Le changement de régime, et les promesses démocrates d’une politique migratoire plus humaine, n’ont en rien impacté la brutalité, le racisme et l’irrespect des normes internationales de la politique frontalière des États-Unis
En proie à l’insécurité, le chômage, la misère, et l’augmentation des prix des produits de première nécessité, des milliers d’Haïtiens fuient le pays. Cette tendance s’est accélérée depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Les Haïtiens se sont rendus dans des pays de l’Amérique du Sud comme le Brésil ou le Chili. Ils vont faire face à des difficultés d’intégration, et des barrières culturelles et procédurales.
C’est le peu de succès rencontré dans leur premier pays d’accueil ou le durcissement de la vie qui explique que certains prennent en grand nombre la route vers les États-Unis l’année dernière.
Un nombre important sera refoulé en Haïti à partir de septembre 2021, à la faveur du Titre 42, une disposition légale aux États-Unis permettant aux autorités frontalières de déporter les demandeurs d’asile sans considération pour leurs requêtes notamment lors de la pandémie du Coronavirus.
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Je me suis entretenu avec plusieurs des « déportés » à l’aéroport Toussaint Louverture. Ils révèlent que du Brésil à la frontière des États-Unis et du Mexique, certains ont passé près de trois mois en route. Ils ont vu de près la souffrance humaine, la corruption transfrontalière, la bravoure des uns et la couardise des autres. En somme, ils rapportent des témoignages d’aventures humaines.
Après avoir dépensé leur économie dans la périlleuse traversée, ils arrivent à la frontière du Mexique et de l’État du Texas. Ils sont nombreux malgré la mort de dizaines, peut-être des centaines, d’entre eux en chemin. Le fleuve de Rio a englouti beaucoup d’espoirs. Les marcheurs recevront une douche encore plus froide auprès des frontalières américaines, certains les accueillant bien haut sur leur cheval, le fouet à la main.
Une dame, visiblement choquée, m’a raconté son périple : « Des compagnons de voyage sont emportés par les rivières en crue, m’a-t-elle dit. Il y a aussi ceux qui ont chuté dans les falaises. D’autres sont pillés dans les bois. On a bu des eaux sales. D’autres sont morts de faim. On a passé six jours sous le pont à Del Rio. Puis quatre jours en prison. Dans l’avion du retour, on nous a enchainés aux pieds, aux mains et à la ceinture. En gros, on nous a réduits à une condition inhumaine. Et nous nous voyons ici en Haïti totalement démunis. »
Presque totalement démunis pour faire dans la précision. Depuis le début de la grande vague de déportation qui continue jusqu’à nos jours, l’organisation internationale de la migration (OIM), l’Office national de la migration et des institutions locales accueillent les nouveaux venus. Certains reçoivent un kit alimentaire et un montant pouvant aller jusqu’à 10`000 gourdes.
La plupart disent leur désillusion face aux promesses non tenues de l’administration en place aux États-Unis. Mais principalement, ils crachent leur colère contre leur propre pays, devenu encore plus hostile et inégalitaire depuis l’avènement du Parti Haïtien Tèt Kale au pouvoir, avec le support des États-Unis il y a une dizaine d’années.
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