SOCIÉTÉ

Trois des quatre grands hôtels de l’Île-à-Vache fermés

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L’insécurité et la crise économique ont décimé le tourisme et l’industrie hôtelière sur l’île, dont les plages comptent parmi les plus belles de toute la Caraïbe

Une mer d’un bleu turquoise, un sable chaud et cristallin bordé d’amandiers et de cocotiers… L’hôtel Anse-à-l’Eau Beach House de l’Île-à-Vache évoque l’image d’une carte postale perdue dans les Caraïbes.

Des quatre établissements de ce genre, le Beach House est le dernier encore ouvert sur l’île, désormais abandonnée par les touristes à cause de l’insécurité, de la crise économique et du passage du Covid-19, selon les autorités locales.

« Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la fermeture des autres hôtels ne nous a apporté aucun profit supplémentaire », déclare à AyiboPost Élie Czaykowsky, propriétaire de l’Anse-à-l’Eau Beach House. « En tant que propriétaire, poursuit l’entrepreneur, je ne vis pas de l’hôtel, c’est plutôt l’hôtel qui vit grâce à moi. »

Une vue de l’hôtel Anse-à-l’eau, Ile-à-Vache le 28 juillet 2024. Photo : Jabin Phontus pour AyiboPost

Les 16 000 habitants de l’île sont dans le désarroi. Ils dépendent principalement du tourisme local et international, mais aussi de l’agriculture, de l’élevage, du commerce et de la pêche.

« De 2022 à 2024, on n’a pas vraiment reçu de touristes », déclare à AyiboPost le magistrat Jean Yves Amazan.

Beaucoup de jeunes, comme le trentenaire Altema Roldy, consacraient leur temps libre à travailler comme guides touristiques. Certains comptent aujourd’hui sur la générosité d’anciens visiteurs étrangers, d’autres s’adonnent à la pêche ou à l’agriculture, « comme nos vieux parents », confie Roldy à AyiboPost.

Pourtant, Roldy possède une petite maison d’accueil de trois chambres à coucher, dénommée Kay Piman Bouk, à Caille-Coq depuis huit ans. L’entrepreneur recevait une dizaine de touristes par mois pour un montant de 60 dollars américains par jour.

Cependant, Roldy a été obligé de fermer la maison « ça fait exactement trois ans, à cause de l’absence de touristes ».

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La petite île d’environ 50 km², située dans le Sud du pays, figure parmi les sites touristiques dont les plages sont renommées dans toute la Caraïbe. Le gouvernement avait prêté attention à la zone en 2013 à travers un mégaprojet d’attractions touristiques.

Ce projet devait permettre la construction d’un aéroport, d’infrastructures routières, d’un centre et d’une radio communautaire, mais il a été un échec. Les engins lourds venus pour ces travaux sont aujourd’hui abandonnés sur l’île.

La fermeture des grands hôtels sur cette île dépourvue de visiteurs pousse les jeunes au chômage. Le peu d’activités des maisons d’accueil encore ouvertes témoigne de cette réalité morne.

Par exemple, la maison d’accueil de M. Gérôme Genest a reçu un total de 150 visiteurs étrangers et haïtiens entre 2016 et 2020. Seulement 80 visiteurs sont venus au cours des quatre dernières années.

La maison d’accueil Village La Rose Mercia avait reçu un effectif de 50 touristes entre 2016 et 2020. Cet effectif est tombé à seulement huit entre 2020 et 2024.

Port Morgan est désormais fermé. Photo : Tripadvisor

Abaca Bay est aussi fermé

Les trois grands hôtels de l’île, dont les prestigieux Abaka Bay et Port Morgan, affichent désormais des espaces abandonnés, envahis par des plantes grimpantes de toutes sortes, dans un contexte d’arrivée de dizaines de déplacés fuyant l’insécurité.

« Les fruits de mer, les denrées agricoles, les produits artisanaux sont de plus en plus difficiles à écouler sur le marché local », analyse le maire Jean Yves Amazan. « Le chômage est en hausse, vu le nombre d’employés renvoyés à cause de la diminution des activités touristiques. »

L’hôtel Anse-à-l’Eau Beach House refuse de fermer ses portes malgré la rareté des visiteurs.

Son propriétaire, Élie Czaykowsky, l’a construit après avoir pris sa retraite aux États-Unis. Originaire du Nord, il vit dans l’établissement et déclare utiliser l’argent de sa retraite pour payer ses neuf employés, chargés des dix chambres de l’hôtel.

L’hôtel passe parfois jusqu’à deux mois sans client, mais Czaykowsky garde « espoir » : il veut, à terme, doubler sa capacité d’accueil.

« J’attends encore, avec patience, la relance du tourisme sur l’île, déclare l’entrepreneur. J’ai tout construit avec la sueur de mon front en travaillant à New York. Aujourd’hui, on essaie tout simplement de survivre. »



Les impacts du déclin du tourisme sont très perceptibles sur l’environnement.

« Si rien n’est fait au niveau de l’État central pour améliorer la situation sécuritaire du pays, la condition socio-économique de la population locale sera encore plus désastreuse, et le tourisme mettra plus de temps à retrouver sa place », conclut le magistrat Jean Yves Amazan.

Couverture | Photo prise par Bachert pour Tripadvisor

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Basé aux Cayes, Jabin Phontus est contributeur à AyiboPost depuis octobre 2023.

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