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Opinion | Les Conférences des Parties (COP) : vingt-six ans d’échec

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« Le dérèglement climatique est une réalité qu’il est difficile de garder à l’esprit bien longtemps. Même s’il nous arrive d’avoir vraiment les yeux ouverts, cela ne dure pas, et nous continuons ainsi d’osciller entre prise de conscience et amnésie [écologique] intermittente. »

Au début du mois de novembre a eu lieu à Glasgow en Écosse, la 26e conférence des parties. Relativement confidentielles au début et organisées en sessions annuelles, les négociations internationales sur le changement climatique sont devenues au fil du temps de grands sommets avec une exposition médiatique considérable.

Pendant deux semaines, des milliers de participants venant de 196 pays regroupant les diplomates, les ministres, les chefs d’États et de gouvernements, les chercheurs, les experts nationaux, les organisations de la société civile (ONG, organisation internationale, organisation écologique, etc.) et de forces diverses (les entreprises, les lobbies, les médias) se réunissent pour réfléchir, discuter et négocier des mesures nécessaires à adopter pour juguler cette crise existentielle qu’est devenu le changement climatique qui menace l’équilibre écologique de la planète et met en danger non seulement la faune et la flore, mais aussi et surtout, la santé, les conditions de vie, la survie même de notre espèce.

En dépit du danger imminent que représente le réchauffement planétaire, les parties (représentant de différents États) n’arrivent toujours pas à adopter des mesures contraignantes pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et contenir l’élévation de la température moyenne de la planète à 2 degrés Celsius voire 1.5 degré, seuils nécessaires pour éviter que de nombreux bouleversements planétaires désormais inévitables s’aggravent.

Pourquoi les États tergiversent à prendre des mesures fortes malgré les rapports, les uns plus alarmants que les autres, du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ? Pourquoi autant d’atermoiements quant aux politiques à mettre en œuvre pour éviter le réchauffement global malgré l’urgence climatique ? De la première à Berlin en 1995 (COP 1), en passant par Kyoto (COP 3 en 1997) qui a eu un succès mitigé et Paris (COP 21 en 2015) qui a nourri l’espoir pour aboutir à la grande désillusion de Glasgow (COP 26 en 2021), nous allons tenter d’expliquer, à travers le temps, pourquoi les conférences des parties restent et demeurent des échecs.

Beaucoup de négociations et de promesses, mais peu d’actions

Les premières négociations en vue d’un traité international sur le climat commencèrent dans les années 90 – et la publication du premier rapport d’évaluation du GIEC – dans le but de proposer un nouveau texte en remplacement du Protocole de Montréal (1987) adopté pour limiter les émissions de chlorofluorocarbones (CFCs) qui creusaient peu à peu un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique. Selon Gemenne (2015), ce dernier reste à ce jour l’un des accords environnementaux multilatéraux le plus aboutis puisque les CFCs ont été peu à peu remplacés par des gaz de substitution moins nocifs et le problème de la dégradation de la couche d’ozone est désormais en voie de résolution.

Les négociations ont continué en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro qui allaient aboutir à l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) qui marque la mise en place du régime climatique onusien. Selon Aykut et Dahan (2015) trois axes structurent ce régime climatique : 1) une distinction nette entre pays industrialisés et pays en développement, avec des obligations de réduction pour les premiers, et des promesses d’aide technologique et financière pour les seconds; 2) une stratégie dite de partage du fardeau avec des chiffres de réduction des émissions de CO2 et des objectifs de stabilisation échelonnés dans le futur, dont la définition et l’ambition constituent l’essentiel de la négociation; 3) un rôle particulier pour l’expertise, institutionnalisée à travers le GIEC et scandant les négociations à coup de rapports sur l’état des connaissances.

Ces mécanismes qui visaient à encadrer les actions des pays signataires pour une réduction des émissions globales se sont révélés insuffisants et même inadaptés […]

Un an après son entrée en vigueur en mars 1994, a eu lieu en 1995 à Berlin la première conférence des parties (COP 1). L’objet des négociations était de parvenir à un traité international permettant de coordonner les politiques climatiques des pays industrialisés. Dans cette optique, le principe de la nécessité de réductions quantifiées des émissions des pays industrialisés fut adopté aboutissant en 1997 au Protocole de Kyoto (COP 3 au Japon). Mis à part les États-Unis (par suite d’une résolution du Sénat le 25 juillet 1997, entérinée en 2001 par le président George W. Bush) et quelques micro-États, puis le Canada qui s’est retiré en 2012, le protocole de Kyoto a été ratifié par 192 pays et est resté jusqu’à la COP 21 à Paris, l’accord le plus ratifié impliquant le plus grand nombre de parties aux intérêts divergents.

