La réserve écologique fait face à des difficultés. L’ancien sénateur, Youri Latortue, occupe irrégulièrement un demi-carreau de terre appartenant à l’espace, selon des responsables
L’air pur, le cadre rafraîchissant, les oiseaux qui virevoltent et gazouillent parmi les arbres petits et grands, ainsi que les serres, un petit carré dédié au yoga, les chevaux qui se prélassent dans l’herbe sauvage… Wynne Farm est un enchantement !
Cet espace vert d’environ trente carreaux, situé à Kenscoff, est niché au cœur des 399 hectares du Parc National Naturel des Sourçailles, déclaré par l’ancien président Jovenel Moïse en 2021. Ce parc abrite l’une des réserves écologiques les plus importantes de la région métropolitaine.
C’est Victor A. Wynne qui lance «Wynne Farm» en 1956.
Selon un rapport du ministère de l’Environnement, Victor A. Wynne voulait créer un laboratoire pilote, grandeur nature, de l’agriculture durable de montagne où il pourrait expérimenter, créer et améliorer sans cesse les techniques de conservation de sol, base de la production durable des cultures saisonnières sur les versants montagneux.
Depuis, les responsables de l’initiative ont toujours œuvré dans la préservation de la biodiversité et la protection de l’environnement, tout en pratiquant une agriculture durable.
La «ferme» agit aussi comme centre de recherche. Des spécialistes — botanistes, agronomes… – y trouvent matière à étudier, et expérimenter, alors que le grand public en fait un lieu de détente, et de relaxation dans une capitale terrassée par l’insécurité et les crimes.
À 1800 mètres d’altitude, la réserve, au sol très riche, compte environ 338 espèces d’insectes, 250 types de plantes et 32 espèces d’oiseaux, endémiques, et migrateurs. Ce décompte n’inclut pas les espèces en voie de disparition comme le Pin d’Haïti ou d’Hispaniola (Pinus occidentalis), la fougère arborescence (Cyathea arborea), et la Magnolia (Magnolia ekmanii).
Wynne Farm ne se contente pas de préserver les espèces endémiques. La ferme abrite aujourd’hui plusieurs espèces de plantes et d’oiseaux venus de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine comme la Naranjilla, le Tamarillo, le Myrrhe des Andes pour les plantes et le Pétrel Diablotin, un oiseau migrateur du Canada.
En 2017, un chercheur de Wynne Farm, Michard P. Beaujour, fait la découverte d’une nouvelle espèce d’abeilles, non remarquée nulle part ailleurs. Jusqu’à présent, les recherches de cet animal menées sur au moins deux continents n’ont donné aucun résultat.
Et plus tard en 2020, le photographe de Wynne Farm, René Durocher, a découvert une espèce de scorpion disparue depuis plusieurs années dans le monde. Cette espèce est réapparue en Haïti à la Wynne Farm.
Pour fonctionner, la ferme s’appuie sur les visites rémunérées, les ventes agricoles et les dons.
En raison de l’insécurité, seulement 48 visiteurs ont fréquenté l’espace au premier trimestre de 2023. C’est pourquoi les responsables ont pris la décision de fermer leurs portes à la fin du mois de mars 2023.
Cette fermeture vient en marge du Covid-19, des pays lock et des multiples crises de carburant. De 15 000 visiteurs en 2019, Wynne farm a reçu 7 000 personnes en 2020 et 6 000 en 2021.
En raison de l’insécurité, seulement 48 visiteurs ont fréquenté l’espace au premier trimestre de 2023.
Par conséquent, la ferme ne peut plus vendre ses produits agricoles. «Nous n’avons pas d’événements festifs pour écouler notre stock de fleurs», explique Ricualdo Alouidor, l’agronome de la ferme, lors d’une entrevue avec AyiboPost le mercredi 7 juin 2023. Ricualdo Alouidor est le responsable du département de la production agricole, de la sensibilisation environnementale et de l’écotourisme à Wynne Farm.
L’insécurité foncière fait aussi partie des dangers auxquels est confronté Wynne Farm. « On a tous le temps des conflits », révèle à AyiboPost Jane Wynne, la responsable principale de la ferme.
Le terrain d’environ 29 carreaux, selon Jane Wynne, résulte de la consolidation de différentes parcelles achetées à des résidents de la région au fil des années. Des héritiers se trouvent souvent instrumentalisés par des individus intéressés qui contestent des ventes, ou occupent sans droits des portions de l’espace. Des individus violents parfois coupent à l’intérieur de la ferme des arbres vieux de plusieurs décennies ou procèdent à la destruction des matériels.
Selon les responsables, l’ancien sénateur Youri Latortue occupe un demi-carreau des terres de la Wynne Farm depuis plusieurs années. L’ancien parlementaire sous sanction des États-Unis pour trafic de drogue et ses liens présumés avec des gangs a acheté sa portion d’individus ne détenant pas de documents authentiques. Un imposant mur sécurisé par des gardes armés entoure l’espace réclamé par Youri Latortue.
«Ce terrain fait partie de la Wynne Farm, déclare Jane Wynne à AyiboPost. On veut y construire un centre médical, un centre culturel pour les jeunes de la zone et un réservoir d’eau communautaire.»
Youri Latortue a été contacté à trois reprises avant la publication. Il n’a pas répondu aux appels ni à un message détaillé laissé sur son numéro de téléphone habituel.
L’aire protégée de Sourçailles, où se trouve Wynne Farm, abrite un espace vert et des espèces importantes pour la biodiversité du pays. «Sans protection, les milliers de personnes de Carrefour [et de la Croix-des-Bouquets] ne trouveront plus d’eau un jour, car la rivière froide [et la rivière grise qui y prennent naissance] s’assècheront», avertit Jane Wynne.
Widlore Mérancourt a participé à ce reportage.
Visionnez notre portrait de René Durocher, photographe animalier de Wynne Farm, publié sur AyiboPost en mars 2021 :
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