La République Dominicaine veut officiellement réduire la population migrante, perçue comme excessive
La République Dominicaine ne se contente pas de déporter les Haïtiens.
Les citoyens appréhendés sans documents subissent presque systématiquement un rituel violent, fait de bastonnades et d’humiliations depuis l’annonce des départs forcés par le gouvernement au début d’octobre.
Un responsable du Groupe d’appui aux Rapatriés et Réfugiés révèle avoir constaté des ressortissants étrangers ainsi que des citoyens dominicains d’origine haïtienne parmi les 33 320 personnes déportées recensées par l’Organisation internationale pour les migrations ces huit dernières semaines.
Les témoignages recueillis par AyiboPost suggèrent l’existence de violations systématiques des droits humains et du cadre législatif en vigueur.
Le cas de Clifford Alliance illustre cette situation. Les agents de l’immigration appréhendent le jeune homme de 27 ans le 29 octobre.
« Les policiers m’ont infligé des coups de matraque à l’estomac et à la tête, alors que je ne résistais pas », témoigne le natif de Léogâne.
Yguenson Bossous a vécu une situation similaire.
Des agents le surprennent dans les rues tôt dans la matinée du 1ᵉʳ novembre.
Au courant de la brutalité des autorités dominicaines, Bossous tente de s’enfuir.
L’originaire de la Petite Rivière de l’Artibonite est rattrapé. « J’ai reçu plusieurs coups de crosse de fusil au niveau de la ceinture et des fesses », explique Bossous, 39 ans, à AyiboPost.
La République Dominicaine veut officiellement réduire la population migrante, perçue comme excessive.
Mais dans les rues, les agents traquent systématiquement les personnes à la peau noire, selon des témoignages.
Pour perpétuer cette pratique discriminatoire, revendiquée par l’extrême droite de ce pays, ce pays viole les cadres législatifs en vigueur et un accord bilatéral signé en 1999 entre les deux États.
Cet accord interdit la séparation des familles, établit un horaire des rapatriements, fait des exigences d’assistance consulaire et d’acheminement des listes des rapatriés à l’ambassade d’Haïti.
les agents traquent systématiquement les personnes à la peau noire, selon des témoignages.
Les migrants haïtiens supportent un pan important de l’économie dominicaine, mais les services de l’immigration dominicaine les traquent, principalement sur leur lieu de travail, dans leurs maisons ou dans la rue.
C’est dans la rue que des agents à moto ont intercepté Jude Paulémond le 30 octobre dernier. Le natif de Jérémie, habitant au pays voisin depuis septembre 2023, revenait de son activité d’agent de sécurité.
Les officiers refusent d’accepter la carte de Paulémond comme un document valide. Ils décident alors de l’emmener au centre de rétention Haina.
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«Au cours du trajet, un agent m’a frappé plusieurs fois à la tête alors que j’étais calme», explique l’homme de 38 ans, expulsé de la République Dominicaine, le lendemain de son arrestation.
Jean Marie, lui, se rendait au travail le 5 octobre dernier.
«Les agents m’ont frappé au genou gauche à coups de matraque pendant qu’ils m’emmenaient au centre Haina», témoigne l’ouvrier en bâtiment, arrivé au pays voisin à la fin du mois de juillet 2013.
L’accord de 1999 interdit les rapatriements en dehors de 8 heures du matin et de 18 heures.
Cela n’a pas empêché les agents d’appréhender Rose Merline Fleurvil, 24 ans, chez elle vers 5 h du matin, à Jimaní le 15 octobre dernier. «J’étais encore au lit», confie la dame en pleine ceinture, ayant quitté Arcahaie en raison de l’insécurité, il y a six mois.
Hébergée dans un centre d’accueil du Groupe d’appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), Fleurvil ne souhaite pas retourner à l’Arcahaie en raison de l’insécurité.
Une force multinationale d’appui à la sécurité, travaillant aux côtés de la Police nationale (PNH) pour lutter contre les gangs, peine à mater les criminels en Haïti.
Des enfants sont séparés de leurs parents en violation du cadre juridique en vigueur. Elias Claircina, 25 ans, vivait avec son fils à Santiago depuis deux ans.
La marchande d’eau traitée et de confiserie est déportée vers Haïti sans son enfant de quatre ans, le treize octobre 2024.
La ressortissante de Petite-Rivière de Nippes était sortie vendre ses produits pour pouvoir nourrir l’enfant. Mais une patrouille de l’immigration l’intercepte en pleine rue puis l’embarque dans un convoi de migrants à destination d’Haina.
L’enfant survit aujourd’hui grâce à un proche en terre voisine.
Yguenson Bossous porte un témoignage similaire.
L’homme a été séparé de son enfant de quatre ans lors de sa déportation le 1er novembre. Or, il existe un accord de 1999 faisant obligation aux autorités dominicaines d’éviter de séparer les parents de leurs enfants mineurs durant le processus de rapatriement.
Les conditions de rétention ne respectent pas les standards internationaux minimums.
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Le plus grand centre d’hébergement des personnes appréhendées se situe à Bajos de Haina, une région industrielle au sud de la République Dominicaine.
Cet espace est connu pour être pollué par le plomb dû à l’exploitation et au recyclage des batteries de voiture par l’entreprise Metaloxa.
En activité dans la région depuis les années 1980, Metaloxa a été contrainte de fermer ses portes sous la pression des habitants, en août 1999.
Haina demeure surpeuplée. Les Haïtiens y subissent des traitements inhumains et dégradants selon des témoignages récoltés par AyiboPost.
Un ancien retenu parle de blocs sanitaires dysfonctionnels, répandant la puanteur.
«L’espace renferme une odeur d’urine», témoigne Claircina ayant séjourné à Haina pendant une nuit le 12 octobre 2024. «Je ne pouvais pas dormir, car de l’eau provenant d’un robinet ouvert coulait par terre ce soir.»
Image de couverture | Des migrants au centre ressources frontaliers, construit par l’OIM à la frontière pour leur accueil. Ville Belladère © Protection civile.
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