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Tout pour le visa (partie 2)

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Malary attendait l’homme depuis la matinée, il était maintenant trois heures. Plus les heures passaient, plus Malary se rendait compte que quelque chose clochait.  Il avait le sentiment qu’il s’était fait avoir, mais les choses étaient confuses dans sa tête donc il gardait au fond de lui l’espoir que l’homme allait surgir et l’entraîner à l’intérieur de l’ambassade pour qu’on estampille son visa.

Depuis qu’il était arrivé vers huit heures, il avait demandé à tous ceux qui rôdaient autour de l’ambassade s’ils connaissaient l’homme en le décrivant, mais personne ne voyait de qui il parlait. Alors que la veille, les hommes qui allaient et venaient devant l’institution l’avait assailli de questions, aujourd’hui, ils l’ignoraient totalement. Ils étaient plus intéressés à aborder les candidats quittant l’ambassade pour leur proposer leurs services.

Malary avait la bouche sèche, son estomac était noué et ça gargouillait dans ses intestins. Mais, il se fichait de tout cela.  Il était en train doucement de se rendre compte qu’il venait de déposséder sa famille au profit d’un parfait inconnu qu’il ne reverrait peut-être jamais! Il venait de tout donner à un racketteur, le fruit de tant d’années de dur labeur à gratter le sol ingrat de Boucassin pour en faire sortir de quoi subsister! Il se mit à pleurer silencieusement, incapable d’imaginer comment expliquer à ses parents les faits. Il leur avait dit hier soir qu’il avait un nouveau rendez-vous aujourd’hui pour obtenir le visa. Il ne comprenait pas ce qui avait pu lui arriver pour remettre toute cette somme d’argent à un inconnu pour un visa qu’on venait de lui refuser! Il avait l’impression d’être en train de s’extirper d’un état comateux après sa rencontre d’hier et c’est maintenant qu’il était en train de reprendre ses esprits.

Une marchande qui offrait des sucreries aux alentours de l’ambassade en voyant ses larmes lança d’une voix criarde:

  • Oooo! Men ni fout! Men mesye a ap kriye pou viza wi!

Cela attira l’attention des “businessman” auprès de lui qui le regardèrent comme s’ils le voyaient pour la première fois.

  • A! Monchè ou paka vinn fè lèd la a pou viza! Se yon koutwazi bagay la ye, yo ka ba ou l yo ka pa ba ou l, lui lança l’un d’eux en tchuipant.
  • M pa kwè se pou sa misye ap kriye, ta sanble gen yon nèg ki te ba l yon randevou la a ki pa vini. Sanble misye manje yon kòb kri nan men l !

 Ils se mirent à le harceler de questions pour savoir s’il avait donné de l’argent au type et combien, s’il avait son numéro de téléphone, quand il l’avait rencontré. Malary ne répondait à aucune question et continuait à pleurer silencieusement. Il ne pouvait que regarder passer le flot d’employés qui quittaient l’ambassade. Autour de lui, la foule gonflait. D’un coup, le jeune homme en eut marre de cette atmosphère, il sécha rageusement ses larmes et se fraya un chemin parmi la foule de badauds qui commençait à grossir autour de lui.

  • Piti, PA AL FOURE TÈT OU ANBA YON MACHINN NON POU LAJAN AN! lança en riant un des racketteurs.

Malary s’arrêta net et se tourna pour regarder l’homme. Puis, comme s’il venait de prendre une décision, il traversa à grandes enjambées le Boulevard 15 Octobre sans jeter un regard en arrière.

….Ti Guélé commanda son sixième Prestige en faisant claquer ses doigts sur les fesses de la serveuse qui passait tout près. Celle-ci lança un « aïe » de circonstance en se tordant sur les talons avec lesquels elle pouvait à peine marcher. La jeune femme assise sur les genoux de Ti Guélé essaya de glisser ses doigts dans sa tignasse en se cambrant les reins, mais ses faux ongles s’accrochèrent à la racine de ses extensions, elle s’en arracha une en tchuipant. Elle commençait à en avoir marre d’allumer cet imbécile, qui, visiblement avait plus envie de se saoûler la gueule que de l’inviter à s’éclipser dans une chambre de l’établissement. Elle se tortilla pour bien positionner ses fesses sur le sexe de Ti Guélé. Le corps de ce dernier répondit doucement à l’appel. Dès lors les choses allèrent vite et la jeune femme que les clients connaissaient sous le sobriquet de Princesse Love entraîna Ti Guélé vers les escaliers qui menaient vers les chambres, sous l’œil vigilant du patron qui nota son déplacement.