En effet, le Protocole de Kyoto visait à mettre en œuvre les objectifs de la CCNUCC en contraignant les pays industrialisés, émergents et en développement à réduire leurs émissions moyennes de GES sur la période 2008-2012 de 5,2 % par rapport à leurs niveaux de 1990. En plus de mettre en avant le principe de « responsabilités communes, mais différenciées » qui reconnaît que tous les pays ont un rôle à jouer dans la réduction des GES, mais que les efforts doivent tenir compte des capacités économiques et technologiques de chaque pays, le Protocole de Kyoto proposait également des mécanismes originaux comme le marché du carbone, les mécanismes de développement propre et la mise en œuvre conjointe.

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Mais ces mécanismes qui visaient à encadrer les actions des pays signataires pour une réduction des émissions globales se sont révélés insuffisants et même inadaptés comme l’illustre le marché du carbone qui selon M. Löwy s’est révélé une opération « tragi-comique ». En effet, la mauvaise gestion des quotas d’émissions (permis de polluer) par les États a causé une chute des prix de la tonne de CO2 entre 2005 et 2007, ce qui en retour a favorisé les grandes entreprises. Nonobstant la réforme du marché du carbone adoptée en 2017 et qui a permis une remontée des prix, les permis d’émission restent purement virtuels, ce qui les rend vulnérables aux tentatives de spéculations et de fraudes.

Après Kyoto (COP 3), de La Haye en 2000 (COP 6) où les négociations ont été rompues en raison de désaccords entre les États-Unis et l’Union européenne, aux Accords de Marrakech en 2001 (COP 7) jusqu’à la « feuille de route » de Bali (COP 13 en 2007) et ses quatre piliers (atténuation, adaptation, transfert technologique et mécanisme financier), peu d’avancées significatives ont été observées. Les nombreuses tentatives de renégociation du Protocole de Kyoto depuis son entrée en vigueur en 2005, notamment sur les mécanismes flexibles, les sanctions à appliquer en cas de non-respect des engagements, les puits de carbone et le financement aux pays en développement – qui s’orientait beaucoup plus vers les politiques d’atténuations, c’est-à-dire, l’ensemble des politiques de réduction des émissions au détriment de l’adaptation – ont connu des résultats mitigés. Les pays industrialisés et les pays émergents craignant que ces mesures freinent leur croissance économique et leur sécurité énergétique.

Cette attitude pose le problème de la représentation du problème comme le décrit Gemenne (2015) : « […] Si la solution d’un problème dépend profondément de la représentation que l’on se fait de celui-ci, alors le changement climatique souffre d’une absence de représentation commune. Pour certains il représente une question de survie, pour d’autres une question de sécurité ou de développement. Il n’y a guère, aujourd’hui une représentation commune du problème, qui laisserait entrevoir une solution commune ».

L’absence d’un accord qui prend en compte les besoins réels des pays industrialisés, des pays émergents et des pays en développement en termes d’objectifs communs à atteindre pour résoudre la crise du changement climatique est un premier élément de cet échec. La fin brutale des négociations à la COP 15 à Copenhague en 2009 se situe dans cette dynamique et marque la fin d’une voie de négociation qui avait été jusqu’ici privilégiée : celle d’une coopération internationale qui passe par un accord global et contraignant, mais aussi celle du  Protocole de Kyoto malgré une prolongation à Doha en 2012 (COP 18) par un groupe limité de pays jusqu’à 2020. Dès lors, les négociations d’un nouvel accord global pour remplacer le Protocole de Kyoto devenaient un impératif.

