Jimmy « Barbecue » Chérizier, de la coalition Viv Ansanm, invite la population à regagner la plupart des zones précédemment occupées par ce gang. Les habitants curieux découvrent des champs de ruines et des maisons pillées
Serge Mombrun, préparateur physique, vivait à Solino depuis une quarantaine d’années avant de fuir le quartier en novembre 2024, à la suite d’une violente attaque des bandits de Viv Ansanm.
Environ un an après son assaut armé contre Solino, le chef de la coalition « Viv Ansanm », Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », a appelé les habitants à regagner leurs maisons pillées et ravagées, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 25 août 2025.
Mombrun, accompagné de dizaines d’autres citoyens, s’est rendu chez lui en août dernier, dans une zone déserte où des arbustes envahissent la chaussée serpentant entre des pâtés de maisons incendiées aux toitures saccagées.

Ustensiles de maison, tôles et vêtements répandus sur le sol à Delmas 30, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Avant de quitter Solino en novembre 2024, la maison de Mombrun était meublée d’armoires, de lits et d’autres effets personnel.
À son retour, ses affaires avaient disparu.
« J’ai retrouvé quelques pièces d’identité de membres de ma famille, des chaussures de sport et quelques équipements sportifs », témoigne Mombrun, qui compare la scène au séisme du 12 janvier 2010, lequel avait fait plus de 200 000 morts en Haïti.

Un chargeur ramasse des tas d’ordures et de vieilles carcasses bloquant la route à Delmas 18, le XY août 2025. Photo : (Jean Feguens Regala / AyiboPost)
Le moniteur de sport se dit prêt à retourner chez lui définitivement. Mais il précise : « Seule la police peut nous ordonner de rentrer, car nous n’allons pas collaborer avec les gangs. »
Plusieurs résidents de quartiers ravagés par les gangs partagent son avis.
Cette résidente de 28 ans, qui habitait l’impasse Adrien à Solino depuis son enfance, a dû quitter la zone ainsi que sa petite entreprise, trois mois seulement après l’avoir mise sur pied.
Le moniteur de sport se dit prêt à retourner chez lui définitivement. Mais il précise : « Seule la police peut nous ordonner de rentrer, car nous n’allons pas collaborer avec les gangs. »
Lors de sa visite, le onze mois plus tard, elle dit constater les dégâts avec douleur.
« Les bandits ont tout pillé, ne laissant que quelques ouvrages et des vêtements usagés. Les maisons épargnées ont été incendiées, tandis que les ornements métalliques étaient emportés », constate-t-elle.

Des bâtiments, dont un studio de beauté et un dépôt, aux murs complètement éventrés, à Nazon, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Retourner vivre à Solino paraît presque impossible pour cette jeune femme.
« Je ne fais pas confiance à l’invitation des gangs, dit-elle. Je pense qu’ils vont utiliser des habitants comme boucliers afin d’empêcher l’État de mener à bien ses opérations. »
Dès le 2 mars 2023, le quartier de Solino a commencé à subir l’assaut du gang « Baz Bèlè », dirigé par l’ancien évadé de prison pour kidnapping, Sanon Kempès.
Ce quartier était non seulement stratégique pour assiéger la capitale, mais constituait également un itinéraire de transit convoité par les gangs de « Viv Ansanm » pour réaliser des enlèvements à Delmas, Bois-Verna, Turgeau, Bourdon, Lalue et Delmas.
« Je ne fais pas confiance à l’invitation des gangs, dit-elle. Je pense qu’ils vont utiliser des habitants comme boucliers afin d’empêcher l’État de mener à bien ses opérations. »
Les attaques du mois d’octobre ont provoqué le déplacement de plus d’un millier de personnes à Solino et l’incendie de dizaines de maisons, jusqu’à la chute du quartier aux mains des bandits en novembre 2024.

