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MARIO ANDRÉSOL : « Michel Martelly transportait de la drogue pour des Colombiens »

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L’ancien directeur de la Police Nationale d’Haïti, Mario Andrésol, fait des révélations sur l’ancien président de la République, Michel Joseph Martelly et deux sénateurs actuellement en fonction. Dans un long entretien avec le journaliste Arnaud Robert pour Ayibopost, l’ancien directeur de la PNH décrit une police vassalisée par le pouvoir politique et laminée par la corruption au plus haut niveau.
La Police Nationale d’Haïti a été créée en 1995 pour remplacer les Forces Armées d’Haïti qui assuraient les fonctions de police. Mario Andrésol, militaire de formation, a occupé plusieurs postes au sein de l’institution depuis sa création avant de partir en exil en 2001. Il prend la tête de la PNH le 22 juillet 2005 sous le gouvernement de transition du président Alexandre Boniface et du premier ministre Gérard Latortue. La PNH vient alors tout juste de fêter ses dix ans d’existence, elle a l’image d’une institution fortement corrompue, alors qu’elle ne compte qu’un peu plus de 4000 policiers.
Mario Andrésol a dirigé la PNH pendant 7 ans (de juillet 2005 à aout 2012). Avec une franchise explosive, il affirme que son successeur, Godson Orelus, a « bousillé » tout son travail pour plaire à l’ancien président Michel Joseph Martelly et son entourage. Il livre ses souvenirs les plus troublants à Ayibopost.

Des escadrons de la mort au sein de la PNH.

« Je suis arrivé à l’aéroport un mardi et on devait m’installer comme chef de la Police le vendredi. Les hommes qui étaient venus me chercher constituaient en réalité un escadron de la mort. Je ne le savais pas. Je pensais qu’ils étaient des agents de la SWAT TEAM (NDLR : Unité d’élite) parce que ce sont eux qui portaient l’uniforme noir et des fusils Galil quand j’ai quitté le pays. Quand je les ai vus à l’aéroport, je croyais que c’était une disposition du chef de la police ou bien du gouvernement.

J’ai préféré monter dans la voiture d’un ami qui était aussi venu me chercher. Les hommes en noir bien équipés étaient venus avec des véhicules de police et des gilets pare-balles estampillés Police, ils m’ont frayé le passage dans la rue.

Arrivé à l’hôtel Villa Créole, ils l’ont investi et placé des gardes. Deux jours après, ils étaient encore là, et par reflexe, j’ai appelé l’un d’entre eux et je lui ai demandé à quelle promotion il appartenait. Il m’a répondu qu’il n’était d’aucune promotion de la police. Il m’a dit qu’ils étaient des assaillants qui avaient aidé à renverser le président Jean-Bertrand Aristide.

 C’était des anciens attachés, un groupe hétérogène. Ils n’étaient pas formés mais ils connaissaient le maniement des armes. Quand je me suis mis à les interroger, ils m’ont dit qu’ils étaient au nombre de quarante (40) et qu’on les appelait le « Back Up Delta ». Ils ont dit que là où la police ne peut pas intervenir, c’est eux qui interviennent. Mon prédécesseur (Ndlr, Léon Charles) était au courant. Ils m’ont dit par exemple à Fort National, c’est eux qui étaient intervenu. Ils ont déclaré que, dans ces quartiers, ils ne regardaient pas quand ils tiraient.

Ils voulaient que je les intègre dans la police. Ils m’ont dit que c’est le directeur de la police qui leur donnait parfois un peu d’argent, le directeur de l’OAVCT (NDLR : l’Office Assurance de Véhicules Contre Tiers) ou bien de l’APN (NDLR : Autorité Portuaire Nationale). Lorsqu’on m’a remis la liste des membres du groupe, j’ai vu que c’était des hommes que j’avais déjà arrêté quand j’étais à la Direction Centrale de la Police Judiciaire. Parmi eux, il y avait des anciens attachés et des anciens policiers impliqués dans la drogue.