Paris ou la conférence de la dernière chance

La COP 21 à Paris en décembre 2015, souvent présenté comme la conférence de la dernière chance, a nourrie tous les espoirs. La déclaration commune signée un mois auparavant entre les États-Unis et la Chine – les deux plus grands pollueurs mondiaux – sur leurs engagements respectifs en matière de réduction de leurs émissions de GES redonnait de l’espoir, même si ces engagements, sans valeur juridique, révisables et modifiables paraissaient insuffisants au regard de l’objectif des 2 °C. Néanmoins, cet accord traduit le nouvel ordre géopolitique définit par ces deux puissances mondiales et sape le cadrage général du processus défendu depuis quinze ans par l’Europe, la plupart des pays en développement, les ONG environnementalistes et les scientifiques.

Adopté le 12 décembre 2015 par 196 nations, l’Accord de Paris réunit autour d’une cause commune l’ensemble des pays de la planète afin d’entreprendre des efforts ambitieux pour lutter contre le changement climatique et s’adapter à ses effets. En fixant pour objectif de réduire les émissions à un niveau inférieur à 2°C plus particulièrement à 1.5°C, l’Accord de Paris apparait comme une avancée capitale pour deux raisons. La première se réfère aux contributions nationales déterminées (CND) qui obligent chaque pays signataire à soumettre un plan d’action climatique dans lequel ils communiquent les mesures qu’ils vont prendre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et renforcer leur résilience afin de s’adapter aux effets de la hausse des températures. La deuxième concerne le cadre de soutien promis aux pays en développement pour financer les politiques d’atténuation et d’adaptation, améliorer la résilience, réduire les émissions de GES et renforcer les capacités des acteurs pour faire face aux nombreux défis posés par le changement climatique.

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Cependant, depuis son entrée en vigueur le 4 novembre 2016, très peu d’États ont respecté leurs engagements notamment la mise en place des CND que les pays signataires devaient actualiser avant la COP 26. De plus, les pays en développement ne bénéficient qu’une infirme partie des financements et le système est clairement orienté dans l’intérêt des pays investisseurs plutôt que des pays bénéficiaires. Cerise sur le gâteau, les États-Unis, premier pollueur mondial, sont même sortis de l’accord sous l’administration de Trump, mettant fin à tout espoir d’un accord global contraignant perpétuant ainsi le déni du changement climatique, l’une des causes de l’échec.

En effet, le dérèglement climatique est une réalité qu’il est difficile de garder à l’esprit bien longtemps. Même s’il nous arrive d’avoir vraiment les yeux ouverts, cela ne dure pas, et nous continuons ainsi d’osciller entre prise de conscience et amnésie [écologique] intermittente. De ce fait, il est plus facile de nier la crise du climat tout en espérant que le génie humain va nous enfanter des technologies miraculeuses susceptibles d’attirer sans encombre tout le gaz carbonique du ciel ou d’atténuer par magie toute la chaleur du soleil.

Deux autres éléments peuvent expliquer ce constat d’échec. Le premier se réfère aux acteurs représentés autour de la table des négociations. En effet, seuls les gouvernements négocient, et la plupart des acteurs réels du problème, qu’ils soient entreprises, municipalités ou peuples indigènes, ne sont pas représentés. De plus, la négociation sur le climat reste isolée des autres sphères de négociation, sur le commerce et le développement par exemple (illusion de la possibilité d’une gestion isolée). Or, la solution au problème climatique ne pourra pas venir d’un traité environnemental. Elle doit passer par une approche intégrée qui prend en compte l’économie, la politique, la culture, etc.

Le deuxième s’explique par la question de « responsabilités communes, mais différenciées » mise en avant dans le protocole de Kyoto. L’accord de Paris n’étant pas contraignant, les États ont préféré orienter leurs CND en fonction de leurs besoins à court terme ignorant les directives de l’accord. Le cas de l’Inde et de la Russie, respectivement quatrième et cinquième plus grand émetteur mondial qui ont présenté des NDC moins ambitieuses en 2020 par rapport à 2015 traduit l’attitude des États par rapport à l’objectif de réduire les émissions à 2°C plus particulièrement à 1.5°C d’ici 2050.

Bien que depuis Copenhague beaucoup d’efforts soient faits pour intégrer un plus grand nombre d’acteurs aux négociations, la polarisation des décisions, l’absence de ligne d’arrivée claire et le manque de transparence, sont autant d’éléments de l’échec constaté. Il importe aujourd’hui comme le souligne Gemenne (2015) de combler le déficit démocratique dont souffrent les négociations, en les rendant plus transparentes, plus ouvertes, et en offrant à la population de faire entendre sa voix, par exemple au travers des nouvelles.

