Trop souvent, une partie de la diaspora se contente de célébrer ces symboles cosmétiques comme s’il s’agissait de victoires collectives et recherche la validation symbolique de pays qui, en pratique, participent à l’étouffement de la souveraineté haïtienne
La ville de Montréal s’apprête à baptiser une station de métro du nom de Vertières, en hommage à la bataille historique qui consacra l’indépendance d’Haïti face à l’armée française de Napoléon.
Pour certains, c’est une marque de reconnaissance, un geste mémoriel qui inscrit l’histoire d’Haïti dans l’espace public d’une grande ville canadienne.
Nommer une station de métro Vertières n’est pas en soi condamnable, car reconnaître un symbole fort de l’histoire haïtienne est légitime et même honorable.
Mais derrière cette façade flatteuse se cachent de sérieuses incohérences. Car ce geste survient dans un contexte politique gênant.
Depuis des années, le Canada, aux côtés des États Unis et de la France, s’illustre par des ingérences répétées dans les affaires haïtiennes, contribuant aux blocages politiques et institutionnels qui étranglent le pays.
Les interventions diplomatiques, les sanctions sélectives, les manipulations politiques ont contribué à empêcher une sortie de crise portée par les haïtiens eux-mêmes.
La réaction de la diaspora ajoute une autre couche de malaise. Trop souvent, une partie d’entre elle se contente de célébrer ces symboles cosmétiques comme s’il s’agissait de victoires collectives et recherche la validation symbolique de pays qui, en pratique, participent à l’étouffement de la souveraineté haïtienne. Or, ces gestes n’apportent rien de concret aux Haïtiens en Haïti.
Ces initiatives deviennent surtout des outils de visibilité individuelle. Derrière le discours du « rayonnement d’Haïti », il s’agit souvent de renforcer une image plus respectable dans le pays d’accueil, d’assurer une position sociale plus confortable pour soi et sa famille.
Des personnalités connues ou influentes de la diaspora s’y associent volontiers, mais rarement pour mettre leur notoriété au service d’actions concrètes capables de changer la réalité du pays.
Le contraste est saisissant, presque indécent. On s’émerveille devant un nom dans le métro montréalais, alors qu’à Port-au-Prince il n’existe même pas de système de transport public digne de ce nom. On parade autour de Vertières dans le confort canadien, pendant que le peuple haïtien, lui, affronte chaque jour l’insécurité, la misère et l’effondrement des infrastructures les plus élémentaires.
Reconnaître la communauté haïtienne de Montréal et son apport à la société peut paraître louable. Mais si la diaspora se contente d’applaudir sans exiger des gestes concrets, l’hommage reste creux. Une gloire de façade. Le véritable enjeu serait de mettre cette occasion à profit pour demander aux autorités montréalaises d’interpeller Ottawa, afin que le Canada cesse de s’immiscer dans les affaires haïtiennes.
Vertières ne saurait être réduit à un simple décor pour clichés et autoportraits d’une diaspora en quête d’approbation étrangère, en panne de véritable nationalisme et de patriotisme.
C’est un rappel exigeant, un engagement permanent à défendre, sans compromis et partout où c’est nécessaire, le droit du peuple haïtien à choisir librement son destin — ce même droit arraché en 1803, et aujourd’hui confisqué par de nouvelles formes de tutelle et d’ingérence.
Vertières n’est pas un souvenir folklorique. C’est une responsabilité historique. Alors, de grâce, épargnez-nous cette fierté creuse qui tourne au ridicule, pendant que la souveraineté d’Haïti continue d’être piétinée.
Par: Réginald Châtelain
Couverture : Any Guillemette / Cogeco Nouvelles
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