Le spectre de l’insécurité fait de nouvelles victimes chaque jour. La liste s’allonge, les autorités tardent à agir.
En 2014, la commission épiscopale Justice et Paix (Jilap) de l’église catholique romaine en Haïti publie un bilan provisoire où il est question de 1136 cas de violences dont 942 sont morts par balles pour l’année. Pour le premier semestre de l’année 2015, un autre bilan provisoire de Jilap faisant état de 500 morts dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
Apres 50 rapports d’observation (nous sommes en 2014), Jilap publiait des chiffres issus de ses colonnes. 6,165 morts par balles, 180 policiers victimes et des victimes d’autres formes de violence. Quel sera le bilan de 2016 ? De combien elle accuserait? Combien de victimes faudrait-il encore pour attirer l’attention des autorités ?
Les rues de Port-au-Prince comme un champ de mine
Tous les jours, de nouveaux noms viennent s’ajouter à la longue liste de victimes. Tomber sur un corps inerte tué par balle sur le trottoir fait désormais partie de notre réalité. Les noms apparaissent et disparaissent dans les petites annonces et se transforment en simples statistiques et rien d’autre. On s’indigne, on crie l’injustice et quelques mois plus tard, silence radio, les victimes tombent dans l’oubli collectif. D’autres visages s’effacent, des familles sont détruites sans véritablement casser le rythme de nos vies. Rien de concret n’est fait pour arrêter ce film de mauvais goût. Des malfrats armés sillonnent les rues de la capitale à bord de motocyclettes et sèment la terreur.
Se rendre dans une banque devient une opération suicide depuis quelques temps déjà dans la capitale haïtienne. Le nombre de personnes assassinées en sortant de ces institutions ne cesse d’augmenter. A l’intérieur de la banque, il y a un semblant de sécurité, des agents armés protègent les lieux, des caméras suivent les moindres mouvements. Il est Interdit d’utiliser son téléphone portable, de porter des lunettes de soleil ou une casquette. Mais à l’extérieur, le client est livré à lui-même.
Personne n’est à l’ abri. Du casque bleu de l’ONU à l’étudiant, de la religieuse aux marchands dans les rues. La réalité n’épargne personne.
Absence de sécurité publique
La population est habitée par un sentiment d’insécurité provoqué par le climat douteux dans lequel évolue le pays. Le citoyen haïtien se sent constamment en danger. Les braquages sont monnaie courante. Les marchés publics sont pris en otage par des individus armés qui rançonnent les marchandes plusieurs fois par semaine. Les braquages des petites entreprises, les extorsions, les kidnappings et tant d’autres formes de violence subie par la population se font en plein jour. Rares sont les victimes qui prennent le temps d’aller faire une déclaration à la police, car les arrestations et les jugements sont quasi inexistants. Combien de malfrats sont appréhendés ? On ne se souvient plus la dernière fois qu’un citoyen haïtien s’est senti soulagé parce que justice a été rendu. Les rares bandits arrêtés sont relâchés par un simple coup de fil. En Haïti les enquêtes n’arrêtent jamais de se poursuivre.
Les numéros d’urgence de la police fonctionne quand bon leur semble. Vers qui se tourner quand on est victime ? Où porter plainte ? Quoi attendre de la justice haïtienne? En faveur de qui est-elle ? De l’opprimé, de l’oppresseur ou du plus fortuné ?
La sécurité publique devrait être une priorité de l’état. Garantir la sécurité aux citoyens, leur offrir la possibilité de vaquer à leurs activités sans le risque constant d’etre fauché d’une balle perdue.
Incidence de l’insécurité sur la bonne marche du pays
Bien sûr que l’insécurité influence la bonne marche du pays, lança Père Jean Hanssens de la Commission Episcopale Nationale Justice et paix (JILAP). Ce climat de peur influence tous les secteurs de la vie sociale et envoie une image terrifiante du pays vers l’extérieur. Il est difficile dans ce cas d’inviter des investisseurs dans un tel climat. Difficile aussi de parler de tourisme.
La transition politique laisse planer la population dans l’incertitude et en Haïti elle a toujours été vécue comme une période de trouble. L’expérience de 1986 a laissé un arrière-gout amer de ce qu’une transition peut devenir. Si elle n’est pas bien organisée, elle peut fragiliser l’Etat, ralentir les projets de développement sociaux, et même menacer la sécurité du pays. C’est une période de grande incertitude pour un pays qui veut emprunter les rails du développement.
Jean Ronald Joseph, sociologue et politologue a tenu à rappeler l’objectif d’un gouvernement de transition: « Garder en équilibre les forces politiques, la stabilité pour organiser les élections et la possibilité d’aboutir à un referendum. » M. Joseph a tenu a précisé que l’incapacité d’un gouvernement de transition à respecter cet objectif peut causer plus de dégâts.
Du côté de la Police National d’Haïti
Pour pallier aux problèmes d’insécurité, il faut une institution policière plus présente, plus forte, expérimentée, encadrée, ayant les munitions adéquates. Il y a cette impression que la police arrive toujours avec une longueur de retard sur les lieux. Ce qui met en doute son efficacité. La sécurité n’est pas seulement la préoccupation de la PNH, nous explique le porte-parole Gary Desrosiers. La police est un maillon d’une chaine, il y a le rôle de la justice et de la sécurité publique. À côté des institutions, tout le monde doit s’y mettre. C’est une collaboration.
L’institution a fait les frais de ce fléau qu’est l’insécurité. Nombre de policiers sont tombés sous les balles des bandits tout au long de l’année 2016. « La PNH est une fraternité, les assassinats perpétrés contre les policiers nous lèsent le moral et nous affectent. De ces évènements malheureux, nous tirons plus d’engagement, nous redoublons d’effort pour continuer à protéger et à servir la population », a rapporté le porte-parole de la PNH, Gary Desrosiers.
Sources
Rapports trimestriel de JILAP, # 50, 51-52, 53, 59, 60.
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