Glasgow ou la grande désillusion

À Glasgow, les attentes étaient élevées. Les chefs d’États et de gouvernements étaient attendus au tournant. En effet, la situation de plus en plus alarmante du réchauffement planétaire justifiée par les différents rapports du GIEC et les évènements extrêmes qui ont frappé le monde au cours de la dernière année (les feux de forêt en Australie et en Californie, les inondations en Europe, en Asie de l’Est et du Pacifique, les températures extrêmes au Canada, les épisodes de sécheresses en Afrique subsaharienne, etc.) ont alerté l’opinion publique qui est de plus en plus sensibilisée par la réalité saisissante du changement climatique.

Des mobilisations de jeunes aux quatre coins du monde ayant comme cheffe de file la jeune militante suédoise, Greta Thunberg, et les mouvements altermondialistes réunissant les écologistes, les socialistes, les syndicalistes, les paysans autour du mot d’ordre « Changeons le système, pas le climat » ont accentué la pression sur les chefs d’États et de gouvernements. Arriver à un accord global contraignant suivi d’actions concrètes qui puissent tracer une perspective claire pour limiter le réchauffement global était, une fois de plus, l’enjeu majeur. De surcroît, le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris à la suite de l’élection de Joe Biden augurait l’espoir d’un accord historique. Mais l’image de ce dernier somnolant pendant une séance représente tout un symbole de l’importance accordée aux puissances mondiales à la crise du changement climatique.

Les nombreuses réunions, sessions de travail, négociations aussi longues qu’ardues allaient déboucher sur le Pacte de Glasgow pour le climat adopté à l’issue de la conférence. En effet, ce pacte illustre, une fois de plus, la position des puissances mondiales, qui refusent de prendre des mesures fortes pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

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Ce pacte met également en évidence les rapports souvent teintés d’inégalités, qui dépassent largement le cadre des négociations internationales sur le changement climatique, entre les pays du Nord émetteurs de polluants climatiques et les pays du Sud, peu émetteurs, mais impactés par un changement climatique auquel ils n’ont pratiquement pas contribué, ce qui favorise les accords bilatéraux (souvent entre pays pollueurs) au détriment des accords multilatéraux. En ciblant les émissions de CO2 au lieu de s’attaquer aux modes de développement économique, aux règles du commerce international ou au fonctionnement du système énergétique mondial, les chefs d’États et de gouvernements des pays développés et émergents ont priorisé la reprise économique à l’action climatique et ne font qu’hypothéquer l’avenir des générations futures et celle de la planète entière.

En conclusion, les causes de l’échec des conférences des parties ont démontré que nous sommes tous plongés dans un déni climatique, et ce, depuis le début.

Cette grande désillusion, énième échec de la COP, comme l’a si bien souligné N. Klein (2015), dans son livre phare Tout peut changer : capitalisme et changement climatique, s’explique par le fait que « […] les politiques à mettre en œuvre sont fondamentalement incompatibles avec le capitalisme dérèglementé dont l’idéologie a dominé toute la période durant laquelle nous nous sommes démenés pour trouver une issue à la crise du climat. Si la situation ne se débloque pas, c’est parce que les mesures grâce auxquelles on aurait le plus de chances d’éviter la catastrophe (et qui profiteraient à l’immense majorité de la population) représentent une grave menace pour la minorité qui a la haute main sur l’économie, la sphère politique et la majorité des grands médias ».

En effet, les grandes accélérations observées depuis les années 90 ont fortement bouleversé l’environnement mondial. Elle sont notamment marquées par : i) la globalisation économique et financière, synonyme d’exportation universelle du modèle de développement occidental fondé sur la combustion d’énergies fossiles; ii) la croissance industrielle à deux chiffres de la Chine au cours de la première décennie du XXIe siècle qui a doublé sa consommation énergétique et a augmenté en retour ses émissions de CO2, et enfin iii) les bouleversements du paysage énergétique mondial en cours déclenchés par la catastrophe de Fukushima au Japon qui a poussé un certain nombre de pays en Europe a abandonné le nucléaire avant de rétracter, l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, l’exploitation du charbon comme énergie en Chine (69% de la consommation énergie primaire) et dans beaucoup de pays d’Asie et d’Europe ainsi que les investissements dans les énergies renouvelables. Ces transformations ont engendré des blocages dans le régime climatique qui « externalisent » ses causes structurelles et participe ainsi à la préservation des intérêts économiques et à la sauvegarde d’une hiérarchie de valeurs essentielles aux puissances hégémoniques.