Ma première disposition a été de faire une conférence de presse et j’ai déclaré que les uniformes noirs n’existent plus dans la police. Si la population remarquait des hommes en noir dans les rues, ce n’était pas des policiers. Quand ces hommes n’étaient pas en noirs, ils étaient des kidnappeurs. »

Des plaques de la police pour transporter de la drogue

« J’ai publié un communiqué annonçant que tous les véhicules de la police allaient être marqués. Les numéros seraient visibles sur les véhicules afin que le public puisse les identifier parce que, auparavant, on ne pouvait pas identifier véritablement les voitures de la police.

Les plaques d’immatriculation marquées « Police » qui ressemblaient aux autres plaques d’immatriculation étaient source fréquente de corruption. Puisqu’il n’y avait pas beaucoup de voitures dans la PNH, on distribuait les plaques dans les commissariats. Les trafiquants de drogue soudoyaient les responsables de commissariats et louaient ces plaques d’immatriculation 2000 dollars haïtiens par soirée. Donc, lorsqu’on disait qu’on voyait des véhicules de la police qui transportaient de la drogue, c’était vrai. C’était des plaques d’immatriculation louées dans les commissariats. Il n’y avait aucun contrôle.

J’ai identifié le problème et personne ne savait pourquoi j’ai dit : on va avoir de nouvelles plaques. On va le faire par couleur : Port-au-Prince verte, Cap-Haitien, rouge ; Jacmel, orange ; Nippes, bleu. A ce moment là, les plaques étaient stockées chez moi, mais pas à la logistique de la PNH.

Il y avait tellement de policiers impliqués dans des affaires louches, des activités illégales et criminelles. Je n’avais aucune statistique en tête quand j’ai déclaré à la radio en 2005 après mon arrivée, que 65% des délits qui arrivaient en Haïti provenaient de la police.

J’avais compris qu’il fallait que l’opinion publique soit avec moi. C’est pourquoi tout ce que je faisais, je le communiquais à la radio et j’expliquais pourquoi. Il y a tellement de choses qui étaient cachées. Une fois dévoilées, le public était intéressé par ce qui se passait au sein de la police.

 « Ce n’est pas mieux maintenant. Godson Orelus a tout bousillé pour plaire à Martelly. »

Dans cette position de chef de la police, il faut comprendre son rôle. Une fois que vous êtes ratifié par le parlement, normalement vous n’avez aucun rapport ni avec le président, ni le premier ministre. Il faut que cette mentalité de nos politiques d’asservir les forces de sécurité change. J’ai résisté à Martelly, mais Godson Orélus s’est laissé aller parce qu’il veut protéger son job.

Martelly a demandé beaucoup de choses. Il a demandé de réintégrer des individus qui avaient été révoqués de la police pour trafic de drogue. Il y a Féthière qui est sénateur maintenant. Il était révoqué de la police bien avant que je sois directeur, mais je savais pourquoi. Le président a demandé sa réintégration pour ses activités de drogue.

J’étais commissaire de Pétionville. Auparavant, il (Martelly) travaillait pour des Colombiens, il transportait de la drogue. Donc, il s’est constitué un réseau dont Sonson La Familia et les autres qui s’agglutinaient autour de lui. Il y avait Fourcand qui est aujourd’hui sénateur du Sud. J’ai détruit au moins cinq kilomètres de pistes dans la zone de Côtes-de-Fer, la ville de Martelly.

Je savais qu’il travaillait pour des Colombiens et ces hommes avaient une marina à Lully. Une fois qu’il est arrivé au pouvoir, il a investi il s’est approprié la marina. Parce que, en général, c’est à la marina qu’ils allaient se cacher, ils l’utilisaient comme une position de transit en face de la Côte des Arcadins. Les petits bateaux disparaissaient dans ces zones-là. De la même façon à Losandieu à Côtes-de-Fer, dans la Grosse Cayes.

La rédaction de Ayibopost

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