Saviez-vous qu’avant le déroulement de certaines manifestations populaires, les participants pratiquent toujours un rituel ? Cette cérémonie est un symbole lourd de signification
Dans un contexte quasi insurrectionnel, des mobilisations populaires s’intensifient en vue d’obtenir le départ du président de la République, Jovenel Moïse.
Avant le démarrage de la plupart des manifestations, un rituel est organisé. C’était le cas vendredi 27 septembre dernier, au Carrefour de l’aéroport. Un vèvè, diagramme rituel du vaudou, était tracé sur le sol avec de la farine de maïs. Ce vèvè annonçait les préparatifs du rituel, en prélude à la manifestation.
Une ancienne pratique
Les rituels dans les revendications populaires sont une tradition existant depuis la période coloniale. Selon l’ouvrage « Dynamique vaudou et droit de l’homme en Haïti », le vaudou fut un moyen efficace de cohésion et un instrument utile aux mains des esclaves luttant pour le renversement des structures inégalitaires, oppressives, dégradantes et inhumaines.
« Cette réalité se poursuit jusqu’à aujourd’hui, explique Nènèl, un hougan de Bel-Air. Les leaders politiques sollicitent le vaudou dans la conquête du pouvoir. Les leaders politiques de l’opposition l’utilisent en contre-pouvoir pour la destitution d’un pouvoir à travers les mobilisations populaires ».
Une tradition au cœur des protestations
Par ailleurs, ces rituels sont aussi organisés avant le départ des bandes raras. « La cendre ou la farine de blé peuvent être utilisées », explique Manassé, un autre hougan de Bel-Air.
Parmi les éléments requis dans la préparation du rituel, le prêtre vaudou cite le bois de pin, le sirop de canne, les œufs, le clairin, un animal et sept bon poud dont Manassé ne veut pas dévoiler les noms. « Certaines préparations se font dans mon hounfò (temple du vaudou) », précise-t-il.
Les rituels revêtent des formes d’une extraordinaire variété : rites cultuels, rites de passage, rituels liés à la naissance, au mariage et aux funérailles, entre autres. Lorsqu’il s’agit d’une grande mobilisation populaire, Manassé explique qu’il s’agit avant tout d’un rite de passage.
Les carrefours
Les carrefours représentent des lieux par excellence de la préparation de ces rituels. « Ils symbolisent le pont entre le royaume des esprits et la réalité dite ordinaire, entre le visible et l’invisible », dit Manassé.
Avant une mobilisation populaire, lorsqu’un rituel est organisé à un carrefour ayant quatre branches, les quatre forces de la nature (eau, air, feu, terre) sont interpellées tout au cours de son déroulement.
Un rite de passage et de protection
« Les rituels organisés sont avant tout consacrés à Legba », dit l’hougan Nènèl.
Legba est le loa de la croisée des chemins. Le loa qui protège les habitations, les routes et les carrefours. C’est lui qui ouvre les portes et qui indique la direction à suivre. Nènèl le présente comme étant celui qui détient les clefs de passage entre l’univers visible et invisible, entre le monde des humains et celui des divinités.
« Divers autres esprits peuvent être interpellés durant ce court rituel. Cela dépend de l’objectif ou de la cause des revendications », renchérit Nènèl.
Certains esprits interpellés demandent un pacte pour la protection de la manifestation. Ce qui peut engendrer des sacrifices. « Le pigeon ou la poule sont les deux animaux souvent utilisés, dit Manassé. Ils peuvent être brûlés vifs ou le pigeon peut être relâché. À travers son envol, on retrouve le passage et la force de ses ailes ».
Photo couverture: Jeanty Junior Augustin
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