Cette désillusion remet également en cause la gouvernance onusienne du problème climatique traversée selon Aykut et Dahan (2015) par une triple illusion : illusion de la possibilité d’une gestion apolitique, c’est-à-dire une gestion qui ferait l’impasse sur le volet proprement géopolitique de la question climatique; illusion de la possibilité d’une gestion isolée, alors que le dossier du climat est inséparable des problèmes d’énergie, des modes de développement, de la forme actuelle prise par la mondialisation économique et financière; illusion de pouvoir mener l’inévitable transformation industrielle et sociale de manière indirecte, sans repenser en profondeur nos stratégie industrielles et le contrat sociale de nos démocraties, et sans ancrer cette transformation au niveau local, dans les territoires.

En conclusion, les causes de l’échec des conférences des parties ont démontré que nous sommes tous plongés dans un déni climatique, et ce, depuis le début. Les accords qui ont été trouvés sont davantage le résultat d’interactions politiques que d’une agrégation rationnelle des préférences de chaque partie en vue du choix collectif. Les données les plus récentes publiées par Climate Action Tracker, démontrent que nous ne sommes toujours pas sur la voie d’un réchauffement limité à 1,5°C et au lieu de réduire nos émissions de 45 % d’ici 2050, nous devrions encore les augmenter de 14 % d’ici 2030. Une preuve de plus que la planète meurt à petit feu.

Tant que dans les Conférences des Parties, les chefs d’États et de gouvernements n’acceptent pas que la façon dont l’économie est dirigée aujourd’hui n’est pas durable et qu’elle se heurte de plein fouet aux limites physiques de la planète ; tant qu’ils ne comprennent pas que la crise du climat n’est pas un enjeu parmi d’autres, mais un signal d’alarme, un avertissement ferme qui s’exprime dans un langage de feux de forêts, d’inondations, de sécheresses et d’extinction d’espèces, et que la politique et l’économie doivent se mettre au service de l’écologie et non l’inverse voire une « écologisation de l’économie », méthode plus radicale et plus profonde énoncée par T. Jackson, 2009 ; tant qu’ils ne comprennent pas que le changement climatique, n’est que le révélateur de modèles de développement non soutenables et d’inégalités entre États et entre générations qu’il faut réparer, à travers un accord global et contraignant prenant en compte les modèles de production et de développement de chaque partie, les nombreux efforts pour sauver la planète resteront insignifiants.

Pendant 26 ans, nous avons opté pour la politique de petit pas, pour la modération, en tentant d’adapter les besoins physiques de la planète au besoin de croissance infini d’un système économique regorgeant de nouvelles occasions de faire du profit. Les résultats se sont révélés catastrophiques et placent l’humanité dans une situation plus périlleuse que jamais.

Il nous faut réorienter la gouvernance climatique pour repolitiser le problème climatique afin de briser l’illusion d’une possible gestion apolitique, le désenclaver sur l’échiquier politique international et dans les politiques nationales, et enfin, reterritorialiser et rematérialiser les enjeux climatiques afin d’ancrer la nécessaire transformation de nos sociétés dans le réalités sociales, économiques et politiques d’aujourd’hui.

Autrement, la maison continuera de bruler sous nos yeux, pendant que nous continuerons à regarder ailleurs.

Jean Ronald Joseph, ing.-agr, MSc.

Crédit Photo de couverture : GETTY IMAGES / PETER SUMMERS

Jean Ronald Joseph est ingénieur-agronome et diplômé en maîtrise (profil recherche) en gestion des ressources maritimes de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Il travaille présentement comme professionnel de recherche au département de développement régional de l’UQAR. Ses intérêts de recherche portent sur les questions liées aux adaptations des milieux côtiers au changement climatique, la gestion et la gouvernance des ressources naturelles.

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