinces. Le gouvernement Chinois n’est pas du tout content de cette visite du président haïtien à Taïwan. Quand Haïti aura cessé ses relations diplomatiques avec Taïwan comme l’a fait la République Dominicaine, alors nous étudierons sérieusement les possibilités de coopération économique et de développement de la République d’Haïti. Je peux vous assurer que le résultat de cette coopération sera beaucoup mieux que les 150 millions de dollars de l’amélioration du système électrique en Haïti (Ndlr, promis par Taïwan). Le futur de la coopération entre nos deux pays est très payant dans les domaines de l’agriculture, du tourisme, des ressources naturelles, de la construction des routes et de l’aménagement de ports. Il y a beaucoup de domaines sur lesquels on peut avoir des discussions. Je suis sûr qu’on aura beaucoup de succès.

« J’ai présenté ma note verbale au ministère des affaires étrangères haïtien. Donc, ici j’ai une position diplomatique normale. J’accorde ici des visas pour aller en Chine. Quand une mission accorde des passeports et des visas, cela prouve que c’est une mission diplomatique. »

 

Vous avez un statut de diplomate en Haïti, lorsque vous discutez avec l’Etat haïtien, de quoi parlez-vous concrètement ?

Je dis que Haïti a maintenant une relation anormale avec Taiwan qui est une province de la Chine. C’est la position officielle que je dois exprimer au gouvernement haïtien. Je prie les autorités haïtiennes de stopper les relations diplomatiques avec l’une de nos provinces. Ça c’est la première chose. La deuxième chose, la Chine est disposée à développer les relations dans tous les domaines avec Haïti. Et nous allons faire nos efforts pour avoir une coopération gagnant-gagnant. Mais à la seule condition que Haïti doit faire le premier pas pour stopper ces relations soi-disant diplomatiques avec Taiwan. Sinon il n’y a pas de possibilités de parler de renforcement de la coopération puisqu’il n’y a pas de relations normales.

Haïti a toujours eu des relations avec des pays riches, pourtant elle demeure un pays pauvre. Qu’est ce qui changerait en termes d’approche avec la Chine ?

J’ai beaucoup d’admiration pour le peuple haïtien parce que c’est le premier pays latino-américain qui a eu l’indépendance en 1804. C’est quelque chose d’extraordinaire. Je ne fais pas de commentaires sur les relations entre Haïti et d’autres pays. J’insiste plutôt sur le développement des relations entre Haïti et la République populaire de Chine. Si vous consultez la presse, vous verrez que la Chine a de très bonnes relations avec tous les pays. On a beaucoup de succès avec les pays en voie de développement. Je suis sûr qu’un jour, Haïti aura des relations diplomatiques avec la Chine. Je suis sûr que ces relations seront basés sur l’égalité, sur la non ingérence dans les affaires intérieurs de chacun, sur la coopération gagnant-gagnant, sur le bien être du peule.

Est-ce que la Chine travaille sur des projets avec la mairie de Port-au-Prince ?

Je ne suis pas au courant de ces projets. J’ai entendu parler de cela dans la presse. Le gouvernement chinois n’encourage pas les grandes entreprises d’Etat à investir dans un pays avec lequel il n’a pas de relations diplomatiques. Parce que, sans relations diplomatiques, il n’y a pas de garanties gouvernementales. Et ce n’est pas bien pour une grande société chinoise d’engager la coopération dans ce contexte.

Directeur de la Publication à AyiboPost, passionné de documentaire.

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