Une femme, accompagnée d’un garçon, emporte une vieille chaise quittant Solino en direction du carrefour de l’aéroport, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost

Façade éventrée du sous-commissariat de Delmas 3, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost

Un homme transporte une bouteille de gaz parmi les objets récupérés chez lui après le passage des gangs à Solino, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Jusqu’à cette attaque, Solino était l’un des rares quartiers de la capitale non contrôlés par un groupe armé.
Genson Jean Baptiste coordonne le Comité central couloir humanitaire de Solino, un organisme local travaillant avec les déplacés. Il déclare « prendre acte du retrait des gangs », mais redoute leur retour prochain.
Le mot d’ordre est clair : « La population ne cohabitera pas avec les bandits. C’est à l’État d’assurer la sécurité », affirme Jean Baptiste.
Des habitants se sont également rendus dans le quartier de Delmas 30, six mois après l’incursion des bandits dans la nuit du 24 au 25 février 2025, qui a fait au moins une dizaine de morts.

Des agents du service des pompiers de Delmas répandent de l’eau sur l’autoroute entre Delmas 19 et 30, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Ce quartier, qui abrite des bâtiments institutionnels tels que l’Office national d’assurance-vieillesse (ONA) et une succursale de la SOGEBANK, donne accès aux locaux de la Télévision d’État, Télévision nationale d’Haïti (TNH), située entre Delmas 31 et 33, ainsi qu’à d’autres entreprises privées le long de l’autoroute traversant la zone.
Des photos prises par AyiboPost montrent la dévastation et l’incendie des locaux du bâtiment de l’ONA à Delmas 30.

Deux camions-bennes et un chargeur déblayant la route à Delmas 7, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost

Façade vandalisée de l’église Adventiste du Septième Jour à Nazon, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost

Entrée saccagée des locaux de l’entreprise AZTK non loin du Carrefour de l’aéroport, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Plusieurs habitants retournés temporairement à Delmas 30 confient également leurs pertes à AyiboPost.
Pour Jeannette, une quinquagénaire mère de six enfants qui y vivait depuis plus d’une décennie, les pertes ont été totales.
« J’ai grandi et élevé mes enfants ici, sans jamais avoir de problème. Aujourd’hui, j’ai dû quitter la zone et perdre tout ce que je possédais », raconte la dame, désormais installée dans un camp de déplacés.
De son côté, Nadia Joseph, qui a passé les six mois suivant l’attaque dans la rue sans aucun soutien, explique : « Je n’ai rien retrouvé chez moi à mon retour, et ma maison a été incendiée. » Cette mère de famille vivait de la vente de friandises depuis dix ans à Delmas 30.

Locaux vandalisés et pillés du ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle à Nazon, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Des tentatives de nettoyage ont également été observées quelques jours après l’annonce des gangs à Delmas 30.
Des agents du service des pompiers de Delmas ont été vus en train de répandre de l’eau sur la chaussée à l’aide de tuyaux d’incendie.
Pour Getan Gerson, du Mouvman moun Deplase Dèlma 30 (MOMODEP), la visite des anciens habitants constitue une première étape du processus de retour.
La prochaine étape consiste à enlever les barricades afin de permettre à la mairie de Delmas de nettoyer les quartiers, précise-t-il.
Durant le mois de novembre 2024, les quartiers de Nazon, Christ-Roi et Lalue ont subi à maintes reprises les attaques des gangs armés de la coalition Viv Ansanm.
Des bâtiments institutionnels, dont celui du Ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) à Nazon, ont été pillés puis incendiés.
D’autres quartiers comme Pacot et Croix-Desprez ont également subi la fureur des bandits.

Une antenne de télécommunication dépourvue de plusieurs câbles à XY, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
Selon le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), au moins 1 600 personnes ont été tuées et 609 autres blessées entre avril et juin 2025.
Plus de 1,3 million de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, selon une estimation de l’Organisation internationale pour les migrations publiée en juin 2025.
Par : Jérôme Wendy Norestyl & Jean Feguens Regala
Couverture | Un homme debout sur une barrière métallique renversée, observant des maisons en ruine à Nazon, le XY août 2025. Photo : Jean Feguens Regala / AyiboPost
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