Le Carnaval s’est terminé sur une note triste, un haïtien a été pendu en République Dominicaine, les grèves d’étudiants pour la baisse du prix de l’essence sont en trêve… Nous sommes déjà à la
Considérons tout d’abord ce désir comme une pratique en vogue. Dans la société haïtienne, poursuivre les études universitaires à l’étranger est presque devenu la norme. Tout au moins pour ceux qui fréquentent les « bonnes écoles respectables de la capitale » soit les écoles congréganistes et écoles privées renommées. Pour les besoins de cette discussion, retenons les écoles prisées par notre classe moyenne: les institutions
Il faut noter que tout comme notre société, nos salles de classe sont elles aussi stratifiées par appartenance économique. En effet, on y trouvera ceux qui ont les moyens, ceux qui ont plus ou moins les moyens et ceux qui n’ont pas les moyens d’étudier en terre étrangère.
Mes observations m’ont permis de constater que, pour beaucoup d’élèves et parents, la pression des études à l’étranger pèse lourd. Le cas des parents m’intéresse moins, puisqu’ils sont suffisamment matures pour savoir qu’il est déraisonnable de vivre
D’un autre côté, nous avons ces jeunes qui subissent la dite ambition de leurs parents mais également la pression sociale qu’infligent leurs pairs. Ayant terminé mes études classiques il n’y a pas si longtemps, je peux confirmer qu’il est intimidant pour un finissant d’être témoin des préparatifs et des projets de voyage de ses camarades, alors qu’il est encore indécis sur ses propres projets d’avenir. J’ai vu quelques uns de mes camarades (de classe et d’autres écoles) tout faire pour une chance de partir, bien qu’en sachant que dans leur cas ce n’était pas une option. Certains élèves sont très sérieux dans leurs préparatifs: examen de SAT, cours d’anglais, cours d’espagnol, demande de multitude de relevés de notes et de lettres de recommandation, soumission de dizaines d’applications. Ils ne font que parler de leurs études à l’étranger, et se laissant emporter par l’euphorie de leurs aspirations, ils s’inventent des histoires de voyages, ou encore font des exigences exagérées à leurs parents. D’autres, s’adonnent à la recherche de bourses d’études, mais en vain car ils n’ont pas accès aux informations pertinentes ou encore n’ont personne pour placer un mot en leur faveur dans le processus de sélection.
Tenons maintenant pour acquis qu’étudier à l’étranger est un besoin: les crises politiques planent sur nos têtes comme une épée de Damoclès; les places sont limitées dans les universités d’État car il y a trop de finissants pour peu de places dans les facultés; les universités privées sont difficiles d’accès et n’offrent pas beaucoup de choix de programmes; l’obtention d’un diplôme étranger garantira peut-être un meilleur emploi, etc… Ce sont toutes des raisons valides et valables qui mériteraient d’être adressées et débattues par nos responsables et nos éducateurs. Mais, il n’en demeure pas moins que nous avons de bonnes universités chez nous, ou encore des universités décentes. Ceux qui restent aux pays suivent des cours à l’université et font leur chemin. Certains programmes offerts par l’UNDH, Quisqueya, Christ the King, le CTPEA et l’Université d’État d’Haïti sont solides et ouvrent la porte à des études supérieures à l’international. La preuve, nombreux sont ceux qui poursuivent leurs études de 2e cycle à l’étranger, parmi lesquels certains de mes cousins et amis.
Enfin, que ce soit une mode ou un besoin, des études à l’étranger constituent une charge pour un parent haïtien. Acheter le dollar américain avec des gourdes n’est pas donné! L’écolage, les livres, l’argent de poche, les frais de nourriture, le loyer ou les frais de participation aux dépenses chez un membre de la famille représentent une fortune. Se ruiner pour sauver les apparences n’est peut-être pas une bonne idée et surtout pas la meilleure façon de vivre. Ces mêmes personnes que vous cherchez à impressionner seront les mêmes à vous critiquer. Elles ne seront sans doute pas les premières à vous dépanner en cas de besoins financiers. Toutefois, en sus de l’aspect économique de la chose, il est important de rappeler que de bonnes études impliquent aussi un bon état moral. La nostalgie, les problèmes d’adaptation et de langue, le choc culturel, le stress (particulièrement celui des parents confrontés à des difficultés financières) sont tous des éléments qui affecteront la performance académique. Alors, à ces étudiants des classes terminales et leurs parents qui envisagent l’option de voyager pour les études, je vous fais un petit rappel : « Kay matant pa kay manman. ».
Étudier à l’étranger, opportunité de meilleures études? Oui. Opportunité de mieux vivre? Pas toujours.
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Aurélie Fièvre
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