Ti Guélé se laissa aller sur le lit et ordonna à Princesse Love de lui faire un strip-tease. « Et merde »! pensa Princesse Love qui avait l’habitude des clients farfelus. Elle se dit que s’il ne le payait pas correctement, elle lui volerait sa bourse où elle avait remarqué une énorme liasse de billets, quitte à foutre le camp en douce de « Clair de lune Disco » et ne plus y revenir!

Ti Guélé enleva ses chaussures et se mit à l’aise en s’appuyant sur des oreillers. Il s’alluma une cigarette et sortit de son jean son portefeuille qui pouvait à peine contenir des liasses de billets. Princesse Love commençait à se dandiner gauchement en enlevant ce qui lui servait de vêtements. Ti Guélé trouva qu’elle imitait très mal les danseuses qu’il avait l’habitude de voir à la télé et regretta de ne pas être allé s’offrir une dominicaine à Pétion Ville. Après quelques minutes, il eut l’impression que Princesse Love devenait de plus en plus sensuelle et qu’elle dansait très bien. Elle cambrait les reins, projetait en avant sa poitrine, ses tours de reins dessinaient des cercles parfaits, elle ondulait… On dirait qu’elle était sous l’emprise d’Erzulie Freda!  Ti Guélé commençait à sentir le sang affluer vers son membre et les battements de son cœur semblaient couvrir le tohu bohu que faisait le DJ dehors. Il se déshabilla tout en continuant à regarder Princesse Love qui ondulait, ondulait, ondulait ! On aurait dit une …

  • Anmwey!!!

 Princesse Love paniquée vit Ti Guélé foncer en sa direction, mais au lieu de la plaquer sauvagement contre le mur pour la prendre, il ouvrit la porte et se rua dehors, nu! Princesse Love, qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait, se rhabilla en vitesse pour poursuivre son client. Dans la salle de danse, de rares couples dansaient au son d’un Compas. Princesse Love vit son patron courir vers le bar et sortir en trombe après avoir parlé au barman. Princesse Love qui comprit que quelque chose de grave se passait courut au-dehors et vit un pick-up mal garé devant la sortie. Elle allait apostropher le chauffeur lorsqu’un attroupement derrière le pick up attira son attention.

Un homme surgit de l’autre côté en gémissant :

  • Je vous jure que je ne l’ai pas vu venir. Misye annik parèt li, ou ta di LI FOURE TÈT LI ANBA MACHINN NAN! Mezanmi m pat wè l! Gade jan nèg la vinn touye tèt li la a mesye…

Princesse Love resta un moment secouée, puis elle se rappela que les affaires de l’homme qui gisait sous la voiture étaient encore dans la chambre. Elle s’y précipita, glissa le portefeuille dans son sac, s’habilla et quitta la chambre. Elle allait dire au patron que sous le coup de l’émotion, elle ne pouvait finir sa soirée. Elle était sûre qu’il comprendrait….

….Malary s’appuya au manguier et regarda d’un air satisfait son lopin de terre. Ses plantes progressaient vite et il était sûr qu’après deux pluies, sa récolte de pois congo serait meilleure cette année. Son regard balaya le terrain qu’il venait d’acquérir et qu’un homme labourait avec acharnement. Bizarrement l’homme sentait bon sous le chaud soleil tropical. Malary eut un sourire satisfait aux lèvres. Le regard songeur, il sortit de sa poche son passeport et fit défiler les pages vierges avant de l’envoyer valser dans les hautes herbes.

J'écris parce que le monde est dégueulasse. Le jour où il ne le sera plus, je me mettrai au chant!

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